IL EST PROBABLE qu’une majorité de Français a été choquée, bouleversée et épouvantée. Mais la force des émotions s’accommode mieux du silence. C’est sans doute la raison pour laquelle on trouve tant d’opinions indifférentes ou agacées par le tintamarre des médias autour d’une affaire hors normes. Dans un « micro-trottoir » du « Parisien », on trouve cette réflexion glacée : « J’ai dit à ma famille : le tueur est mort. Maintenant on éteint la télé et on dîne tranquillement ». La vie reprend ses droits tôt ou tard ; et c’est préférable. Mais le retour à la routine est illusoire dès lors que les tenants et les aboutissants de l’affaire Merah n’ont pas tous été établis et qu’il existe sans doute en France des dizaines de Merah en puissance. L’idée que l’on puisse s’abstraire de la vie nationale parce que de petits groupes, (les militaires ou les juifs) ont été cette fois visés et que l’on n’appartient pas à ces groupes n’écartera pas les terroristes du chemin de n’importe quel autre citoyen français.
Le plan B de Merah.
Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler que le lundi 19 mars, Merah avait pour projet d’abattre un policier dont il connaissait le visage et la fonction. Il ne l’a pas trouvé et il a donc assassiné quatre personnes, dont trois enfants, dans une école juive. C’était son plan B. Un hasard sinistre a brisé quatre destins et préservé un autre. Pour une raison simple : la haine des jihadistes n’a pas de limites et elle n’a qu’un objectif, semer la peur. La classe politique, en de telles circonstances, a le devoir de rassembler la population autour de la solidarité avec les victimes, qu’elles soient militaires, musulmanes ou juives. Des candidats à la présidence ont refusé de faire une pause dans leur campagne, des hommes ou des femmes politiques ont jugé utile, en cette circonstance, de continuer à accabler Nicolas Sarkozy de leurs critiques, et beaucoup d’anonymes ont réagi avec hostilité à la minute de silence observée dans les écoles, sous le prétexte qu’elle a contraint des millions d’enfants à partager, volontairement ou non, la douleur des familles de victimes alors que, selon les égoïstes ou les cyniques, les élèves de France ne sont pas concernés par ce qui se passe dans un lycée juif de Toulouse.C’est une politique de l’autruche.
REFUSER DE PARTAGER LE DEUIL, C’EST SE PRIVER DU SOUTIEN DONT ON RISQUE D’AVOIR BESOIN
L’affaire Merah est infiniment plus complexe que ce que croient beaucoup de gens. La mort du tueur ne met pas fin à l’enquête et son frère aîné, Abdelkader Merah, a été mis en examen : on le soupçonne d’avoir apporté à Mohamed une inspiration mortifère et une aide logistique. Il n’est pas difficile de comprendre que des djihadistes « dormants » risquent, à chaque instant de se déchaîner contre des cibles qui se croient à l’abri. On peut dîner tranquillement mais on ne peut pas abandonner toute vigilance ou refuser son soutien aux familles endeuillées parce qu’on risque, un jour, d’avoir besoin du même soutien. Dans cette affaire, l’égoïsme ou le mépris avec lequel on espère renvoyer dos-à-dos les communautés juive et musulmane relèvent non seulement de la méchanceté mais de la bêtise. On ne peut pas dire : c’est leur affaire. Car c’est la nôtre.
La nôtre à tous. Qui que nous soyons, nous avons un point commun, celui d’appartenir au même pays. On dit tant de mal de nos institutions, politique, médiatique, policière qui, certes, ont besoin de se réformer, mais elles ne vont pas s’améliorer si l’opinion refuse, par peur ou par indifférence, de participer à une vie nationale jalonnée parfois de malheurs indélébiles. On ne préviendra ces malheurs que si les autorités policières et judiciaires mênent l’enquête jusqu’au bout dans l’affaire Merah et se livrent à un travail, qui sera difficile, sur les individus fichés pour les comportements radicaux qu’on leur connaît et pour les rapports qu’ils entretiennent avec des salafistes ou des fondamentalistes à l’étranger. La violence fait irruption dans nos salons par le biais de la télévision. Mais on ne la supprimera pas en éteignant l’écran. Elle peut revenir au coin de la rue sous la forme d’une balle perdue.
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