«LA GREFFE de moelle, qui était le traitement de la LMC, n’a aujourd’hui plus de raison d’être. Cette solution est désormais réservée aux malades en échec de l’imatinib ou intolérants (moins de 2% des cas). L’imatinib est ainsi devenu le traitement de première intention de la phase chronique des LMC», explique le Pr François Guilhot.
Qu’il s’agisse de la phase chronique de la maladie, de la phase accélérée ou de la phase de transformation aiguë, l’imatinib a prouvé son efficacité et ce quels que soient le sexe du patient et son âge. Plusieurs études font désormais référence.
Chez les patients en échec thérapeutique, un premier travail portant sur 532 patients ayant déjà reçu un traitement (de l’interféron alpha) a été publié dans le « New England Journal of Medicine » (2002). Ces malades étaient soit en échec, soit intolérants à l’interféron. Ils ont reçu 400 mg d’imatinib par jour. Leur surveillance était fondée sur des ponctions de moelle régulières, avec caryotype (avant traitement, 100 % des cellules contenaient le chromosome Philadelphie [Ph]). La réponse cytogénétique était considérée comme majeure quand il y avait 35 % de cellules Ph +, et comme complète quand il y avait 0 % de cellules Ph + détectées (ce qui ne veut pas dire qu’elles ont toutes disparu, car il existe des cellules souches tumorales « dormeuses »). Dans cette étude, l’imatinib a entraîné une réponse cytogénétique majeure chez 60 % des 454 patients ayant une LMC en phase chronique confirmée et en échec de traitements conventionnels. Par ailleurs, 89 % des malades étaient en survie sans progression de la maladie vers une crise blastique, à douze mois.
Le protocole IRIS.
Fort de ces bons résultats, un autre essai thérapeutique, publié dans le « New England Journal of Medicine » en 2003 (protocole IRIS), a été mené chez 1 106 malades non prétraités, également en phase chronique : 553 ont reçu l’imatinib et 553 le traitement conventionnel de référence (interféron alpha et cytarabine). Sous imatinib, la probabilité d’obtenir une réponse cytogénétique complète a été de 76 % (sans compter une bien meilleure tolérance), contre seulement 14 % avec le traitement classique. Du fait du nombre d’abandons dans le deuxième groupe, il n’a pu être possible de démontrer la supériorité de l’imatinib en matière de survie globale. Pour cela, un autre travail comparatif (publié dans « Blood » en 2006) a été mené entre 551 patients sous imatinib issus de l’étude IRIS et 325 patients sous interféron-cytarabine (étude CML 91 publiée en 1997). La supériorité de l’imatinib en termes de survie globale s’est révélée très significative. Dans les phases avancées de la maladie, l’imatinib est donné à plus fortes doses et en association avec des chimiothérapies.
Désormais, les recherches autour de l’imatinib se poursuivent afin de trouver comment arrêter ce traitement sans qu’une rechute ne s’ensuive. Les chercheurs s’intéressent également aux éventuels effets de l’imatinib sur les tissus sains, à moyen et à long terme. Enfin, pour le petit pourcentage de malades qui deviennent résistants à l’imatinib, il reste à définir des stratégies. Des essais sont en cours pour évaluer de nouvelles molécules, le dasatinib et l’AMN107, qui appartiennent à la nouvelle génération d’antityrosine kinases, ainsi que l’homoharringtonine, une substance développée à partir de la pharmacopée chinoise. Sont enfin testés l’imatinib avec l’interféron (essai SPIRIT en cours) et l’imatinib à plus forte dose (600 et 800 mg).
Dans les GIST.
L’incidence de ces sarcomes est de 10 à 20 cas pour un million d’individus. En France, leur prévalence est estimée entre 1 000 et 2 000 cas annuels, les hommes d’une soixantaine d’années étant les premiers touchés. Ces tumeurs solides ont un pronostic très défavorable, avec des taux de survie à cinq ans de l’ordre de 35 % seulement. Sous imatinib, la survie à 36 mois passe à 68 %, grâce à une bonne régression de la masse tumorale et des métastases. Là encore, des doses plus fortes (800 mg) d’imatinib sont testées et, en cas d’échec, des associations d’antityrosine kinases, ou le dasatinib. On ne sait pas non plus quand et comment arrêter ce médicament et beaucoup d’équipes dans le monde travaillent sur les moyens d’éradiquer jusqu’à la dernière cellule tumorale afin d’éviter toute rechute. Pour éliminer les cellules souches tumorales quiescentes qui « dorment » dans notre organisme, il faut d’abord les détecter, puis les réveiller et les tuer.
D’après un entretien avec le Pr François Guilhot, chef du service d’oncologie hématologique et de thérapie cellulaire au CHU de Poitiers.
D’autres cellules répondeuses
Premier anticancéreux de la classe des antityrosine kinases, l’imatinib empêche l’action d’une enzyme – la tyrosine kinase – qui contrôle le développement de certaines cellules cancéreuses, leur multiplication et leur mort. Sont notamment concernées les cellules cancéreuses appelées « chromosome Philadelphie positives » (Ph+), du fait d’un déplacement d’un fragment de leur chromosome 22 vers le chromosome 9. Cette mutation fait qu’elles expriment une protéine possédant une activité tyrosine kinase permanente. Or 95 % des leucémies myéloïdes chroniques sont dues à des cellules « chromosome Philadelphie positives » (Ph+), d’où les très bons résultats obtenus dans cette indication.
D’autres études in vitro sont en cours afin de rechercher d’autres familles de cellules cancéreuses répondeuses aux antityrosine kinases. Ce serait le cas des cellules « c-Kit positives », c-Kit étant à la fois exprimé à la surface des « progéniteurs » hématopoïétiques et d’autres cellules non issues de la lignée sanguine (tumeurs stromales de l’estomac, certaines tumeurs cérébrales). Ainsi, l’imatinib est aujourd’hui testé dans ces cancers.
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