LES INFARCTUS du myocarde périopératoires surviennent surtout chez des patients à haut risque coronarien dans le cadre d'une chirurgie à risque, telle la chirurgie vasculaire ou la chirurgie d'urgence comme l'orthopédie. Ainsi, dans l'étude réalisée par S. Ausset (1), les dosages effectués systématiquement chez 88 patients opérés de la hanche en urgence (fracture) ont révélé une augmentation postopératoire de la troponine chez 11 d'entre eux (12,5 %) parmi lesquels 9 n'avaient eu aucun symptôme. Un événement cardiaque majeur est survenu dans les mois qui ont suivi chez 5 de ces 11 patients qui avaient une troponine postopératoire augmentée (45 %) et chez seulement 3 des 76 patients (4 %) chez lesquels elle était normale, soit une incidence 10 fois plus importante. Le seul moyen de diagnostiquer ces syndromes coronaires aigus est le dosage systématique de la troponine en postopératoire chez les patients à risque.
Les syndromes coronaires aigus (SCA) postopératoires à bas bruit passent souvent inaperçus car les patients sont focalisés sur la douleur liée à l'intervention et reçoivent des antalgiques. Il est vraisemblable que beaucoup de patients ayant présenté un SCA postopératoire, diagnostiqué ou non, rentrent chez eux sans suivi particulier. «Pourtant, on estime qu'environ 50% des patients qui ont présenté un SCA périopératoire décèdent dans les deux ans qui suivent l'intervention, souligne le Pr Vincent Piriou. Il ne suffit pas que le patient sorte apparemment indemne de l'anesthésie. Pour prévenir ces SCA postopératoires, encore faut-il les diagnostiquer et les traiter comme ils le méritent. La mortalité immédiate est très faible, mais importante à long terme. En effet, de nombreuses études sont concordantes (2, 3) et montrent une association entre la mortalité cardio-vasculaire dans les années qui suivent l'intervention et le taux de troponine postopératoire. Or, actuellement, ces patients ne sont pas traités, soit parce que le SCA n'a pas été diagnostiqué (asymptomatique et troponine non dosée), soit parce que les patients sont dans un contexte anesthésico-chirurgical éloigné des services de cardiologie médicale.»
Évaluer le risque.
«Cela ne signifie pas qu'il soit nécessaire de mesurer le taux de troponine sérique chez tous les patients qui subissent une intervention, mais il faut repérer ceux qui ont un risque élevé de SCA postopératoire, précise le Pr Piriou. L'évaluation des facteurs de risque (FDR) se fait avant l'intervention au moment de la consultation d'anesthésie. Une première approche consiste à demander au patient s'il est capable de faire un effort, par exemple, de monter un escalier avec un panier de provisions. Si la réponse est oui, le risque de présenter des complications cardiaques ischémiques peropératoires est faible.»
Différents scores permettant d'identifier les patients à risque de SCA postopératoire sont disponibles (score de Lee, score développé dans les dernières recommandations ACC-AHA 2007) (4). Ils tiennent compte de facteurs de risque cliniques et de facteurs de risque liés à l'intervention chirurgicale. Les FDR cliniques sont : les antécédents de pathologie cardiaque ischémique, d'insuffisance cardiaque congestive, d'accident vasculaire cérébral ou d'accident ischémique transitoire, le diabète, l'insuffisance rénale. L'âge du patient doit bien sûr être pris en compte. Le risque dépend aussi du type de chirurgie. Les interventions de chirurgie vasculaire et d'orthopédie pour une fracture de hanche en urgence chez un patient âgé, en particulier, sont à risque élevé de SCA postopératoire. En fonction du score obtenu, une stratification permet de différencier les patients à faible risque, à risque intermédiaire ou à haut risque. La troponine sérique sera mesurée chez les patients à haut risque et chez les patients ayant un score de Lee supérieur à 2.
Si la troponine est augmentée, dans le contexte périopératoire, il n'y a pas de recommandations précises. Pour le Pr Piriou, une augmentation de la troponine en période postopératoire doit être considérée dans tous les cas comme un SCA et le patient doit pouvoir bénéficier d'un suivi cardio-vasculaire et d'une prise en charge similaires à ceux prévus pour un patient ayant un SCA avéré en milieu médical. Il faut faire attention aux élévations de troponine indépendante d'un SCA, qui peuvent survenir dans les chocs, ou en cas d'embolie pulmonaire. Un monitorage cardiologique doit suivre l'intervention, et une thérapeutique optimisée par statines, éventuellement bêtabloquants et antiplaquettaires si possible, est indiquée. Il s'agit souvent d'un IDM sans sus décalage du segment ST. Les patients doivent cependant entrer dans une filière de soins cardiologiques pour être évalués à distance de l'intervention. Un rendez-vous sera pris avant la sortie de l'hôpital pour un test d'effort. Un avis cardiologique sera demandé et une exploration cardio-vasculaire plus complète (échographie de stress, scintigraphie myocardique ou même coronarographie) peut être justifiée. Les coronarographies postopératoires précoces doivent cependant rester exceptionnelles, car les antiplaquettaires à forte dose sont souvent mal tolérés et parce qu'il existe un syndrome inflammatoire périopératoire rendant la mise en place d'endoprothèses coronariennes délicate. C'est probablement en améliorant la prise en charge cardiologique de ces patients présentant un SCA périopératoire que la mortalité à long terme pourra être diminuée.
D'après un entretien avec le Pr Vincent Piriou, service d'anesthésie-réanimation, CHU Lyon Sud.
(1) Ausset S et coll. Eur J Anaesthesiol 2008 ; 25(2) : 158-64. (2) Landesberg G et coll. J Am Coll Cardiol 2003 ; 42(9) :1547-54. (3) Kim LJ et coll. Circulation 2002 ; 106(18) : 2366-71 (4) Fleisher LA, Beckman JA, Brown KA, et coll. Circulation 2007 ; 116 : e418-99.
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