Formes d'emblée progressives de sclérose en plaques

Il est urgent de mettre en place des essais thérapeutiques

Publié le 04/06/2008
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Par le Pr Marc Debouverie*

DANS ENVIRON 85 % des cas, le début de la sclérose en plaques (SEP) est marquée par des périodes de poussées et de rémissions. Dans environ 15 % des cas, les patients présentent une forme d'emblée progressive, caractérisée par une accumulation permanente des déficits neurologiques dès l'apparition des symptômes sans poussées ni rémissions, et l'invalidité augmente au cours du temps. Les patients atteints de la SEP d'emblée progressive présentent des particularités cliniques différentes des autres, notamment un âge moyen d'apparition de la maladie plus avancé (environ 40 ans comparés à 30 ans) et un sex-ratio moins défavorable aux femmes (environ 55 % de femmes au cours des formes progressives d'emblée, contre 70 % lors des formes rémittentes). Le pronostic fonctionnel est moins favorable pour les SEP d'emblée progressive car le délai entre les premiers symptômes et l'apparition des différents niveaux d'invalidité est plus court que lorsque le patient souffre de la SEP rémittente. Néanmoins, la pente de progression est identique lorsqu'on compare les phases progressives des SEP progressive d'emblée et secondairement progressive. Enfin, d'après les études en IRM, le nombre de lésions est moins important, ainsi que le rythme de formation des nouvelles lésions, et le nombre de prises de contraste au cours des formes progressives d'emblée.

Jusqu'ici, il n'existe aucun traitement immunomodulateur réputé efficace pour les patients atteints de la SEP d'emblée progressive. La mise en place des essais thérapeutiques pour ce groupe de patients a rencontré de nombreuses difficultés. Notamment, le recrutement a historiquement été entravé par le manque de critères précis de diagnostic. Lors des essais cliniques, le nombre de patients est calculé à partir des études d'histoire naturelle de la maladie qui sont rares et parfois biaisées.

Préciser les critères diagnostiques.

L'hétérogénéité de la maladie, la difficulté de diagnostiquer ces formes d'emblée progressives et les protocoles de recherche indiquent le besoin de critères de diagnostic appropriés. Les critères de Poser, puis de Thompson, ont des limites certaines. Actuellement, selon les critères révisés de McDonald publiés en 2005, la SEP d'emblée progressive est considérée comme certaine lorsqu'il existe, d'une part, une progression de la maladie sur une période d'au moins un an et, d'autre part, la présence d'au moins deux des trois critères suivants : 1) des bandes oligoclonales ou l'augmentation de l'index IgG dans le LCR ; 2) deux ou plus lésions focales médullaires détectées en IRM ou plus de neuf lésions cérébrales détectées en IRM ; 3) de quatre à huit lésions cérébrales détectées en IRM avec des potentiels évoqués visuels (PEV) positifs. Ces critères restent donc complexes à manipuler en utilisation quotidienne et pratique. À titre d'exemple, sur une série française (réseaux de santé du Nord, d'Alsace et de Lorraine), lorsque l'on applique ces critères révisés de McDonald, seulement 75 % avaient les critères de SEP d'emblée progressive. Sur le quart de patients restant (67 patients) – néanmoins considérés comme une SEP de forme progressive d'emblée par le clinicien –, il n'y avait aucune différence clinique (sex-ratio, âge au moment de l'apparition de la maladie, invalidité). Pourtant, dans ce groupe sans diagnostic de certitude, presque 50 % des cas présentaient quatre ou plus de lésions cérébrales en IRM, 50 % avaient au moins une lésion médullaire en IRM et plus de 50 % avaient des bandes oligoclonales dans le LCR.

Au niveau du réseau lorrain – LORSEP –, nous avons recensé 359 personnes atteintes de SEP d'emblée progressive. Ces patients ont été suivis en moyenne 13,6 ± 8,4 ans. Parmi ces 359 patients, 207 (58 %) étaient des femmes, alors que les femmes représentent 74 % des patients ayant une SEP rémittente (p < 0,0001). L'âge médian au moment de l'apparition de la SEP avec un début progressif est de 41,7 ans. On peut dire qu'un quart des patients commencent cette forme particulière de SEP avant 35 ans et un autre quart après 50 ans.

En termes d'invalidité, cinq ans après les premiers symptômes, 25 % des patients ont déjà besoin d'une canne à la marche. Après quinze ans d'évolution, 75 % ont ce besoin. Concernant l'utilisation du fauteuil roulant, 25 % ont en besoin après dix ans de maladie et 75 % après vingt-cinq ans.

L'invalidité progresse de la même façon quel que soit le sexe. Les deux formes de SEP diffèrent par le sex-ratio. L'influence du sexe sur l'invalidité chez les patients atteints de SEP rémittente est connue plutôt en défaveur des hommes. En revanche, cette influence n'existe pas au cours des formes progressives d'emblée. Cela peut permettre d'envisager des pistes de recherche.

Nous n'avons pas identifié de signes prédictifs de l'invalidité chez ces patients atteints de SEP d'emblée progressive. Le sexe, l'âge au moment de l'apparition de la maladie ou la présentation clinique des premiers symptômes n'ont pas influé de façon significative sur les délais d'apparition des différents niveaux de handicap.

À ce jour, il n'y a pas de traitements de fond réputés efficaces pour la SEP d'emblée progressive. Les besoins en essais thérapeutiques sont majeurs. Il convient de mettre en place de concert de larges études prospectives de suivi de cohorte de cette forme particulière de SEP afin de mieux préciser les critères diagnostiques et l'évolution de la maladie puisque les critères actuels semblent trop restrictifs.

* Service de neurologie, CHU de Nancy ; réseau LORSEP.

DEBOUVERIE Marc

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8385