DEPUIS 2003, des gendarmes mosellans, formés par leurs homologues allemands de la Sarre, font subir aux automobilistes un test de comportement dans le cadre d'un dépistage des produits illicites. Le conducteur est appelé à sortir de son véhicule, ou le motard à quitter son engin, pour se soumettre à une série d'exercices. Garder l'équilibre sur une jambe les yeux fermés, incliner la tête en arrière les bras en avant, montrer son oeil (forme de la pupille) et estimer une période de 30 secondes en constituent l'essentiel.
La méthode s'inspire du socle de toute recherche de stupéfiants au volant outre-Atlantique, où c'est «une nécessité constitutionnelle» car, aux États-Unis, même au nom de la sécurité routière, on ne peut pas procéder sans justification à des examens biologiques. Parti de Californie, il y a une quarantaine d'années, le Field Sobriety Test s'est étendu au monde anglo-saxon et, depuis le début du millénaire, à plusieurs Länder allemands.
Grâce aux tests comportemental, temporel et oculaire, on dispose in situ, en quelques minutes, d'indications sur l'usage, ou non, de drogue, explique en substance au « Quotidien » le Dr Charles Mercier-Guyon, expert européen en sécurité routière, membre de la Commission nationale des stupéfiants et des substances psychotropes (sous l'égide de l'AFSSAPS). En cas de suspicion, le gendarme a recours au test salivaire (voir encadré), ou urinaire, qui, positif, donnera lieu à une prise de sang. Dans la situation inverse, cela permet d'éviter le bâtonnet, qui, sur la langue, change de couleur sous l'effet du cannabis, de la cocaïne, d'opiacés ou d'amphétamines, dont le coût varie entre 8 et 10 euros, ou le kit urinaire (3 euros), soit, avec l'analyse sanguine, une économie de l'ordre de 25 à 30 euros. En Moselle, 4 sur sur 5 des tests comportementaux (470 en en 2007, lors d'opérations «coups de poing») témoignent de prise de produits psychoactifs.
Une recherche souhaitée par le médecin.
La législation française du 3 février 2003* sur la conduite sous l'influence de drogue préconise, sans rien codifier, la recherche de signes plausibles de suspicion, qu'il s'agisse d'indices matériels ou d'altération du comportement, indique le Dr Mercier-Guyon. Ces investigations comportementales sont notamment «indispensables pour identifier les défonces à la méthadone, à la buprénorphine haut dosage et autres molécules synthétiques de type GBH», affirme le spécialiste. Elles ne devraient pourtant pas voir le jour de si tôt à l'échelon national, hormis quelques initiatives locales, à l'instar de la Moselle.
«Tout le monde, en particulier les médecins, en souhaite la généralisation. Mais c'est un voeu pieu», précise au « Quotidien » le Dr Pascal Kintz**, ancien président de la Société française de toxicologie analytique (1997-2003), qui, à ce titre, a participé à la mise au point des modalités d'approche de la recherche de stupéfiants chez les conducteurs (décret du 25 septembre 2001, loi du 18 juin 1999). «Les forces de l'ordre, qui se disent déjà en sous-effectifs, estiment qu'il leur faudrait 13000gendarmes et policiers supplémentaires pour s'impliquer dans les tests de comportement, sans compter ce qu'il en coûterait de les former.»
* Délit passible de deux ans de prison, de 4 500 euros d'amende, d'une suspension du permis et d'un retrait de 6 points. ** Le Dr Pascal Kintz (Strasbourg) a confirmé la mort par empoisonnement chronique à l'arsenic de Napoléon, après les analyses toxicologiques effectuées sur les cheveux de l'empereur (« le Quotidien » du 7 juin 2005).
Salive ou urine
Le test salivaire, lancé au début de l'été 2008, n'est délivré aux forces de l'ordre qu'une fois que celles-ci ont reçu une formation d'une journée, organisée à Paris par le ministère de l'Intérieur. Aussi, pour l'instant, le dépistage urinaire reste-t-il la pratique la plus répandue (30 000 en 2006).
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