La loi de bioéthique du 24 juillet 1994, relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain ainsi qu'à l'assistance médicale à la procréation, devait, selon l'article 21, être revue au terme de cinq ans. En rédigeant cet article qui permettait d'intégrer les nouvelles avancées de la science, le législateur était sincèrement convaincu d'avoir trouvé la meilleure solution. Il semble aujourd'hui très embarrassé par ce cadeau empoisonné.
Le projet de révision de la loi bioéthique s'effectue en plusieurs épisodes. La série commence sous le gouvernement Jospin, le 22 janvier 2002, date à laquelle le texte est adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, avec déjà deux ans de retard. Si la possibilité du clonage thérapeutique est finalement retirée du texte, pour préserver le consensus, le projet de loi autorise les recherches sur les cellules souches d'embryons surnuméraires. Changement de législature. C'est sous le gouvernement Raffarin que le Sénat adopte à son tour le projet de loi en première lecture, en janvier dernier. Les sénateurs valident un texte plus restrictif que le précédent. Le clonage, reproductif et thérapeutique, est interdit, tout comme l'est le principe de « toute recherche sur l'embryon ». Des recherches peuvent être toutefois autorisées sur les cellules souches embryonnaires ES, par dérogation, pour cinq ans, lorsqu'elles sont « définies dans un cadre très strict » et « susceptibles de permettre des progrès »
Par ailleurs, les sénateurs rétablissent l'obligation de prouver l'existence d'une vie commune de deux ans pour accéder à l'assistance médicale à la procréation (AMP) et suppriment l'autorisation du transfert d'embryon post mortem en cas de décès de l'homme. Concernant les dons d'organes entre vivants, en vue de greffes, les sénateurs limitent cette possibilité au cercle de famille élargi du receveur ainsi qu'aux personnes qui apportent la preuve de deux ans de vie commune avec le receveur. La première mouture du projet de loi ouvrait le champ des donneurs aux personnes ayant seulement « un lien étroit et stable » avec le receveur.
Tempéré par les sénateurs, le projet de loi élaboré sous l'ère Jospin devait enfin être présenté devant les parlementaires, en deuxième lecture, au mois d'avril.. au mois de mai... puis au mois de juin. « Nous ne pouvons donner aucune date précise », explique-t-on au ministère de la Santé. Mais, faute de temps, on n'exclut pas que cette seconde lecture soit repoussée à la rentrée parlementaire prochaine, en octobre.
« Tout retard serait aujourd'hui préjudiciable », confie au « Quotidien » Alain Claeys, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale en 2002. « Les équipes de recherche, en particulier celles qui veulent travailler sur les cellules souches embryonnaires, se tiennent prêtes mais piétinent en attendant que cette loi soit adoptée », précise-t-il. Selon lui, ce retard, qui paraît cependant inhérent à la loi (rappelons notamment que le diagnostic préimplantatoire autorisé par le législateur de 1994, n'a pu être pratiqué qu'après la publication des décrets d'application, en 1998), ne peut plus être prolongé : il en va également de la crédibilité de la position française en matière de bioéthique, aux niveaux européen et international.
Conscient de la difficulté de réviser la loi bioéthique à date fixe, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, propose d'ailleurs de supprimer l'article en question et de permettre au législateur de légiférer quand il le souhaite. Il reprend ainsi l'avis du Comité consultatif national d'éthique (avis n° 67, février 2001) qui suggère d'améliorer les conditions de révision des lois de bioéthique. « Le temps de l'évolution des références éthiques ne s'accorde pas avec celui de la construction des normes juridiques ni avec celui de l'avancée des connaissances scientifiques », rappelaient les Sages.
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