De notre correspondante
à New York
« Notre prochain pas : conduire une étude clinique afin de déterminer si notre nouvelle immunotoxine possède un indice thérapeutique accru », confie au « Quotidien » le Dr Ellen Vitetta (centre d'immunobiologie cancéreuse, université de Dallas, Texas) qui a dirigé ces travaux. « Pouvons-nous donner une dose plus forte, tuer les cellules tumorales, mais ne pas avoir de dégât vasculaire ? Nous ne savons pas si cela marchera chez l'homme, mais nous l'espérons. Si cela réussit, les immunotoxines devraient être plus utiles en clinique. D'autres molécules responsables de ce problème chez l'homme, comme l'interleukine 2, pourraient aussi être améliorées par des mutations similaires. C'est possible, mais on ne le sait pas encore. »
Le syndrome de fuite vasculaire
Les immunotoxines, molécules hybrides formées d'une toxine liée à un anticorps monoclonal ou un autre ligand se fixant aux cellules constituent l'espoir de disposer d'un traitement cytolytique ciblé. Ainsi, ces vingt dernières années, des immunotoxines à base de ricine ont été développées et dernièrement évaluées en phase I contre le lymphome et le myélome. Ces immunotoxines contiennent la chaîne A déglycosylée de la ricine, une toxine naturelle trouvée dans les graines oléagineuses du ricin.
Ces immunotoxines à base de ricine ont l'avantage de n'avoir montré aucune myélotoxicité ni hépatotoxicité, mais elles induisent un syndrome de fuite vasculaire dose-limitant. Ce syndrome se caractérise par une hypoalbuminémie, un gain de poids et, dans les cas plus sévères, un dème pulmonaire, une hypotension et d'autres troubles plus graves qui ont défini la dose maximale tolérée. Ce problème peut être évité en donnant des doses plus faibles, mais il est clair qu'il serait utile d'optimiser l'indice thérapeutique. D'autant que les essais de phase I sont encourageants, avec une réponse complète ou partielle chez 15 à 30 % des patients en rechute de lymphome chimioréfractaire.
En outre, ce syndrome de fuite vasculaire est aussi observé avec d'autres immunotoxines ou cytokines thérapeutiques. Smallshaw, Vitetta et coll. ont donc décidé il y a quelques années de s'attaquer à ce problème. Ils ont d'abord montré que ces immunotoxines induisent le syndrome de fuite vasculaire en endommageant les cellules endothéliales des vaisseaux.
Puis, en comparant les séquences des toxines et de l'interleukine 2 connues pour avoir cet effet néfaste, ils ont identifié une séquence commune de trois acides aminés et ont montré que ce motif commun endommage les cellules endothéliales vasculaires. Leurs résultats suggèrent que le site induisant le syndrome de fuite vasculaire est différent du site enzymatique qui inhibe la synthèse des protéines.
Dans la présente étude, les chercheurs ont fabriqué plusieurs chaînes A de ricine avec des mutations, soit dans le motif coupable, soit à côté du motif.
Une toxine modifiée
Ces toxines modifiées ont été évaluées seules ou sous la forme d'immunotoxines. Ils ont ainsi trouvé une ricine mutée (modification d'un acide aminé à côté du motif, N97A) qui ne cause pas de syndrome de fuite vasculaire. Sous la forme d'immunotoxine, elle peut être donnée à une dose cinq fois supérieure et présente une activité thérapeutique accrue.
« Ces expériences suggèrent que la mutation N97A devrait donner des immunotoxines efficaces et moins toxiques chez les hommes », concluent les chercheurs, qui soulignent toutefois que seules les études cliniques pourront le confirmer.
« Nature Biotechnology », 10 mars 2003, DOI : 10.1038/nbt800.
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