Ronald Desrosiers (Harvard, Boston) a osé déclarer, en séance plénière de la 11e session de la CROI (Conférence on retroviruses and opportunistic infections) : « Plusieurs éléments nous montrent que le développement d'un vaccin efficace sera, au mieux, extrêmement difficile. Notre incapacité à répondre à des questions fondamentales explique pourquoi un tel vaccin n'est pas à notre portée. » Même si certains (S. Buchbinder, San Francisco) plaident pour que l'on ne réserve pas les essais cliniques de phase III à des candidats vaccins ayant « tout démontré », au stade préclinique, un consensus non explicite se dégage pour un retour aux recherches fondamentales, c'est-à-dire à la case départ. Il faut dire que les échecs retentissants, récemment enregistrés aux Etats-Unis et en Thaïlande font que l'on ne promet plus un « vaccin dans 7 ans » ... comme on l'a fait depuis plusieurs années.
Illusions perdues, aussi, pour la stratégie d'interruptions thérapeutiques programmées chez des patients multitraités en échec, dans l'espoir de faire régresser, voire disparaître des mutations de résistance : de nouvelles études présentées à San Francisco vont dans ce sens. Les résultats de trois essais d'immuno-intervention spécifique sont également décevants, rendant un peu dérisoire tout le tapage médiatique passé sur le vaccin thérapeutique.
A côté des illusions perdues, on note également une analyse plus fine et pertinente de l'approche de la lutte contre le sida dans les pays pauvres. Certes, S.H. Lewis, ambassadeur des Nations unies pour la lutte contre le sida en Afrique, appelle légitimement les pays industrialisés (et pas seulement les laboratoires pharmaceutiques) à beaucoup plus d'efforts financiers. Mais, à côté de cela, des voix de plus en plus nombreuses font remarquer qu'il est un peu utopique de gérer la lutte contre le sida indépendamment de l'état de développement des structures sanitaires d'un pays donné : le (bon) exemple de la Thaïlande le montre. Et puis, fait remarquer le Pr P. Dellamonica (Nice) : « Peut-on espérer vaincre le sida dans les pays où l'on n'a pas réussi à faire reculer la tuberculose... alors que les traitements antituberculeux ne sont vraiment pas chers ! »
Ajoutons à celà que les nouveautés thérapeutiques annoncées à San Francisco sont relativement rares, alors que de nouveaux mécanismes de résistance apparaissent et l'on comprendra une certaine morosité, perceptible chez de nombreux congressistes.
Mais si l'esprit pionnier semble légèrement émoussé, il ne faut pourtant pas oublier les progrès accomplis en vingt ans et qui ont permis de chroniciser une maladie jadis rapidement mortelle. Dès lors, la priorité dans les pays industrialisés est peut-être de chercher à faire bénéficier d'un dépistage précoce et d'une prise en charge optimale de 20 à 30 % de patients qui, marginalisés pour diverses raisons psychosociales, échappent encore aux immenses progrès accomplis (P. Dellamonica).
11e CONFERENCE ON RETROVIRUSES AND OPPORTUNISTIC INFECTIONS
8-11 février 2004 - San Francisco
Illusions perdues
Publié le 04/03/2004
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Dr Alain MARIE
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7492
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