De notre correspondant
L ES chercheurs ont examiné tous les paramètres : ils ont noté ce que les Américains mangent ou ne mangent pas, s'ils fument, s'ils boivent, ils ont fouillé dans leur patrimoine génétique, mais ils n'ont acquis aucune certitude quant aux facteurs de la longévité. Il demeure qu'un Américain sur 10 000 est centenaire et que les gens âgés de 100 ans ou plus constituent la catégorie de citoyens qui se développe le plus vite aux Etats-Unis.
Un médecin spécialisé dans l'espérance de vie, le Dr Nir Barzilai prononce, au terme de recherches longues et complexes, des propos peu scientifiques : « Nous avons des centenaires qui fument encore ; nous avons des centenaires qui sont obèses. Quel est leur secret ? Je serais tenté de dire qu'ils prennent la vie du bon côté, et qu'elle le leur rend bien. Ou qu'ils ont de bons gènes. Ou enfin qu'ils ont seulement de la chance. »
« J'évite le bœuf »
Juanita Ollman a eu 100 ans en juillet dernier. Elle a survécu à la terrible épidémie de grippe de 1919, à un accident de voiture et à une pneumonie après sa quatre-vint-dixième année. Elle ne suit aucun régime, mange tout ce qui lui plaît, y compris ces fameux petits déjeuners américains avec œufs et lard frits, qui sont censés vous donner une maladie cardio-vasculaire en un rien de temps. Quand elle était plus jeune, Juanita faisait un peu d'exercice, mais rien de contraignant : elle adorait danser. Elle a fumé, mais ne fume plus. « Je n'ai jamais rien fait de particulier pour me conserver, déclare-t-elle. Je m'exerce encore sur un tapis roulant, mais il m'arrive d'oublier de le faire. Et de toute façon je ne fais jamais plus de deux kilomètres, quelquefois à peine un kilomètre. »
John LaFauci a 101 ans ; il publie un bulletin de nouvelles hebdomadaire dans la localité où il vit, dans le Rhode Island. « J'ai de bons gènes, dit-il, et le travail me maintient en forme. J'évite le bœuf comme la peste : voilà mon secret. »
Helen Rose, 100 ans, ex-enseignante dans l'Iowa, affirme qu'elle doit sa longévité à la religion et à son amour du Christ.
En 2050, selon le Bureau fédéral de recensement, il y aura un million de centenaires aux Etats-Unis, donc une flopée de baby-boomers (enfants nés après la guerre) encore vivants. Ce qui est sûr, disent les chercheurs, c'est que les centenaires ont échappé aux maladies les plus répandues, comme le diabète ou l'Alzheimer. « Mais nous passons notre temps à rejeter l'idée que plus on vieillit, plus on est malade, déclare le Dr Thomas Perls, qui dirige une vaste étude sur la longévité à Harvard. Les centenaires sont des personnes qui ont pu ou su éviter ces maladies. Notre problème est de trouver comment ils le font, avec quels moyens, naturels ou acquis. »
Car le Dr Perls veut appliquer à d'autres ce que la nature accorde spontanément aux centenaires. Dès lors que l'on meurt toujours d'une maladie, on devrait continuer à vivre quand on échappe aux maladies liées à l'âge.
Il y a encore beaucoup de mystères : on sait un certain nombre de choses, on ne sait pas les expliquer. On sait que, d'une manière générale, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais aussi que, parvenues à un certain âge, elles sont plus fragiles que les hommes du même âge. Les femmes qui ont eu un enfant après 40 ans ont quatre fois plus de chances de devenir centenaires que les autres.
La génétique n'explique pas tout
On constate qu'aucune différence ethnique, religieuse, de niveau de vie n'explique la longévité. Des sujets qui ont eu une vie paisible vivent très longtemps, mais des rescapés juifs des camps de concentration deviennent centenaires en dépit des privations, des souffrances et parfois des tortures qu'ils ont endurées pendant trois ou quatre ans. Le Dr Perls ne croit pas à la toute-puissance des gènes. Il croit davantage à l'influence de l'absence de stress : les tests psychologiques qu'il applique depuis sept ans sur des centenaires montrent que, en général, ce ne sont pas des personnes qui se font du souci ou qui se posent de graves questions existentielles.
Bien entendu, la progression du nombre de centenaires est due principalement aux victoires de la médecine sur la maladie. Aux Etats-Unis, l'espérance de vie, qui était de 46 ans en 1900, est passée à 74 ans pour les hommes et 80 ans pour les femmes aujourd'hui. Le sénateur en exercice de la Caroline du Sud, Strom Thurmond, finira son mandat en 2002. Il aura alors cent ans.
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