Décision Santé. Quel bilan tirez-vous des cinq dernières années en matière de politique hospitalière ?
Jean de Kervasdoué. La réforme Bachelot (HPST, NDLR) est une régression, au moins en ce qui concerne l’hôpital. Quand Nicolas Sarkozy a décidé d’avoir un patron à l’hôpital – ce qui se défendait –, le problème, c’est qu’il a choisi le mauvais. Il a fait le choix d’un patron nommé par l’État. C’est l’État qui nomme les directeurs d’hôpital. Ce gouvernement qui se réclame de la droite parlementaire a fait une réforme tout à fait étatique, pas libérale. Il aurait fallu redonner de l’indépendance aux hôpitaux et ce n’est pas ce qui a été fait. Les établissements hospitaliers sont des organisations complexes. L’État pense gérer cela par des textes et des décrets, mais il faut au contraire laisser de l’indépendance à l’institution. Il faut qu’elle dispose d’un véritable conseil d’administration qui nomme le directeur de l’hôpital, de même que le président de la CME, aujourd’hui élu par ses pairs. On se retrouve aujourd’hui avec un système étatisé que la gauche n’aurait pas été capable de faire. Mais dès lors que l’assurance maladie s’occupe de la médecine de ville alors que l’État se charge de l’hôpital, il y a une frontière, une cloison de verre entre les deux. La possibilité de transfert entre l’hôpital et la ville est ce faisant très difficile.
D. S. Les hospitaliers, que ce soient les directeurs, les médecins ou les personnels non médicaux, parlent beaucoup des difficultés liées à la tarification à l’activité (T2A).
J. de K. Je le sais bien. Si j’ai été de ceux qui ont porté ce modèle de tarification, il n’en demeure pas moins que le système n’est pas parfait. Quand vous décidez d’un budget, que ce soit par le biais d’une tarification ou par dotation globale, vous ne pouvez pas être dans l’arbitraire total. Aujourd’hui, le problème essentiel est celui du sous-paiement des consultations externes. Cela étant, le débat autour de la T2A ne me passionne pas, pour une raison simple, c’est que j’en connais la fin : il y aura un peu plus de Migac (missions d’intérêt général, NDLR), un peu moins de T2A.
D. S. Il n’y aura donc pas de convergence possible ?
J. de K. Les groupes homogènes de séjour sont les mêmes pour le public et pour le privé, mais on n’a pas utilisé les mêmes échelles, les mêmes critères, quand on a défini les conditions dans lesquelles le secteur privé allait passer à la T2A. Je pense qu’à un moment ou un autre, il y aura convergence sur les échelles, il n’y a pas d’autre moyen. En prospective, on se trompe sur les dates, mais pas sur l’issue des problèmes.
D. S. La mise en place des pôles a également marqué les professionnels hospitaliers.
J. de K. C’est une bonne réforme. Mais je ne pense pas, là encore, que ce soit à l’État d’en décider. Les pôles devraient être une possibilité et non une obligation. Cependant, les hospitaliers me font rire, ils ont cette fâcheuse habitude de demander à être protégés par une instance supérieure. Ce sont les directeurs d’hôpital qui sont à l’origine de cela, ils avaient demandé la création de ces pôles. Pourquoi n’ont-ils pas pris l’initiative de les créer eux-mêmes dans leurs établissements ?
D. S. Que voyez-vous poindre dans les débats santé organisés dans le cadre de la campagne présidentielle ?
J. de K. Rien. Chacun joue sa partition. La partition de la droite, c’est son bilan, le respect de l’Ondam, etc. La gauche, elle, parle toujours d’accès aux soins, de la diminution des inégalités de santé, de la dépendance, du remboursement de l’optique et du dentaire… Il n’y a rien d’autre à dire.
D. S. Que suggérez-vous ?
J. de K. Au commencement était le verbe. Le premier problème, c’est que les Français ignorent dans quelle situation de déficit chronique nous sommes. Cela dit, à mon sens, la situation est gérable entre trois ou quatre ans, pour peu que tout le monde soit mis à contribution. Mais la population doit être convaincue que c’est ce qu’il faut faire.
D. S. Comment feriez-vous ?
J. de K. Il faut mettre de l’ordre dans les prescriptions, les contrôler, donner des consignes précises aux agences régionales de santé, revoir le mode de rémunération des professionnels de santé libéraux. Le programme du parti socialiste propose de recourir au paiement au forfait. Si on rémunère les médecins de ville de la sorte, on a plus de chance d’avoir des comportements vertueux.
D. S. Et à l’hôpital ?
J. de K. Je redonnerais de l’indépendance aux hôpitaux, je mesurerais qu’ils ont de quoi gérer. Les cliniques sont beaucoup plus mobiles parce qu’elles ont beaucoup moins de contraintes.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature