Eric, 7 ans, est assis devant un ordinateur sur lequel défilent des mots. Il doit, grâce à une touche du clavier, montrer qu'il sait repérer parmi eux les noms d'animaux. C'est une expérience en forme de jeu. Alors qu'il se concentre sur sa tâche, un appareil enregistre les mouvements de ses deux yeux.
En étudiant la motricité oculaire des enfants pendant la lecture, Zoï Kapoula, directrice de recherche au CNRS et chef de l'équipe Vision binoculaire et adaptations motrices, veut constituer, avec la chercheuse Maria Piu Bucci, une référence de normalité sur la motricité binoculaire pour la comparer avec celle des enfants ayant des problèmes de lecture.
Une coordination acquise
Des études récentes réalisées sur des enfants renforcent l'hypothèse d'une coordination oculomotrice acquise. A l'âge où l'enfant apprend à lire, l'oculomotricité (en particulier la capacité à accorder les deux yeux) ne serait pas aussi affinée qu'elle l'est chez l'adulte. On peut donc penser que l'apprentissage de la lecture est également lié à l'apprentissage d'une meilleure coordination des yeux qui aide au décryptage des mots et de leur sens.
L'étude réalisée par l'équipe de Zoï Kapoula* porte sur 17 élèves d'une classe élémentaire. Agés entre 6 et 7 ans, ils viennent d'apprendre à lire. L'appareil utilisé pour enregistrer le mouvement de leurs yeux est un oculomètre. Le principe de fonctionnement consiste à envoyer sur la pupille une lumière infrarouge. En retour, cette lumière réfléchie par la cornée passe au travers d'une lentille et dessine sur le détecteur optique une image infrarouge complète de l'il. Le signal de sortie du détecteur est ensuite amplifié afin de calculer la position du centre de gravité de la lumière sur l'image. La position de ce centre de gravité dépend de la position de l'oeil.
« Lorsque nous lisons un texte, l'il effectue toute une série de mouvements rapides, les saccades, explique Zoï Kapoula. Chaque saccade est suivie d'une période de fixation pendant laquelle se fait l'analyse visuelle. Puis, le regard saute à nouveau pour se poser un peu plus loin dans le texte. » La saccade oculaire, qui est le plus rapide des mouvements physiologiques, permet d'affiner la vision : elle déplace les yeux de sorte que l'objet d'intérêt, le mot en l'occurrence, se retrouve en position centrale, dans la région fovéale. Toutefois, dans certains cas, des saccades sont effectuées afin de ramener les yeux vers une portion de texte déjà lue : on les appelle les saccades régressives.
Françoise Vitu-Thibault, chercheuse au CNRS, a montré que, chez les enfants, le contrôle du système saccadique est moins élaboré que chez les adultes. D'une part, les enfants effectuent un plus grand nombre de saccades régressives et, d'autre part, leurs saccades progressives sont beaucoup plus courtes que des adultes.
Dans ce contexte, l'étude de Zoï Kapoula sur une population d'enfants en âge d'apprendre à lire apporte de nouveaux éléments d'information puisque c'est la première fois que les deux yeux sont enregistrés en même temps, dans le domaine bidimensionnel de l'horizontalité et de la verticalité. La qualité de la coordination entre les deux yeux a été peu étudiée. A ce sujet, les hypothèses restent celles émises par Hering et Helmholtz en 1868. « Selon Hering, commente Zoï Kapoula, le même influx nerveux est envoyé aux muscles conjugués des deux yeux, de façon à ce qu'ils bougent comme un seul organe. La coordination motrice serait donc ici plutôt innée. Pour Helmholtz, au contraire, la saccade est programmée individuellement pour chaque oeil. La coordination des yeux est acquise ultérieurement, sur la base de l'expérience visuelle et de l'apprentissage. » Le débat inné-acquis est ici fondamental pour comprendre ce qu'implique l'apprentissage de la lecture chez l'enfant. Une étude réalisée en Italie en 1995 suggère que la dyscoordination entre les deux yeux est assez importante chez les enfants de moins de 10 ans.
« L'expérience que nous avons mené sur ces 17 élèves nous montre que le contrôle de la vergence, c'est-à-dire l'ajustement de l'angle des axes optiques selon la distance de l'objet, n'est pas inné, remarque Zoï Kapoula. La cognition visiomotrice se développe progressivement. De plus, nous avons observé que de 15 à 20 % de ces enfants rencontrent des problèmes avec la vision binoculaire. »
Orthophoniste et orthoptiste
Quelles en sont les conséquences ? Sur le plan physique, ces problèmes peuvent être la source de vertiges, de céphalées. Mais ils peuvent aussi expliquer des difficultés de lecture. « La dyslexie est un problème multiple, rappelle Zoï Kapoula. Mais il ne faut pas oublier l'action visiomotrice. L'orthophoniste doit s'intéresser à l'orthoptiste et vice versa . A l'hôpital Robert-Debré (service ORL) où nous étudions, avec Maria Pia Bucci, les enfants avec vertiges, maux de tête et autres problèmes visuels, nous avons constaté que la rééducation orthoptique est non seulement efficace sur la stratégie du comportement du regard mais touche aussi au travail cortical : le temps de préparation des mouvements oculaires est réduit. » En termes de santé publique, cela implique d'entreprendre, notamment à l'école, un bilan ophtalmologique approfondi qui permette de surveiller la vision stéréoscopique et la vision binoculaire.
* Au sein du laboratoire de physiologie de la perception et de l'action au Collège de France, recherche menée avec Hélène Puech, opticienne au service scientifique d'Athol, et Qing Yang, neurologue et chercheur.
Des journées didactiques sur les problèmes oculomoteurs
Le Club d'oculomotricité cognitive et le Réseau des sciences cognitives d'Ile-de-France organisent, les 27 et 28 septembre, des journées didactiques sur la « dyslexie, les troubles d'apprentissage et d'attention et les problèmes oculomoteurs ».
Informations et inscriptions au 01.44.27.16.36 ou au 01.44.27.16.35 et par courrier électronique (maria-pia.bucci@college-de-france ou zoi.kapoula@college-de-france.fr).
11 millions d'élèves
Quelque 11 518 679 élèves sont attendus dans les établissements publics et privés, le 3 septembre, dont 6 257 400 dans les écoles maternelles et élémentaires et 5 261 679 dans le second degré. Ils seront légèrement moins nombreux que l'an dernier. Depuis plusieurs années, les effectifs sont à la baisse en raison d'une chute démographique qui continue de s'accuser en 2002-2003 avec 7 100 enfants de moins en primaire et 9 671 dans le secondaire. Cependant, la situation devrait s'inverser nettement dès l'an prochain dans le primaire, où 38 500 jeunes supplémentaires sont prévus. Le phénomène tient au fait qu'il y a eu une diminution de la natalité, et donc du nombre des 3-10 ans, jusqu'en 1994, puis une stabilisation, suivies d'un boom des naissances depuis 1999. Déjà en 2001-2002, et encore plus cette année, le nombre des moins de 6 ans, 2 473 400 au total, enregistre une augmentation de 16 800. Pour autant, cela ne compense pas la diminution des effectifs dans les écoles élémentaires, de 22 800 élèves.
Dans les collèges, c'est toujours la décrue, avec 3 146 518 filles et garçons (moins 18 300). En revanche, les lycées gagnent 7 900 inscrits, pour atteindre les 1 453 730 lycéens.
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