Chronique électorale
Huit mille quatre cent vingt-quatre candidats pour 577 postes électifs, soit plus de quinze prétendants dans chacune des circonscriptions : décidément, la classe politique n'a rien appris du premier tour de l'élection présidentielle.
Comment les partis ne voient-ils pas qu'une telle pléthore de candidats conduira, au premier tour, à un éparpillement de l'électorat et qu'elle favorisera, au second tour, les triangulaires, quelquefois des quadrangulaires, feu électoral d'où le Front national saura tirer ses marrons ?
Plus de discipline à gauche
Si l'on en juge par les listes qu'ont présentées les partis, la discipline semble beaucoup mieux appliquée à gauche qu'à droite. La gauche ne craint pas une cohabitation qui est devenue son seul espoir. Jacques Chirac, en revanche, s'efforce désespérément d'éviter la cohabitation. Il lui importe donc davantage de faire élire des candidats de droite partout où ce sera possible que de combattre le FN, certes capable d'affaiblir la droite classique, mais qui peut aussi tenir la gauche en échec.
D'autant que le président de la République a écarté d'emblée un changement de constitution. M. Chirac reste dans sa logique. Il ne voulait pas vraiment du quinquennat, il ne voulait pas du tout de l'inversion du calendrier électoral cette année ; c'est la gauche qui lui a imposé ces deux modifications et c'est elle qui en a le plus pâti. M. Jospin serait peut-être président aujourd'hui si on avait élu les députés avant le président. Dans l'histoire récente, il n'y a donc pas que M. Chirac qui ait commis des bourdes. Et par conséquent, le président laisse la gauche payer pour ses erreurs.
Il demeure que ces régiments de candidats vont permettre à l'électorat de se livrer à toutes les fantaisies possibles. On ne voit pas pourquoi le « vote de protestation » disparaîtrait le 9 juin, puisqu'il ne s'est rien produit depuis le 21 avril qui soit de nature à l'apaiser, sinon ce programme sécuritaire conçu, annoncé et mis en place par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
La répartition de l'électorat en une multitude de candidatures va permettre au Front national de montrer sa force là où il est le mieux implanté, de se retrouver en position d'arbitre ou même de vainqueur au second tour, dans un certain nombre de circonscriptions. Il s'ensuivra un nouvel effroi de l'électorat qui se décidera peut-être à voter plus sagement le 16 juin.
Mais plus sagement, en l'occurrence, cela veut dire choisir indifféremment la gauche classique ou la droite classique. Il n'y aura pas ce report sur la droite qui a valu à M. Chirac son triomphe du 6 mai. On ne saurait donc exclure l'envoi à l'Assemblée de députés FN, et un affaiblissement simultané de la gauche et de la droite qui rendra la France ingouvernable.
Ce qui est incontestable, c'est que, si Jacques Chirac n'obtient pas une majorité, le problème d'un changement des institutions va se poser. La France ne peut pas se payer le luxe d'une nouvelle cohabitation. Ce système est indigne et détestable. Il a prouvé, en outre, que, dans la réalité quotidienne, il prive le président des pouvoirs qui lui sont reconnus par la Constitution. C'est le nouveau Premier ministre qui raflera la mise en cas de victoire de la gauche aux législatives. Et le président, alors, devrait logiquement démissionner.
Inversement, si Jacques Chirac écarte dès aujourd'hui la perspective d'un changement de la Constitution, c'est d'abord parce qu'il en est le gardien et qu'il n'a pas approuvé les modifications imposées par le précédent gouvernement ; c'est ensuite parce qu'il se situe dans la perspective d'une victoire de la droite. Il ne s'est pas appesanti plus qu'une heure sur un exploit électoral qu'il devait à la coalition des démocrates et sur l'hommage qu'il a rendu à la gauche. Dès le soir du second tour de la présidentielle, il a raisonné en chef de parti, en chef de la droite et il a mis toutes les ressources dont il dispose au service d'une victoire de la droite aux législatives.
Le 6 mai déjà oublié
Mais il n'a pas pu écraser certaines résistances, comme celle de François Bayrou ; il est contraint par ailleurs à tenir compte de la réalité de l'extrême droite ; et il n'a fait aucun signe (sans doute cela lui paraissait-il vain et dérisoire) en direction de la gauche. Et il a combattu le Front sur le terrain, en adoptant de sévères mesures de sécurité. Il a donc fait son deuil du phénomène historique qui a permis sa réélection. Au lendemain du 6 mai, il n'a fait que cultiver son propre camp.
De sorte que la gauche qui, de toute façon, n'entendait pas lui faire un deuxième cadeau, est libre de livrer bataille sans états d'âme, même si elle privée d'un leader et même si François Hollande, chef par la force des choses, un peu comme le sergent qui prend la place du lieutenant mort au combat, ne semble pas croire lui-même à la nécessité de vaincre le 16 juin.
Les premiers sondages accordent un léger avantage à la droite classique (40 % contre 38 % pour la gauche). Ces deux points de pourcentage ne suffisent guère à ouvrir la perspective d'une stabilisation politique. Et pourtant, la France en a besoin. Il y a trop de réformes à entreprendre, trop de doléances à satisfaire, trop de dangers qui menacent le pays pour que l'on demeure serein devant une Assemblée fragmentée, sans majorité ou un pouvoir qui serait appelé à accepter tous les compromis pour durer un peu.
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