DEPUIS L'ARRIVÉE des trithérapies et l'allongement de la durée de vie des patients infectés par le VIH, la morbidité et la mortalité liées aux hépatites n'ont cessé de croître. Les maladies hépatiques sont devenues la première cause de décès chez les patients séropositifs, avec une surmortalité plus grande en cas de coïnfection avec le VHC ou le VHB. Les données épidémiologiques, encore parcellaires, mettent en évidence une tendance à l'augmentation des doubles infections VIH-VHC et/ou VHB. L'enquête « un jour donné », publiée en juin dernier dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire », a estimé la prévalence du virus de l'hépatite C à près de 25 %, et celle du VHB à 7 %, avec une réplication active (ARN-VHC) respectivement de plus de 69 et 48 %. Très peu d'études existent cependant sur le nombre de nouveaux cas en France. Le passage à la chronicité demeure un risque majeur : 95 % des patients infectés par le VHC ; 25 % des pour le VHB.
Or les données convergent pour dire que, par rapport à une mono-infection par VHC, l'évolution vers une cirrhose est plus rapide : un délai raccourci de neuf ans et un risque de décès multiplié par 11 du fait d'une décompensation par insuffisance hépatique, d'une hémorragie par rupture des varices œsophagiennes ou d'un carcinome hépatocellulaire.
Un problème émergent.
Si le dépistage des infections à VHC et VHB demeure essentiel chez les patients VIH+, « la prise en charge de la fibrose est aujourd'hui un problème émergent de plus en plus important », explique le Dr Marc Bourlière, président du comité scientifique du groupe « Action coordonnée 24 », en charge à l'Anrs des protocoles de recherche, désormais ciblés sur les coïnfections. La première réunion du groupe d'experts a tenté de faire le point, en présence des représentants associatifs et du nouveau directeur de l'agence, le Pr Jean-François Delfraissy. « En ce qui concerne les coïnfections, nous avons clairement des progrès à faire », a affirmé ce dernier. Soulignant le déficit de prise en charge des patients, eu égard aux recommandations, il poursuit : « La recherche clinique sur le VIH qui a fait ses preuves, doit être renforcée dans le cas des hépatites. Ce sera une des priorités de l'agence dans les mois qui viennent. » Les patients en prennent acte, eux qui ont eu l'impression d'être un peu les laisser-pour-compte. Longtemps, il se sont entendu dire : « L'hépatite, c'est pas grave. L'accélération de la cirrhose n'était pas prévue », souligne Gérald Sanchez, un militant associatif qui, depuis sept ans, a une activité de médiateur et de counselling auprès des patients coinfectés.
La situation ne fera qu'empirer si l'on ne fait rien, avec, selon les projections, 5 000 décès en 2025. « Il faut vacciner plus, dépister plus et traiter plus. Tous les moyens sont là pour le faire, avant que ne surviennent les complications », martèle le Dr Thierry Poignard (hôpital Salpêtrière, Paris).
L'atteinte par le VHC demeure longtemps asymptomatique et la maladie est souvent découverte au décours d'une complication, presque exclusivement au stade de cirrhose. « Le dépistage de la fibrose » est une étape essentielle de la prévention. Plusieurs tests, aujourd'hui disponibles ou en cours de validation, remettent en cause le rôle de la biopsie hépatique (BHP) comme examen de référence. « La biopsie est un examen invasif, fréquemment redouté par les malades infectés par le VHC qui, longtemps, sont asymptomatiques. La maladie se révèle souvent au moment des complications », note le Dr Laurent Castéra (Bordeaux). Le diagnostic de fibrose repose sur l'examen clinique : splénomégalie, érythrose palmaire, angiomes stellaires, circulation veineuse collatérale. L'hépatomégalie dure est un bon indice, mais elle est rarement présente.
Fibrotest et Fibroscan.
Les examens complémentaires ont une bonne valeur prédictive négative, mais ne suffisent pas pour le diagnostic : rapport Asat/alat, le taux de prothrombine, le taux de plaquettes et l'acide hyaluronique. Deux examens, le Fibroscan cinq marqueurs dans le sang), apparaissent comme très prometteurs. Le premier se pratique en cinq minutes au lit du patient, est indolore et permet un résultat immédiat. « On se dirige vers un combinaison des deux examens non invasifs qui pourront être répétés pour suivre la dynamique des lésions. La PBH devrait être réservée aux situations de doute diagnostic. »
La prise en charge d'une cirrhose implique le dépistage des varices œsophagiennes (fibroscopie) et leur traitement (bétabloquants, ligature endoscopique) et, surtout, la lutte contre les cofacteur : alcool et surpoids, notamment. L'alcool demeure lune des premières causes de cirrhose en France dans la population générale (65 % des causes de cirrhoses).
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