Décision Santé. Jugez-vous les débats, le travail des groupes de travail, constructifs ? Quelle est votre contribution ?
Pascal Champvert. Ce qui sera important, c’est ce qui sortira de la synthèse des travaux. De notre côté, on a clairement indiqué notre façon de voir les choses. Il faut commencer par changer de dénomination : parler d’autonomie, pas de dépendance. Ce terme est péjoratif, il discrimine les personnes âgées. Alors que l’autonomie, c’est l’objectif que nous poursuivons. Ensuite, la réforme doit permettre d’avoir plus de personnels dans les établissements qui accueillent des personnes âgées mais aussi dans les services à domicile. Enfin, il faut que les familles et les personnes âgées cessent de s’épuiser. L’épuisement est financier quand la personne âgée est accueillie en établissement et il est physique quand la personne est à son domicile. C’est une succession de drames humains. Souvent, le conjoint décède avant la personne aidée. Dans la majorité des cas, ce sont les femmes qui prennent en charge leur mari devenu dépendant et elles s’épuisent. Il faut faire cesser cela.
D. S. Plusieurs pistes financières sont avancées. Quelle est celle qui a votre faveur ?
P. C. On n’est pas contre le fait de faire jouer les patrimoines, à la condition que cela se fasse sur l’ensemble des patrimoines, et pas uniquement sur celui des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Cela n’aurait aucun sens et serait injuste. On parle aussi de mettre en place une seconde journée de solidarité et ce, alors que les syndicats de salariés sont déjà fortement opposés à la première. Ou de faire peser la journée de solidarité existante, le lundi de Pentecôte, sur ceux qui en sont aujourd’hui exemptés, ce qui peut sembler solidaire. Pour peu que les catégories socioprofessionnelles concernées l’acceptent. Comment pourrait-on asseoir le financement d’une prestation de l’ensemble des Français contre l’opposition de certaines catégories de la population ? Je crois à la démocratie représentative et au fait que lorsque l’on fait quelque chose, on ne peut pas le faire contre les gens. Cela vaut aussi pour une éventuelle augmentation de la CSG des retraités, idée que l’on entend aussi.
D. S. On parle aussi de recourir à une assurance privée obligatoire.
P. C. Pourquoi pas, à titre supplémentaire. Si cela se limite à un petit plus. Mais cela ne peut pas être le financement de base. Comme l’a dit Philippe Bas dans une tribune du journal Le Monde, il n’y a pas de solidarité dans un système assurantiel. Mais il n’y a je crois plus grand monde qui défende cette idée de confier la couverture du risque dépendance aux assurances privées.
D. S. Y aura-t-il une loi avant les élections présidentielles de 2012 ?
P. C. Que ce soit via le PLFSS, le PLF ou une grande loi dédiée, il faut de toute façon des signes importants et tangibles de réforme. Après les annonces de Nicolas Sarkozy il y a cinq ans, après la mise en place des groupes de travail, les débats qui s’ouvrent en régions, il faut que l’État fasse une vraie réforme. Il faut autre chose qu’un « on verra après l’élection présidentielle ». Il faut que la réforme soit financée avant les prochaines élections.
D. S. On évoque quasi exclusivement le volet financier de cette réforme. Mais quid de l’aménagement du territoire, de l’ouverture d’établissements pour personnes âgées, de structures de services à domicile ?
P. C. Je suis économiste de formation mais je n’oublie pas que l’économie est au service du mieux-être des humains. La réforme doit d’abord se faire à ce niveau-là. Il faut améliorer les conditions de vie par plus de moyens dans les établissements et l’aide à domicile. Il faut se poser la question de savoir ce que l’on finance avant de savoir comment le faire.
D. S. Justement, que doit-on financer ?
P. C. Il y a des régions dans lesquelles il est extrêmement difficile de trouver des places dans un établissement, et à des prix abordables. Je pense évidemment à l’Ile-de-France et aux régions littorales, notamment. Ensuite, il faut prendre en considération le fait que l’établissement de demain ne peut pas être celui d’aujourd’hui. Les personnes âgées ont droit à de vrais logements. Pour qu’elles puissent vivre dignement, il leur faut des espaces privatifs suffisamment grands, de 35 à 40 m². Aujourd’hui, la loi impose plus de 18 m² et la majorité des maisons de retraite ont des chambres de 20 m², c’est très clairement insuffisant.
D. S. Est-ce qu’un appareil législatif autour de la dépendance ne devrait pas aussi s’intéresser aux personnes handicapées ?
P. C. Le président de la République a fermé ce débat, la question a été tranchée.
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