HOPITAL 2000, l'association présidée par Lucien Neuwirth, n'a pas choisi par hasard la date de sa conférence-débat sur les nouvelles approches de la douleur. C'était celle de la discussion au Sénat de la loi sur le droit des malades et la fin de vie.
Si, pour certains patients, souffrir était, il n'y a pas si longtemps, une épreuve voulue par Dieu, ou pour certains médecins, un révélateur permettant de mieux cerner le mal, traiter la douleur postopératoire, chronique ou aiguë, est à l'évidence entré dans les mœurs, comme le souligne Chantal Deschamps, membre du comité d'éthique. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Pour Anissa Belbachir, cancérologue à Cochin, il faut renforcer la coordination. Force est de constater qu'il y a des inégalités flagrantes entre les régions, les hôpitaux : manque de centres de douleurs chroniques, de centres de douleurs aiguës. Il faut évaluer, analyser, mettre en œuvre et réévaluer pour pallier les insuffisances.
Elles sont nombreuses, selon le Clud (Comité de lutte contre la douleur). Créée en 1999, cette instance pluridisciplinaire a pour mission la recherche, les soins et l'enseignement.
A Saint-Antoine, explique le Dr François Bourreau, le centre fonctionne de façon assez efficace. Tous les praticiens concernés par le traitement de la douleur se concertent afin de coordonner leur action pour une meilleure prise en charge de celle-ci. Ils recueillent toutes les informations cliniques, utilisent les outils d'évaluation et de mesure existants, les protocoles disponibles, s'assurent de la qualité de ces évaluations, informent les patients sur les thérapies possibles, complètent la formation du personnel soignant. Mais, constate François Bourreau, le réseau fonctionne moins bien quand le malade rentre chez lui. Il faut donc étendre à la ville cette coordination afin que le médecin traitant n'agisse pas en cavalier seul. D'où la mise en place d'une assistance téléphonique pour le cabinet médical, d'une consultation d'orientation rapide et pluridisciplinaire. Ainsi, le généraliste peut continuer ou adapter le traitement en concertation avec ses confrères chargés du même dossier. Il faut décloisonner, conclut-il, et créer un réseau hors les murs de l'hôpital pour le suivi du malade.
La douleur n'est pas une fatalité.
On connaît les outils d'évaluation, explique Jean Marty, président de la Sfar (Société française d'anesthésie-réanimation). On sait comment la détecter, la traiter. Mais la chaîne des soins reste fragile : les hôpitaux sollicités par des questionnaires ne jouent pas le jeu de l'audit, indispensable pour avancer dans ce combat, et le message ne passe pas aussi souvent qu'il le voudrait entre chirurgiens et anesthésistes, le traitement de la douleur devant commencer une heure avant la fin de l'intervention pour que les effets soient optimaux au réveil de l'opéré.
Isabelle Marin, cancérologue à l'hôpital Delafontaine (Saint-Denis), confirme : l'hôpital reste un lieu où la coopération entre médecins laisse à désirer. Préparer le malade, le faire participer, est crucial pour réussir le traitement. L'utilisation des pompes à morphine a montré son efficacité : apprenant à doser selon le degré de sa douleur, le malade l'exorcise et reste dans son cadre de vie. Le PCA, ou analgésie autocontrôlée, contribue au bien-être du patient et de sa famille. Il faut à tout prix lutter contre la peur de la morphine, lever les tabous : la septième injection qui tue n'existe pas.
Mais ces pompes sont en nombre insuffisant (500 au lieu de 5 000 souhaitables), la formation aux méthodes de soins palliatifs est peu assurée et le malade, mal informé. Et, constate le Dr Marin, si le temps compte pour évaluer efficacement le meilleur traitement, le temps est compté pour le malade en fin de vie ; pour gérer cette contradiction, il faut plus de moyens.
Demandons l'impossible.
Alors, soyons réalistes, demandons l'impossible, conclut le Pr Sadek Beloucif (CHU d'Amiens), qui préside la conférence-débat.
L'impossible, c'est un budget sérieux pour acheter et mettre en place des pompes à morphine dans les hôpitaux, créer des espaces d'accueil, relais d'écoute indispensables pour les familles angoissées et désemparées, multiplier les unités mobiles de soins palliatifs, assurer des formations solides aux infirmières référentes, interfaces entre le malade, le chirurgien, l'infirmière en chirurgie et l'anesthésiste, amener enfin sur le terrain les étudiants qui se spécialisent dans ce domaine.
La politique hospitalière de stratégie de valorisation, la recherche systématique de la rentabilité nuisent à la lutte contre la douleur. Si les esprits sont convaincus, les techniques prêtes, reste à trouver l'aide financière.
Hôpital 2000, tél. 04.78.89.78.31, hopital.2000@free.fr.
Un témoin parle
En s'appuyant sur l'expérience de son ami, le philosophe Yvan Amar, qui, atteint d'un mal incurable, a choisi de « Mourir les yeux ouverts » (Albin Michel, 15 euros), Marie de Hennezel, psychologue et spécialiste des soins palliatifs, continue sa réflexion sur la place de l'humain dans le monde hospitalier français.
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