PRATIQUE
I. LE POINT DE VUE DE L'ORTHODONTISTE
Détecter les succions « nécessité »
Le protocole que nous suivons depuis plus de vingt cinq ans nous semble apte à faciliter le sevrage dans les cas de succion habitude et de détecter rapidement les succions « nécessité ».
En effet, le simple fait de changer les sensations intrabuccales avec un appareillage, le plus simple possible, complètement invisible, permet, sans avoir besoin d'en parler, de supprimer les succions « habitudes ». Tout se passe comme si l'on avait, en modifiant le message afférent, déconnecté le programme « succion du pouce ». En revanche, dans un peu moins de 5 % des cas, les enfants continuent à sucer le doigt, soit avec l'appareil, soit en l'enlevant. Il s'agit alors d'un symptôme qu'il ne faut pas occulter.
La succion avec l'appareil est significative
Le problème n'est pas forcément grave, mais la persistance de la succion avec l'appareil est « significative ». Il faut alors faire appel au psychologue ou au pédopsychiatre pour approfondir le problème dans un domaine qui n'est plus celui de l'orthodontie ou de la stomatologie.
Cette approche, nous semble plus simple pour l'enfant que les protocoles comportementaux qui demandent à la fois des promesses écrites de renoncement aux habitudes de succion et la tenue d'une grille d'évaluation avec soleil ou nuage, selon les résultats obtenus quotidiennement. En cas de succès, on aura demandé à l'enfant de gros efforts et en cas d'échec un sentiment de dévalorisation et de culpabilisation risque de s'ajouter.
Les postures linguales
Ce protocole sera mis en place plus ou moins précocement en fonction des déformations osseuses et dentaires entraînées par cette habitude.
Ce n'est en réalité pas le fait de sucer le pouce qui déforme les arcades dentaires, mais beaucoup plus les postures linguales qui y sont associées. Si par chance, la posture linguale est physiologique, on ne notera aucune ou peu de déformations.
Dans ces cas, on surveillera l'enfant pendant quelques semaines ou mois en essayant de lui faire comprendre la nécessité d'arrêter son habitude s'il veut « grandir dans sa tête », après s'être assuré par l'interrogatoire des parents que les prises de biberons ont complètement disparu.
Le cas du biberon « le soir pour s'endormir »
Cette question est loin d'être superflue, il arrive plusieurs fois par semaine que des mamans à qui l'on demande si l'enfant prend encore des biberons répondent « non, juste un le soir pour s'endormir ».
En cas de persistance du symptôme, le protocole sera mis en place.
Mais dans les cas où les arcades dentaires sont très déformées, on aura recours à la pose d'un appareillage, même en denture lactéale, pour redonner à la langue un environnement physiologique qui permet à la fois le sevrage et facilite les exercices de « rééducation de la posture linguale », qui sont systématiquement associés.
Cette prise en charge précoce permettra de réduire la durée, voire d'éviter un traitement orthodontique plus classique à l'adolescence.
II. LE POINT DE VUE DU PSYCHOLOGUE
Pourquoi ?
C'est lorsque les habitudes de succion n'ont pas disparu après la pose d'un appareil dentaire que nous voyons ces enfants avec, comme principale question : pourquoi suce-t-il encore son pouce ? Faut-il continuer la prise en charge orthodontique ou l'interrompre ?
Le maintien de la succion doit faire l'objet d'une analyse dans la mesure où chaque enfant n'a pas le même attachement au symptôme et que l'étiologie de ce dernier diffère d'un jeune patient à l'autre.
Trois possibilités de suivi
Trois possibilités de suivi peuvent être proposées :
- soit l'enfant en cours de maturation, dans une dynamique plus lente au regard de son âge, est capable d'un abandon du processus de succion. Un suivi psychologique d'accompagnement peut l'aider à aboutir à un sevrage définitif. Le soutien psychologique a alors deux fonctions : repérer les difficultés lors du traitement orthodontique, et y remédier afin d éviter une souffrance inutile chez l'enfant ; mener à terme le sevrage tout en maintenant le traitement orthodontique ;
- soit il ne s'agit pas d'un dysfonctionnement mais d'une immaturité psychologique. Il ne faut pas entraver le bon fonctionnement de la structuration psychodynamique de l'enfant ; le sevrage se fera naturellement et la pose de l'appareil doit être suspendue jusqu'à ce que la maturation affective soit atteinte. Un laps de temps de quelques mois est alors nécessaire et un accompagnement par le psychologue en général très fructueux ;
- soit la pathologie psychologique est plus lourde, et une approche psychothérapeutique doit se substituer à l'arrêt momentané de la prise en charge orthodontique. Dans ces cas, l'appareillage est relégué au second plan. Il faut prendre en considération l'angoisse du jeune patient soulignée lors des consultations orthodontiques et savoir repérer que ces dernières sont le lieu des manifestations de la pathologie ancienne et structurée de l'enfant. Aucun lien ne peut être fait entre la prise en charge orthodontique et la pathologie elle-même car ce n'est pas l'appareil à proprement parler qui la déclenche. Toutefois, la sphère orale est souvent le catalyseur des symptômes pour les structures à grande vulnérabilité. Un enfant qui montre des signes d'angoisse au moment de l'évocation de la pose d'un appareil dentaire est toujours à prendre en considération psychologiquement. Ces enfants doivent cesser d'être appareillés à ce moment-là et régler leurs difficultés avant tout autre investigation du praticien. Pour eux, des techniques orthodontiques plus classiques peuvent être proposées aux parents telles que les multibagues à un âge plus avancé.
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