« En cette période charnière que vit la radiologie, a fait remarquer le Pr Frija en préambule, il serait intéressant de savoir comment sera considérée l'imagerie par rapport au médicament, et, en particulier, si le modèle de ce dernier doit être le modèle de référence pour l'imagerie. » Pour le Dr Barzach, une réflexion sur leurs évolutions parallèles est, en effet, nécessaire, « en sachant que la demande de progrès techniques est de plus en plus grande et s'exerce dans un contexte de principe de précaution qui devient de plus en plus prégnant ».
Les médicaments représentent une classe relativement homogène, alors que les dispositifs médicaux (DM), dans lesquels sont inclus les appareils d'imagerie, recouvrent des moyens extrêmement différents. Comme le rappelle le Dr Emmanuelle Simon (comité d'évaluation et de diffusion des innovations technologiques, Ceidt, Paris), « on entend par dispositif médical tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels intervenant dans son fonctionnement, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens » (article L 665-3 du code de la santé publique). Cette hétérogénéité des moyens « va être à l'origine de différences de réglementation, mais aussi de difficultés à imposer des modalités strictes d'évaluation », constate le Dr Simon.
Des procédures de mise sur le marché différentes.
Le médicament se distingue également des DM par les procédures de mise sur le marché, cette dernière survenant au terme d'au moins dix ans recherche pour le médicament, contre deux à trois ans pour les techniques d'imagerie, rappelle le Dr Barzach. La mise sur la marché des DM est soumise à un marquage CE, précise le Dr Simon. Une fois que le médicament ou que le DM obtient une autorisation d'utilisation, les preuves de conformité reposent sur des observations réalisées en population restreinte et homogène. Dans les DM, ces conditions ne sont pas toujours maintenues dans les conditions techniques quotidiennes, ne prennent pas en compte la notion d'amélioration du service rendu et ne précisent pas la rentabilité de la technologie.
D'autres différences entre le médicament et les DM sont observées. Elles portent sur l'évolution des produits, la taille des industries (le plus souvent des PME pour les DM), la notion de consommateur et d'utilisateur (respectivement le laboratoire de radiologie et le praticien), et, enfin, la taille du marché, les médicaments - en dehors des médicaments orphelins - représentant un marché beaucoup plus important.
Par ailleurs, le Dr Odile Cordin (Snitem, Paris) souligne, à propos de la tarification, que les DM présentent trois caractéristiques essentielles. « Ils sont, dans leur très large majorité, liés à des actes, sont utilisateurs-dépendants et leur cycle de vie est en général court. » Si, dans le secteur public, leur mise sur le marché est conditionnée par l'obtention du certificat de conformité européen, dans le secteur privé, elle nécessite aussi l'inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (Lppr). Deux procédures d'inscription coexistent : une « générique » et la seconde par marque ou création d'une nouvelle ligne générique. Dans ces deux derniers cas, les industriels doivent déposer des demandes d'inscription auprès du Comité économique des produits de santé (Ceps), qui octroie un tarif ou un prix, et de la Commission d'évaluation des produits et prestations (Cepp, une commission de l'Afssaps), qui statue sur l'évaluation médicotechnique.
L'évaluation du service rendu.
En ce qui concerne le service rendu (SR) - par opposition au service médical rendu du médicament -, son évaluation, faite par rapport à un dispositif de référence, devrait théoriquement reposer sur cinq critères. « En réalité, dans la pratique, explique le Dr Corbin, deux sont déterminants » : les critères d'efficacité et de sécurité. L'amélioration du SR est évaluée à l'aide d'une échelle à cinq niveaux, allant de I (apport majeur) à V (absence d'ASR). En cas de SR positif et d'ASR IV, le dispositif se voit octroyer le tarif générique. Si le SR est positif et que le niveau d'ASR est de IV, on peut espérer une majoration du tarif. « Dans les faits, seuls les produits ASR I et II obtiennent un bonus tarifaire. » Il faut ensuite attendre la publication d'un arrêté. « Des éléments dilatoires à l'inscription peuvent intervenir », comme l'élaboration et la mise en place des règles encadrant l'utilisation du DM, l'élaboration de protocoles de suivi par la mise en place de registres ou d'observatoires, ou encore l'inscription à la nomenclature des actes attachés à l'utilisation des produits. « D'autres facteurs peuvent retarder l'inscription pendant de longs mois », ajoute le Dr Corbin. Par exemple des facteurs économiques, comme ce fut le cas pour les défibrillateurs implantables. Le Ceps peut aussi, au moment de la tarification, refuser l'inscription sur la Lppr, comme pour le ballonnet intra-utérin, qui n'est toujours pas inscrit « parce qu'il est implanté dans le corps plus de 30 jours ».
Dès janvier 2005, l'accès aux DM et leur mode d'acquisition seront identiques dans les secteurs public et privé. Mais on ne sait pas encore si les DM inclus dans les GHS (groupes homogènes de séjour) seront retirés de la liste. Une deuxième catégorie de DM existera, celle des DM innovants et des DM introduisant une distorsion dans les tarifs de GHS. « Nous sommes dans une culture de SR et de l'évaluation. Il s'agit d'une tendance irréversible. Cette logique sera étendue à tous les équipements. SR et ASR sont des indicateurs du nécessaire retour sur investissement attendu par la collectivité », conclut le Dr Corbin.
Incident et risque d'incident.
Comme le médicament, après leur mise sur le marché, les DM font l'objet d'une surveillance des effets inattendus survenant lors de leur utilisation, via un système mis en place plus récemment, en 1995. Pour le médicament, le résumé des caractéristiques du produit (RCP) du Vidal sert de référentiel, indique le Dr Jean-Claude Ghislain (direction de l'évaluation des DM, Afssaps). « En matériovigilance, on parle d'incident ou de risque d'incident et non d'effets secondaires ou indésirables. » Cette notion d'incident, très large, ne concerne pas uniquement les effets sur le patient. Si les approches ne sont pas tout à fait les mêmes que celles de la pharmacovigilance, le signalement génère les mêmes capacités de suspension et de retrait des produits. Une différence capitale doit toutefois être notée : « La matériovigilance est une source majeure de progrès dans la mesure où elle induit des mesures correctives et préventives sur des dispositifs. » Bien que pouvant paraître bien développé et performant, le système actuel a un certain nombre de limites, souligne le Dr Ghislain, à savoir une sous-déclaration ou, en tout cas, une pertinence de déclaration inférieure à celle du médicament, le manque de référentiels pour guider les signalements et les difficultés d'interprétation des incidents et de leurs fréquences.
Enfin, tous les orateurs s'accordent sur la nécessité d'adapter la réglementation à l'évolution technologique ; car, comme le dit le Dr Barzach, « la décision politique a un temps pas toujours compatible avec le temps des techniques ». Une réflexion est en cours en Europe sur une procédure d'AMM accélérée pour les DM.
*Séance organisée par la Société française de radiologie avec le parrainage de l'ENA, l'Ecole nationale de santé publique, l'Essec-santé, la Fédération hospitalière de France et la Fédération de l'hospitalisation privée, et à laquelle participaient également Jacques Souquet (directeur recherche et développement, Philips Medical Systems) et Francis Bailly (président de General Electric France).
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