Immunoglobulinémie monoclonale : conduite à tenir

Publié le 04/05/2003
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REFERENCE

Généralités

On parle d'immunoglobuline monoclonale (Ig) devant la découverte dans le sérum et/ou les urines d'une immunoglobuline caractérisée par un seul type de chaîne lourde et un seul type de chaîne légère, parfois incomplète et représentée seulement par sa chaîne lourde ou légère.
La découverte systématique d'une immunoglobuline monoclonale est une situation médicale fréquente, notamment chez le sujet âgé (1 % de la population générale a une Ig monoclonale à 50 ans, 4 % des gens âgés de plus de 70 ans). Sa présence dans le sang confirme l'existence d'un clone lymphoplasmocytaire ou plasmocytaire au niveau du tissu hématopoïétique (moelle ou ganglions).
La démarche médicale consiste à éliminer une hémopathie maligne, en particulier un myélome multiple. Un certain nombre de patients présentent une immunoglobuline monoclonale sans aucune étiologie associée. Ces patients sont dits porteurs d'une immunoglobuline de signification indéterminée (ni maligne ni bénigne). Cependant, chaque année, 1 % de ces patients va présenter une transformation en un authentique myélome. Une surveillance clinique et biologique à vie, assurée par le médecin généraliste, est nécessaire.

Quand penser à un myélome ?

Les étiologies des dysglobulinémies monoclonales sont très variées (Cf. liste ci-dessous). Bien que ne représentant que 20 % des étiologies, il est indispensable d'éliminer rapidement un myélome en raison des complications potentiellement graves lors de cette affection et de l'existence de mesures thérapeutiques efficaces.
Etiologies des dysglobulinémies monoclonales
- Myélomes ou tumeurs plasmocytaires uniques : 20 %.
- Amylose : 5 %.
- Autres syndromes lymphoprolifératifs : 10 % :
• maladie de Waldenström : 2 % (pic IgM),
• leucémie lymphoïde chronique, lymphomes malins : 8 %.
- Ig monoclonale de signification indéterminée (MGUS) : 63 %.
- Autres : hépatopathies, maladies auto-immunes, maladies infectieuses (transitoire).
Un certain nombre de manifestations cliniques et biologiques doivent immédiatement faire évoquer un myélome multiple
- Signes osseux : douleurs inflammatoires, fractures pathologiques ;
- anomalies de la numération formule, anémie, neutropénie, thrombopénie.
- Altération de l'état général :
- insuffisance rénale ;
- hypercalcémie (déshydratation, constipation, vomissement, confusion) ;
- protéinurie.
D'autres manifestations orientent immédiatement vers une hémopathie :
- adénopathies, splénomégalie ;
- organomégalie ;
- anomalies de la numération formule, anémie, thrombopénie, lymphocytose excessive ;
- syndrome d'hyperviscosité.

Comment éliminer le diagnostic de myélome ?

- Biologique : Ca, NF, urée, créatinine : créatinine et calcémie normales, NFS normale.
Electrophorèse des protéines sanguines : composant monoclonal modéré ou minime la plupart du temps inférieur à 30 g/l.
Dosage pondéral des immunoglobuline G, A, M : pas de diminution des Ig normales.
Protéinurie des 24 heures, et protéinurie de Bence-Jones : absente ou inférieure à 300 mg/24 heures.
Radiographies du squelette axial : RAS, pas de lésion lytique sur les radiographies de squelette (crâne face + profil, rachis complet face + profil, bassin, extrémités supérieures des humérus et fémurs de face, gril costal). La scintigraphie osseuse n'a aucune place dans ces circonstances (fréquence des faux négatifs).
Myélogramme : plasmocytes médullaires < 15 % et non dystrophiques.
Au terme de ces examens, le diagnostic de myélome peut être écarté et les principales étiologies évoquées. Quelle que soit l'étiologie, il est également important de préciser que cette dysglobulinémie monoclonale n'est pas responsable de manifestations cliniques. Les manifestations peuvent être directement en rapport avec le clone lymphoplasmocytaire ou plasmocytaire (myélome, lymphome), ou en rapport avec les propriétés (physico-chimique, immunologique) de l'immunoglobuline, dont voici les exemples principaux.
- Signes liés aux propriétés physico-chimiques de la protéine monoclonale :
• syndrome d'hyperviscosité (troubles neurologiques, visuels, fausse anémie par dilution) ;
• augmentation de la VS ;
• cryoglobulinémie (tableau de vascularite) ;
• dépôts extracellulaires (amylose, maladie des chaînes lourdes).
- Signes liés à une activité anticorps de la protéine monoclonale :
• neuropathie périphérique ;
• anémie hémolytique auto-immune ;
• agglutinine froide ;
• thrombopénie auto-immune ;
• anomalies de l'hémostase ;
• hyperlipidémie.

Comment surveiller ?

Comment surveiller un patient porteur d'une immunoglobuline monoclonale dite de signification indéterminée ?
Un certain nombre de patients, totalement asymptomatiques, présentant une immunoglobuline de signification indéterminée, pourront évoluer secondairement en un authentique myélome ou en une autre hémopathie (lymphome, maladie de Waldenström, leucémie lymphoïde chronique, amylose).
Le risque de transformation pour ces patients est de 1 % par année de suivi. La probabilité de progression cumulative est de 25 % à vingt ans et de 30 % à vingt-cinq ans de suivi.
Il n'y a pas de facteur prédictif initial biologique très informatif. Seule la concentration de protéine monoclonale initiale est un facteur prédictif de progression à vingt ans. Cela nécessite une surveillance clinique régulière (douleurs osseuses, palpation des aires ganglionnaires, du foie et de la rate), et biologique (numération formule, urée, créatinine, calcémie, électrophorèse des protéines) de manière semestrielle.
Il est important d'obtenir une notion évolutive et toute franche augmentation du composant monoclonal nécessite une surveillance plus rapprochée.

Bibliographie :
1) Kyle R. A. and coll. A long-term study of prognosis in monoclonal gammopathy of undetermined significance. « N Engl J Med » ; 2002 ; 346 : 564-569.
2) Kyle R. A., Rajkumar S. V. Monoclonal gammapathies of undetermined significance. « Hematol Oncol Clin North Am », 1999 ; 13 : coll. Incidence, clinico-biological characteristics and clinical course of 1 203 monoclonal gammapathies (1971 - 1992). Sangre. 1994 (39) : 343 - 350.
4) Wiernik P. and al. « Neoplastic disease of the Blood ». Third edition. 1996, section III : 411-705.

Pr Christian ROSE Service d'hématologie, groupe hospitalier de l'institut catholique, hôpital Saint-Vincent, Lille

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7327