« A moins de dix ans de la date cible de 2015, aucune des régions les plus démunies dans les pays en développement n'est en passe d'atteindre la cible de la réduction de la mortalité des enfants. Quant à la mortalité maternelle, seuls les pays où les taux de mortalité sont déjà inférieurs ont enregistré une baisse. L'arrêt de la propagation du VIH/sida et le recul de l'incidence du paludisme et des autres maladies transmissibles restent des objectifs extrêmement difficiles à atteindre en Afrique subsaharienne. » Les experts de l'OMS ne sont guère optimistes quant à la réalisation des objectifs adoptés par 189 dirigeants mondiaux dans la Déclaration du millénaire lors du sommet mondial de 2000. La Communauté internationale s'était alors engagée à éradiquer en quinze ans l'extrême pauvreté et à améliorer la santé et le bien-être des populations les plus pauvres. A mi-parcours, un premier rapport d'évaluation « Santé et les objectifs du millénaire pour le développement » analyse les raisons de la lenteur des améliorations dans le domaine de la santé, secteur qui représente trois des huit objectifs de la déclaration, huit des dix-huit cibles et dix-huit des quarante-huit indicateurs que se sont fixés les experts pour évaluer les résultats obtenus.
Fracture sanitaire.
Contrairement à l'évolution attendue, la fracture sanitaire s'aggrave. Et si les tendances observées dans les années 1990 se maintiennent, la majorité des pays en développement ne réussiront pas à réaliser les objectifs. Les inégalités d'espérance de vie qui étaient en diminution jusqu'à la fin des années 1980 ont augmenté pendant les années 1990, « principalement en raison de la hausse du taux de mortalité des adultes en Afrique subsaharienne (hausse imputable à l'épidémie de VIH/sida) et dans les anciens pays socialistes européens », souligne le rapport. La mort prématurée des adultes est un problème inquiétant. Le taux de mortalité des adultes de 15 à 59 ans est deux fois plus élevé dans les pays en développement que dans les pays riches (30 % des décès contre 15 %).
Chez l'enfant, les taux de mortalité de l'enfant ne cessent de diminuer, mais « la tendance à la baisse s'est inversée dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne au cours des dix dernières années ». Les décès d'enfants de moins de 5 ans représentent environ 20 % de la mortalité mondiale et 99 % de ces décès sont enregistrés dans les pays en développement.
Les maladies transmissibles et la mortalité maternelle restent les premières causes de décès. Cependant, la charge de morbidité due aux maladies chroniques non transmissibles ne cesse de croître. « Récemment encore, on pensait que les principaux facteurs de risque - tension artérielle, cholestérol, tabac, alcool, obésité et les maladies qui leurs sont liées - ne menaçaient que les pays à revenus élevés ; or il apparaît qu'une grande partie de la mortalité due à ces divers facteurs touche les pays à bas revenus et à revenus intermédiaires », s'inquiètent les experts. En cause, la transformation des modes de vie et du régime alimentaire. D'autres maladies dites « négligées » qui suscitent peu d'intérêt touchent pourtant plus de un milliard de personnes : ulcère de Buruli, maladie de Chagas, filariose lymphatique (éléphantiasis), schistosomiase, parasitose intestinale, lèpre, leshmaniose, maladie du sommeil. « L'action menée pour atteindre les objectifs du millénaire devrait faire du renforcement de la lutte contre les maladies tropicales négligées un impératif prioritaire », notent encore les experts.
Financement durable.
Surtout, ils insistent sur « le renforcement des systèmes de santé », préalable « indispensable » à la réalisation des objectifs, même si « ni les donateurs ni les responsables nationaux de la planification sanitaire n'ont accordé suffisamment d'attention à cet aspect ». Un financement durable est indispensable. L'OMS estime qu'il faudrait au minimum 30-40 dollars par habitant et par an pour assurer des services de santé de base, alors qu'aujourd'hui les somme investies dans de nombreux pays n'excèdent pas les 10 dollars. Afin de réaliser tous les objectifs du millénaire, 195 milliards d'aide publique au développement seront nécessaires d'ici à 2015. « Un engagement politique mondial en faveur du financement à long terme est fondamental », a commenté le Dr Andrew Cassels. « Nous avons besoin de ressources prévisibles et inscrites dans la durée afin de permettre aux pays de dresser des plans à long terme. Et la santé doit être un élément central de cette action. » Pour plus d'efficacité, les donateurs devront s'engager à mieux coordonner l'aide et les pays en développement à assurer plus de transparence. La santé et la réduction de la pauvreté devraient être inscrites au nombre des priorités dans leurs plans nationaux respectifs. Le sommet mondial de New York qui réunira les chefs d'Etat et de gouvernement les 14, 15 et 16 septembre prochains devrait être sur ce point décisif.
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