L E traitement des surdités les plus profondes par implants cochléaires avance à petits pas. Avec 180 à 200 interventions par an, la France se situe au 10e rang des nations européennes. Un classement identique à celui de la Turquie. Alors que le Royaume-Uni ou l'Allemagne, au niveau de vie plus proche du nôtre, pratiquent entre 400 et 500 implantations annuellement.
Les raisons, évoquées par le Pr Bruno Frachet, chef du service ORL à l'hôpital Avicenne (Bobigny, Seine-Saint-Denis), sont de plusieurs ordres. En premier lieu, la méconnaissance de la technique par les malentendants concernés ou leur entourage. Ensuite, et non des moindres, l'aspect pécuniaire. Il n'y a pas d'accréditation pour l'implant cochléaire en France. Le coût de l'intervention et de ses suites se situe à environ 210 000 à 230 000 F. Les financements sont obtenus soit sur un budget hospitalier, soit sur des sommes allouées par le ministère au titre des dispositifs coûteux ou innovants. La plus grande partie de cette somme est représentée par l'implant lui-même, 150 000 F. Le reste couvre les frais de prise en charge, d'imagerie, de tests divers, de rééducation et les 4 jours d'hospitalisation. Autre frein, la rumeur : au classique « ça ne marche pas » s'ajoutent les craintes exagérées de complications et les réminiscences de l'opposition du monde des sourds, qui revendiquaient haut et fort, voici quelques années, leur droit à la différence.
Vingt centres pratiquent l'intervention
Le nombre de médecins compétents n'est, en revanche, pas une limite. Plus de vingt centres pratiquent l'intervention. En sachant qu'elle ne doit être réalisée que par une équipe, comportant, certes, un médecin et un chirurgien, mais aussi un phoniatre, un audioprothésiste, un orthophoniste et un psychologue. Selon le Pr Frachet, ce nombre de centres est trop élevé. Mieux vaudrait quelques équipes complètes et très entraînées, au fait des dernières évolutions technologiques.
L'objectif in fine est de remettre le patient dans un circuit de vie normale. Scolaire pour les plus jeunes, professionnelle pour les autres. Mais la situation diffère selon l'âge. Chez les premiers, le bienfait de l'implant cochléaire est bien établi, surtout avant l'âge de 7-8 ans, où la connectique neuronale est optimale. « On parle comme on entend et la production de parole est meilleure si l'enfant est implanté tôt. » Peu d'enfants échappent, en France à un dépistage plus ou moins précoce. Pris en charge par des structures spécialisées, ils doivent être adressés pour implantation avant leur 7e ou 8e anniversaire. La cohorte de ces enfants est connue et en augmentation.
Surdités progressives
Chez l'adulte il en va autrement. L'implant s'adresse surtout aux surdités progressives, d'origine génétique (autrefois idiopathiques), posttraumatismes (accidents de la voie publique) ou postinfectieuses. La qualité du résultat dépend de multiples facteurs : la motivation du patient, ses capacités cognitives (les polyglottes réussissent mieux), le nombre de neurones auditifs résiduels, l'interface nerf-électrode (c'est-à-dire la distance les séparant) et le traitement du signal de la parole (reposant sur le microprocesseur de l'implant).
A n'en pas douter, prévoit le Pr Frachet, les implants cochléaires vont continuer de progresser en nombre et en qualité (analyse de la parole, miniaturisation). Notamment grâce à une meilleure diffusion de la technique et grâce à l'implication des audioprothésistes, trop « mis sur la touche ». Ces professionnels connaissent au mieux le réglage des aides auditives. Leur expérience est utile dans l'adaptation des implants.
D'après un entretien avec le Pr Bruno Frachet, hôpital Avicenne (Bobigny).
* AIFIC, 11, rue du Poirier-de-Paris, 77280 Othis.
Une seule indication
L'implant cochléaire est indiqué chez un patient atteint de surdité complète bilatérale, ne pouvant bénéficier de l'apport de prothèses conventionnelles pour la communication parlée en le privant de la lecture labiale.
Il reste contre-indiqué chez les patients non motivés (usage du langage des gestes), en cas d'infection locale, de terrain psychologique particulier, de conditions anatomique locales particulières.
L'âge, en revanche, n'est pas une contre-indication.
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