«NOTRE AVIS ne va plaire à personne, prévient l’un des rapporteurs, le gynécologue-obstétricien Claude Sureau. Il ne va plaire ni aux fougueux libéralisateurs ni à ceux qui sont réservés vis-à-vis des nouvelles techniques de la procréation.» L’avis n° 90 du comité d’éthique sur « l’accès aux origines, anonymat et secret de la filiation » n’est pas consensuel, même s’il a été adopté à l’unanimité (moins une abstention). Il vise à analyser différentes situations à partir des acquis de la médecine de la procréation et des nouvelles revendications sociales et individuelles contemporaines. «Il importe de se souvenir que la dissociation volontaire des dimensions biologiques et sociales de la filiation ne doit pas masquer le fait que l’enfant, lui, hérite de fait de ces deux dimensions et de toute l’histoire qui a abouti à sa conception dans une unique filiation», rappellent les Sages en guise de préambule éthique. «La gestation de cet avis, qui est une autosaisine, a été difficile, commente le président Didier Sicard. C’est le fruit d’un travail de réflexion qui a duré quatre ans», et n’a pas de rapport avec les travaux de la mission parlementaire sur la famille, souligne-t-il. Les membres du Ccne ont réfléchi méthodiquement, en différenciant les situations.
Dans le domaine de l’accouchement sous X, ou « accouchement dans la discrétion », les Sages estiment qu’il est souhaitable de limiter le recours à cette pratique «par un meilleur accompagnement psychologique des futures mères». La création du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop), par la loi du 22 janvier 2002, est destinée à favoriser sur demande d’un enfant devenu majeur le rapprochement des parties concernées. Elle constitue, selon les Sages, «un grand progrès», qui justifierait un élargissement de ses compétences.
Les gamètes ne sont pas des parents.
Dans le domaine de la fécondation invitro avec tiers donneur et accueil d’embryon, les membres du Ccne incitent les praticiens à donner aux parents «une information le plus complète possible sur les risques psychiques liés à la construction et au maintien du secret» du mode de conception. Une révélation précoce est d’autant plus souhaitable que, «face à la mise en place du dépistage génétique (...) et à la dérive mercantile que suscitent ces nouvelles techniques, il est nécessaire que les couples (désirant) recourir à une PMA (procréation médicalement assistée) soient informés que le secret est illusoire, voire dangereux, pour l’harmonie familiale».
Mais lever le secret n’est pas pour autant dévoiler l’identité des donneurs, ou des receveurs. «Les gamètes ne sont pas des “parents”», font remarquer les Sages. Selon eux, la pratique dite du « double gate », c’est-à-dire celle qui offre aux donneurs ou donneuses de gamètes la possibilité d’un choix entre don anonyme et non anonyme, et parallèlement aux couples bénéficiaires, le même choix entre gamètes obtenus ou non dans le cadre de l’anonymat, pourrait éventuellement ouvrir une voie vers un libre choix. Dans tous les cas, le Ccne suggère de permettre que l’enfant «ait accès à des informations non identifiantes en maintenant le principe de l’anonymat des donneurs».
Confusion des maternités.
Dans le cas du double don de gamètes, les Sages estiment qu’une nouvelle réflexion législative «ne devrait pas susciter l’opposition actuelle». Ce double don devrait être considéré comme «traduisant un double altruisme, celui de chacun des deux donneurs» . «Il y a, en outre, une certaine cohérence dans la mesure où la loi permet l’accueil d’embryon et où ce double don de gamètes reste impossible», soulignent les membres du groupe de travail.
Concernant les grossesses par procuration, le Ccne reste très réservé sur sa pratique «en raison du risque de marchandisation du corps et de confusion des maternités pour l’enfant». Les Sages ont également évoqué la question de la multiparentalité et de l’homoparentalité. Si la sexualité de la personne adoptante n’a pas nécessairement à être prise en compte, selon eux, l’assistance médicale à la procréation (AMP) n’est pas destinée à «favoriser la parentalité homosexuelle en raison du contournement de sa nécessité médicale de traitement de la stérilité et de la rupture éventuelle de l’anonymat des donneurs», estiment-ils.
Dans les situations étudiées par le Ccne, «l’important semble demeurer de ne pas laisser l’enfant, ou l’adulte qu’il est devenu, seul dans sa quête d’origine, mais de l’inscrire dans une relation humaine riche, consciente et engagée, où il puisse affronter en vérité son histoire conceptionnelle pour mieux l’assumer». Les missions du Cnaop ne manqueront pas dans le futur.
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