Il y a une trentaine d'années, il était fréquent en consultation d'anesthésie de découvrir des patients qui ignoraient leurs pathologies ou les sous-estimaient et un de nos rôles était de vérifier s'il n'y avait pas de « contre-indications » à l'anesthésie.
Actuellement, en France, la majorité des patients que nous voyons en consultation a déjà été médicalisée et il est ainsi beaucoup plus aisé de connaître leurs antécédents en leur demandant, tout simplement, s'ils suivent un traitement ou s'ils ont été opérés. La notion même de contre-indications à l'anesthésie a aussi beaucoup évoluée puisque celles liées au terrain ont pratiquement disparu. Les contre-indications médicamenteuses sont aussi devenues relatives. Anticoagulants, antiplaquettaires et médicaments vaso-actifs nécessitent certes des stratégies préopératoires adaptées. Mais, ici encore, sous réserve d'une préparation adéquate, on ne peut plus parler de contre-indications.
Aujourd'hui, n'ayant plus, sauf exception, de contre-indications anesthésiques à opposer à une intervention, faut-il pour autant accepter d'anesthésier tous les patients pour lesquels on nous sollicite ? Si nous n'étions que de simples techniciens de l'anesthésie, il nous serait facile de proposer aux opérateurs une technique adaptée, aussi bien pour chaque patient qu'à chaque situation d'interférence médicamenteuse, donc au moindre risque.
Cette position serait tout à fait critiquable. L'implication de notre responsabilité de médecin anesthésiste dans une intervention est engagée conjointement avec celle de l'opérateur, et au-delà de notre responsabilité légale, c'est notre responsabilité morale personnelle qui est en cause. Nous ne pouvons pas être détenteur d'une technique anesthésique qui comporte toujours un risque potentiel et la pratiquer sans nous poser la question de l'indication opératoire. Mais il n'est pas possible de donner un avis d'anesthésiste sur une intervention donnée sans partager avec les opérateurs, du moins en partie, une connaissance suffisante des techniques chirurgicales et de leurs indications.
L'autre rôle, que nous devons jouer désormais, est celui d'un médecin qui informe correctement le patient des bénéfices estimés et des risques encourus. Cela devrait se faire, dans la mesure du possible, conjointement et d'une même voix avec l'opérateur. En effet, paradoxalement, alors que la sécurité de l'anesthésie est devenue maximale, la demande d'informations sur les risques péri-opératoires devient de plus en plus exigeante.
Actuellement, en fait, le médecin anesthésiste n'est plus là pour contre-indiquer, mais pour expliquer au patient, de façon claire et compréhensible, les bénéfices et les risques des différentes techniques proposées, et l'accompagner. Et même s'il lui recommande une stratégie, c'est au patient bien informé qu'il convient, après réflexion, de décider.
Et voilà que l'anesthésiste, comme le réanimateur que nous sommes, ne peut plus se contenter d'appliquer sa technique sans se poser la question de son intérêt ou à l'inverse de sa « futilité » pour le patient. Finalement, la seule contre-indication à l'anesthésie reste une justification médico-chirurgicale insuffisante de l'intervention et/ou l'absence d'accord éclairé du patient.
Il n'y a plus de contre-indications à l'anesthésie, mais ... !
Publié le 26/10/2005
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Pr KAMRAN SAMII CHU de Toulouse
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7831
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