TOUS LES ministres présents ont salué l'initiative française. « Il nous faut trouver une position commune », a affirmé Morgan Johansson, ministre de la Santé suédois, invité comme ses homologues ou leurs représentants des Pays-Bas, de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne, par les ministres de la Santé et de la Recherche français, Philippe Douste-Blazy et François d'Aubert.
Les chiffres sont éloquents : la recherche sur le VIH en Europe représente environ 40 % des publications mondiales sur le sujet, plus de vingt candidats vaccins sont issus de cette recherche. Mais si un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde sont issus de la recherche européenne, 90 % des premiers essais chez l'homme (de phase I) se déroulent aux Etats-Unis et 100 % des essais de phase II. « Il n'est pas normal que l'Europe n'ait pas les moyens de porter ses candidats vaccins jusqu'aux essais de phase I, II ou III. L'Anrs a développé le seul candidat européen à faire aujourd'hui l'objet d'un essai de phase. Faute de financement, l'essai se déroule aux Etats-Unis chez 300 personnes », explique le Pr Michel Kazatchkine, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida.
Mettre au point un vaccin contre le sida demeure cependant un défi scientifique pour tous les chercheurs. Les recherches sur le vaccin préventif qui protégerait contre l'infection butent toujours sur l'impossibilité d'induire des anticorps « neutralisants ». En revanche, les « vaccins de première génération » fondés sur l'induction exclusive d'une immunité cellulaire qui ne protège pas de l'infection, mais atténue la maladie, concentrent aujourd'hui tous les efforts de développement public aux Etats-Unis comme en Europe. Le délai de mise au point d'un tel vaccin est estimé à 5-7 ans (2007-2009) pour la phase III et à 2-4 ans (2011-2013) supplémentaires pour la mise sur le marché. L'espoir est donc réel et permettrait non seulement d'augmenter la durée de vie des patients de vingt à trente ans, mais de réduire les besoins en antirétroviraux.
Les bases d'une recherche commune.
Alors que s'ouvre aujourd'hui à Washington la conférence de la Global HIV Vaccine Research Enterprise, réunion d'experts appelée par le G8 de Sea Island en juin dernier, il était urgent « que les pays d'Europe les plus engagés dans la recherche d'un vaccin contre le sida se réunissent pour jeter les bases d'une recherche commune à la hauteur des enjeux planétaires de cette pandémie », a indiqué Philippe Douste-Blazy. De même, il était important de « doter les experts qui iront à Washington d'un mandat pour parler d'un front uni », a-t-il ajouté. La Global HIV Vaccine Research Entreprise est née de l'appel lancé dans la revue « Science » en juin 2003 par un certain nombre de scientifiques qui réclamaient la création d'un consortium pour la recherche sur le modèle de ce qui s'était construit pour le génome humain. Grâce à l'appui de la fondation Bill et Melinda Gates, l'organisation a pu voir le jour et a obtenu le soutien du G8 de Sea Island (déclaration finale). L'initiative mondiale pour la vaccination bénéficie de 800 millions de dollars, dont 720 millions ont été versés par les Etats-Unis. La recherche européenne apparaît « fragmentée, sous-financée et non coordonnée ».
Le ministre de la Santé propose donc à ses partenaires, les plus engagés dans la recherche, de mettre en place un agenda scientifique placé sous l'autorité d'un comité scientifique dont la fonction est de reconnaître les meilleurs candidats vaccins qui devront être financés en priorité. Il appelle de ses vœux l'organisation d'un réseau européen de laboratoires de recherche et de centres cliniques capable de conduire les essais de phase II. Le réseau devrait bénéficier de la collaboration avec les pays en voie de développement qui pourront participer aux essais, de même que celle de l'industrie pharmaceutique aujourd'hui pratiquement absente en Europe. Le rôle de la Commission européenne, représentée à la réunion de Paris par son directeur, Octavi Quintina Trias, est également essentiel dans l'attribution des financements communautaires à la recherche vaccinale.
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