La plupart des électeurs souhaitent que toutes les candidatures soient annoncées pour que le débat commence.
L'année 2002 ne ressemble pas aux précédentes. La croissance a disparu et son retour est incertain. Des réformes qui n'ont pas été mises en chantier ne peuvent pas attendre. Chaque citoyen constate qu'entre les revendications toujours plus nombreuses, donc plus coûteuses, et les moyens de l'Etat, le fossé est presque infranchissable. Les difficultés financières de la France sont peut-être moins aiguës que celles de l'Allemagne, elles n'en sont pas moins sérieuses. Tout récemment, Laurent Fabius a mis son grain de sel dans le conflit avec les professions de santé : il craint un déficit élevé de l'assurance-maladie. C'est quand même le même ministre qui, contre tous les avis autorisés, prévoyait il y a peu une croissance de 2,5 % en France pour cette année et qui a été contraint, la semaine dernière, d'abaisser d'un point ses prévisions. Un point de croissance, c'est 100 milliards de francs. Ainsi partent en fumée des fonds qui, pour commencer, n'ont jamais existé. Bien entendu, comme toujours en pareil cas, la solution consiste à serrer la vis aux professions de santé.
Un peu de vérité
C'est à cause de ce genre d'histoires qu'il nous faut un débat. Le gouvernement de Lionel Jospin a caché deux cagnottes, puis inventé des recettes inexistantes. Va-t-on enfin mettre un peu de vérité dans le discours politique ? La logorrhée dont nous abreuvent les candidats, déclarés ou non, est pleine de mensonges, par omission ou tout court. Seule la confrontation des programmes finira par nous permettre de distinguer le vrai du faux et la démagogie de la sincérité.
Ne nous faisons pas trop d'illusions : à en juger par la manière dont les partis ont accueilli la candidature de Jacques Chirac, on voit clairement que leur discours convenu est conçu pour ne laisser aucun pouce de terrain à l'ennemi. A gauche, M. Chirac est décevant dans la forme, inconsistant dans le fond. A droite, c'est presque l'hystérie partisane, avec cris de joie, flonflons, célébrations, comme s'il y avait jamais eu la moindre chance que M. Chirac renonçât à se présenter.
Il ne faut pas en être chagrin. Les bons petits soldats des partis font leur travail qui repose sur la seule loyauté. Il n'empêche qu'une campagne de pur baratin entraînerait une immense déception populaire : sur l'insécurité, sur les retraites, sur la politique des revenus, sur les équilibres fondamentaux, sur l'éducation, sur l'Europe, sur le rayonnement de la France à l'étranger, sur le poids de la fonction publique, il faut que les candidats nous présentent des cahiers des charges précis avec le contenu des mesures et leur financement.
Par exemple, quand Jean-Pierre Raffarin nous annonce que M. Chirac diminuera les impôts et qu'il financera cette baisse au moyen de la croissance, il ne convainc personne et il ferait mieux de demander à ses conseillers une argumentation plus sérieuse.
Nous avons choisi cet exemple parce qu'il est symbolique. La droite a la finesse de ne pas attribuer son projet de baisse des impôts à sa générosité, mais à la nécessité d'alimenter la machine économique par la consommation. C'est un sujet d'autant plus délicat pour elle que M. Fabius a déjà diminué les impôts l'an dernier et qu'il les diminuera encore cette année. L'opposition aurait pu tenir un tout autre langage, certes électoralement risqué, mais qui aurait eu au moins des accents de vérité. Elle aurait pu dire qu'il fallait diminuer les impôts bien avant que le gouvernement de M. Jospin ne s'y soit décidé, c'est-à-dire quand la France était au faîte de la prospérité ; mais qu'il est difficile de réduire la pression fiscale quand la croissance ralentit, parce que moins de croissance implique plus de charges sociales. Est-ce si difficile d'expliquer qu'on ne diminuera les impôts que si la croissance le permet ?
Gouverner avec un quart des suffrages
De la même manière, M. Fabius devrait réviser son programme de réduction des impôts et avoir le courage (ou plutôt l'autorisation de M. Jospin) de dire que le pays n'a pas les moyens de financer les programmes sociaux et de réduire ses recettes tout en même temps. Ce n'est pas la peine d'avoir à chaque instant le mot solidarité à la bouche si on n'expose pas les sacrifices qu'il implique. Sans doute sommes-nous trop naïfs. On nous dira que ce n'est pas de cette manière que l'on gagne des élections. Mais si les candidats sont lucides, ils devraient savoir que pas un, parmi eux, ne soulève un enthousiasme majoritaire. C'est un candidat avec un quart des suffrages au premier tour qui l'emportera au second. Et c'est un président qui n'aura pas avec lui les trois quarts de l'opinion qui gouvernera. Alors, pourquoi ce candidat-là ne rédigerait-il pas une plate-forme aussi proche que possible des aspirations les plus fortes des Français et surtout pourquoi n'exposerait-il pas ce qu'il est sûr de pouvoir réaliser ?
Car il est temps de réhabiliter le suffrage universel, mis en danger par des manifestations d'anarchie de plus en plus fréquentes. Il nous semble que le plus important, cette année, c'est que les candidats ne mentent pas.
Les Français ont un souvenir aigu des promesses que Jacques Chirac n'a pas tenues et s'il veut retrouver sa crédibilité dans l'opinion, il doit dire que la politique est l'art du possible et que tout le reste n'est que rhétorique.
De même, Lionel Jospin n'a plus le droit de lancer des réformes dont le financement n'existe pas et ne doit pas davantage cacher les déficits créés par ces réformes qu'il ne devait naguère cacher des recettes qui justifiaient déjà une réduction de la pression fiscale. M. Jospin ne peut pas nous dire, comme il l'a fait par la voix de Jack Lang, que, quand la délinquance augmente partout en France, elle épargne le monde scolaire. Ou que la crise économique s'arrête aux frontières françaises, comme M. Fabius semblait le prétendre.
Qu'est-ce que la politique ? C'est une méthode pour organiser la vie quotidienne des citoyens de telle manière que leurs droits soient respectés sans affecter les droits des autres. C'est la recherche constante, assidue, lente et longue d'un peu plus de prospérité, d'un peu plus de liberté, d'un peu plus de santé, d'un peu plus de bien-être et, surtout, d'un peu plus de justice, donc d'égalité. Ce n'est pas une partie de catch où tous les coups sont permis, où les mensonges les plus grossiers sont prononcés, où des intérêts partisans sont protégés, où le peuple est au service du pouvoir et non l'inverse. On finit toujours par payer un mensonge. La vérité est, à long terme, le meilleur investissement.
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