LE SUCCÈS de l'autogreffe a suivi de peu, dans les années 1970, celui des allogreffes, qui avaient permis une guérison dans 50 % des cas de leucémies aiguës où elles étaient tentées. L'autogreffe a été mise au point pour suppléer au manque de donneurs pour allogreffe, ce qui est le cas pour environ 75 % des patients qui présentent une leucémie aiguë myéloblastique ou lymphoblastique.
Le protocole initial a consisté à prélever de la moelle osseuse hématopoïétique chez un patient mis en rémission complète. Lors d'une rechute, une chimiothérapie myéloablative « BACT » est réalisée et on réinjecte les cellules souches (février 1977). Pendant quinze jours, rien ne se passe. Au 16e, les spécialistes constatent un début de mise en place des cellules de moelle, pour aboutir peu à peu à une reconstitution complète de la moelle hématopoïétique. Le patient survit pendant un an, ce qui constitue une transformation du pronostic.
La cryopréservation des cellules souches.
Pour ce simple protocole, il a fallu surmonter de nombreux obstacles. En particulier celui de la cryopréservation des cellules souches, se souvient le Pr Gorin, qui a travaillé pendant environ cinq ans à la mise au point d'une méthode permettant de ne pas léser le précieux matériau. Le programme est précis : on refroidit à raison d'un degré par minute et il faut veiller à annuler, en ajoutant de l'azote liquide, la « chaleur de fusion » dégagée au moment du passage à la phase solide. Et il faut conserver dans l'azote gazeuse à – 140° C, pour être sûr que tous les métabolismes sont bloqués.
Après avoir montré qu'ils sont capables de congeler et de préserver avec efficacité, les hématologues trouvent comment faire la distinction au niveau de la moelle osseuse prélevée entre une « rémission complète cytologique » (absence des cellules tumorales) et une rémission « cytogénétique » (on vérifie l'absence de l'anomalie au niveau du caryotype).
Les progrès suivent peu à peu. A partir de 1982, on traite le greffon prélevé avec des dérivés de l'endoxan, par la suite, on développera d'autres techniques de sélection positive. A un stade de plus, on a commencé à faire une autogreffe chez les patients en rémission complète, après une chimiothérapie myéloablative et/ou une irradiation corporelle totale, sans attendre la rechute. Le greffon réinjecté a été traité in vitro. Résultat : de 50 à 55 % des patients ne rechutent plus.
Une explosion après 1985.
L'autogreffe explose après 1985 et de nouvelles indications apparaissent. Bientôt, les prélèvements iliaques ne sont plus nécessaires : on commence à prendre des cellules souches circulantes prélevées par cytaphérèse, après mobilisation (on donne au patient des cytokines comme du G-CSF, après la chimiothérapie).
L'autogreffe continue aujourd'hui à être réalisée par prélèvement des cellules souches circulantes. Elle est utilisée dans :
– le traitement des myélomes ;
– très largement dans le traitement des lymphomes ;
– dans les leucémies aiguës, en complément des allogreffes (chacune des méthodes peut avoir des avantages) ;
– dans les maladies auto-immunes : des essais sont réalisés dans la SEP (aux Etats-Unis et en Grèce surtout, peu en France). Dans le lupus érythémateux disséminé. Le but du traitement myéloablatif est d'être immunosuppresseur. On réinjecte ensuite le greffon autologue. On peut ainsi bloquer pendant deux à trois ans l'évolution d'un LED.
L'intérêt des cellules souches mésenchymateuses (CSM, cellules du stroma de la moelle osseuse) est apparu notamment dans le domaine des maladies auto-immunes. Prélevées et mises en expansion, les CSM possèdent un effet immunosuppresseur. On espère que les CSM réinjectées iront dans la zone des foyers inflammatoires et aideront à la cicatrisation des tissus.
Des essais sont réalisés dans différentes pathologies, coordonnés par le « Centre des maladies du sang et thérapie cellulaire » de Saint-Antoine (European Group for Blood and Marrow Transplantation, EBMT).
Prévenir la réaction du greffon contre l'hôte.
On utilise les CSM dans les accidents d'irradiation, pour traiter des destructions superficielles ou profondes. On teste aussi les CSM pour prévenir la réaction du greffon contre l'hôte dans les allogreffes.
Il y a même des essais de traitement de l'infarctus du myocarde avec des CSM. Des essais aussi dans les artériopathies des membres inférieurs, pour redévelopper une circulation collatérale.
L'expérience de Saint-Antoine et le savoir-faire de l'équipe ont été le point de départ de toute la thérapie cellulaire.
Chaque année, il y a environ 30 000 autogreffes réalisées dans le monde, dont la moitié en Europe et environ 1 500 en France (l'autre moitié aux Etats-Unis). Pour 30 000 autogreffes, il y a environ 12 000 à 13 000 allogreffes.
D'après un entretien avec le Pr Norbert- Claude Gorin, chef du service des maladies du sang et thérapie cellulaire, hôpital Saint-Antoine, Paris, et responsable de l'European Group for Blood and Marrow Transplantation.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature