CES DERNIERES ANNEES, une triple évolution a radicalement modifié la donne en matière de prévention de la tuberculose en France. Il s'agit d'abord de l'évolution épidémiologique, à la baisse depuis 1972, si l'on excepte un léger rebond en 1992, attibué au sida. Avec 8,9 cas pour 100 000 habitants en 2005, la tuberculose est aujourd'hui plus rare en France qu'elle ne l'a jamais été. Il s'agit ensuite d'une évolution de la vaccination, le BCG par multipuncture ayant été abandonné au profit du BCG SSI 1331 (Serum Staten Institute, préparé à partir d'une souche danoise), administrable uniquement en intradermique, et qui serait responsable d'un taux nettement plus élevé d'effets secondaires. Il s'agit enfin d'une évolution réglementaire, qui vient en quelque sorte entériner les deux premières, et qui a abouti, en juillet 2007, à la suspension de l'obligation vaccinale.
Ce tableau pourrait préfigurer un abandon pur et simple de la vaccination. Et le risque est bien là. Car derrière un résultat épidémiologique globalement satisfaisant se cachent des disparités très importantes.
L'incidence élevée en Guyane, 44/100 000, n'est pas surprenante. Mais l'Ile-de-France se situe à 19,7/100 000, et Paris intra muros à 34/100 000, «avec une distribution des cas par arrondissement inversement proportionnelle au prix de l'immobilier», comme le note le Pr Joël Gaudelus. Paris, comme la Seine-Saint-Denis d'ailleurs, sont en matière de tuberculose, des zones d'endémicité élevée.
L'incidence parmi les personnes nées à l'étranger est, par ailleurs, beaucoup plus importante que chez les personnes nées en France : 41,5/100 000 contre 5/100 000.
Un juste équilibre.
Ainsi, si l'épidémiologie n'est plus, globalement, en faveur de la vaccination systématique, elle n'est pas davantage en faveur d'un arrêt total. Les projections indiquent d'ailleurs que l'abandon de la vaccination se solderait par un excès de 320 cas par an chez les moins de 15 ans, dont 10 méningites tuberculeuses, ce que le Pr Gaudelus qualifie «d'inacceptable».
Côté vaccination, de très nombreuses études ont montré que le BCG prévient 75 % des formes graves, méningites et miliaires, et 50 % des formes pulmonaires. La BCgite généralisée est par ailleurs très rare : on en compte entre 1,5 et 2 cas par million de doses. En revanche, des taux non négligeables de complications locorégionales sont rapportés avec le vaccin intradermique.
Selon le Pr Gaudelus, l'étude la plus fiable sur la question a été menée en Afrique du Sud (Jeena P. M. Bull. WHO, 2001). Avec un vaccin identique à celui dorénavant utilisé en France, des effets indésirables sont rapportés dans 3,7 % des cas, dont près de la moitié d'abcès au site d'injection. L'étude a été menée sur quatre semestres, au cours desquels le taux d'effets secondaires a progressivement diminué, preuve de l'importance de la maîtrise de la technique d'injection. Reste que le BCG intradermique suscite indiscutablement plus d'effets secondaires que le Monovax, utilisé jusqu'à la fin de 2005 en France.
Compte tenu des données épidémiologiques et des caractéristiques du BCG SSI, la stratégie de vaccination ciblée est la plus raisonnable. Elle s'adresse aux enfants nés dans des pays où l'incidence de la tuberculose est élevée ou dont les parents sont originaires de ces pays – parmi lesquels il ne faut par oublier l'ex-URSS. «En matière de tuberculose, on a l'incidence de son pays d'origine, au moins pour quelques années», souligne le Pr Gaudelus.
Sont également concernés par la vaccination les enfants des familles dont un membre a été atteint, ainsi que les enfants appelés à séjourner au moins un mois en zone de forte incidence. Enfin, le cas des enfants résidant en Ile-de-France doit être considéré, ainsi que toutes les situations suggérant un risque d'exposition au bacille de Kock.
L'objectif est de maintenir dans la population cible un taux de couverture voisin du taux actuel. Il suppose de ne pas se tromper sur la signification de la suspension de l'obligation vaccinale.
Session « Vaccinologie », présidée par le Pr Joël Gaudelus (hôpital Jean-Verdier, Bondy), avec la participation des Prs Daniel Floret (hôpital Edouard-Herriot, Lyon), Serge Gilberg (université Necker - Enfants-Malades, Paris) et Emmanuel Grimpel (hôpital Armand-Trousseau, Paris).
Avec le soutien institutionnel de sanofi-aventis.
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