La cohabitation est morte, vive la campagne ! Jacques Chirac va au Salon de l'agriculture et le ministre, Jean Glavany, qui devait démissionner le lendemain pour prendre en main la campagne de Lionel Jospin, n'a pas jugé nécessaire d'être présent. Le Premier ministre s'en prend directement au président dans son discours devant le Congrès extraordinaire du Parti socialiste, en évoquant « sept ans de présidence contestée ». M. Chirac, pour sa part, est allé baigner dans son électorat naturel, les agriculteurs.
M. Glavany, il est vrai, n'avait aucune raison d'aller au salon. Il y aurait été mal accueilli car, s'il a bien géré la crise des farines animales en appliquant avec zèle (et parfois de façon autoritaire) le principe de précaution, il ne s'est pas fait des amis chez les agriculteurs qui estiment qu'ils ont été très mal indemnisés pour les abttages massifs de bétail.
Le coup de Bayrou
Le rassemblement de l'Union en mouvement (UEM) à Toulouse, devait acclamer Chirac, ce qu'il a fait, mais n'avait pas prévu l'arrivée aussi inattendue que troublante de François Bayrou, candidat de l'UDF, qui, certes, n'a pas manqué de courage, mais est venu dire que, s'il était élu président, le RPR serait « traité comme il le mérite », ce qui ne manquait pas d'aplomb pour un candidat qui n'a pas dépassé les 3 % dans les sondages.
Comme il était chahuté par les chiraquiens, il a fallu qu'Alain Juppé intervienne pour qu'on le laisse parler. On n'était pas loin du vaudeville, ce qui nous rappelle qu'il ne faut pas toujours prendre la politique au sérieux.
Un sondage publié par « Libération » indique que 74 % des Français ne voient pas de différence entre Chirac et Jospin. Voilà un jugement que partageront beaucoup de médecins. Cette différence existe pourtant. Si elle échappe à nos concitoyens, qui n'ont pas de préoccupation plus grande que leur emploi et leur niveau de revenus, c'est parce qu'ils n'essaient pas de comprendre qu'emplois et salaires dépendent, pour beaucoup, de la politique socio-économique du gouvernement.
Livré à lui-même, Chirac n'aurait pas imposé les 35 heures. Il aurait donné la possibilité à toutes les entreprises d'aménager le temps de travail selon leurs moyens et leurs possibilités. Il tenterait de réduire les effectifs de la fonction publique et surtout de les répartir autrement : il faut plus d'hospitaliers, peut-être moins d'enseignants, sûrement moins de ronds-de-cuir ; Jospin a renoncé à faire cette réforme.
Chirac essaierait de créer un système partiel de retraites par capitalisation, les socialistes ne veulent pas en entendre parler. Chirac diminuerait les charges des entreprises, Jospin aurait plutôt tendance à les augmenter.
Le choix existe donc, même si beaucoup d'électeurs auront beaucoup de mal à voir en Chirac l'incarnation du « modernisme », par opposition à l'« archaïsme » socialiste.
Un malentendu
Il y a un terrible malentendu entre les électeurs et les candidats et il est aggravé par l'affaiblissement politique du président et le charisme tout relatif du Premier ministre. Disons que, s'il s'agit de voter pour des programmes plutôt que pour des hommes (ou des femmes), on sait à peu près ce que ferait Jacques Chirac et ce que ne ferait pas Lionel Jospin : le président actuel épouserait l'économie de marché tout en lui apportant ces nuances qui lui ont permis de l'emporter en 1995. Le Premier ministre actuel poursuivrait ses réformes, qui sont coûteuses et risquent de freiner le dynamisme industriel de la France, mais, comme il l'a tenté de le dire lorsqu'il a affirmé que son projet « n'était pas socialiste », il ne se lancera pas dans une révolution économique et sociale, même s'il a une large majorité.
Le défaut de sa cuirasse, c'est l'hétérogénéité de sa majorité à venir, qui draine de grosses troupes plus à gauche que lui. La modération de son programme ne conviendra ni aux communistes, ni aux Verts, ni même à une partie du PS qui piaffe d'impatience. Son gouvernement a été affaibli par des divisions criantes entre les composantes de la majorité plurielle. Il nous parle de présider autrement, mais la vérité, soulignée par la droite, c'est qu'il ne peut compter que sur les socialistes, lesquels ne représentent qu'une minorité.
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