Plus généreux que prévu : finalement ce sont six instituts hospitalo-universitaires (IHU) qui ont été créés plutôt que cinq, à qui l’on a accordé 850 millions et non 750 millions comme il était prévu dans un premier temps. Cerise sur le gâteau : six autres projets, qui n’ont pas été sélectionnés mais qui, de l’avis du jury, présentent un intérêt certain, se verront allouer, en tout, la somme de 35 millions d’euros. Au final, 19 projets ont été reçus, répondant aux critères de sélection, dont le principal est d’allier l’enseignement, le soin et la recherche. Autre facteur de sélection : attirer les investissements privés. Ainsi, Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avouait en conférence de presse que « Sanofi, Siemens Healthcare, Merieux » avaient témoigné des marques d’intérêt pour ces projets. Le docteur Jacques Marescaux, dont le projet portant sur la chirurgie micro-invasive guidée par l’image était plus précis : « Notre projet bénéficie de l’aide de Siemens Healthcare et les industriels, de manière générale, nous ont accordé 80 millions d’euros. » Décloisonnement, tel semble être la philosophie générale des IHU, comme l’a résumé Xavier Bertrand, ministre de la Santé. Décloisonnement entre le soin, l’enseignement et la recherche, mais aussi entre les secteurs privé et public. Décloisonnement dans les modes de financement également : si le ministère annonce l’allocation de 850 millions d’euros, il faut ajouter que 80 % de cette somme est non consomptible et sera placée par le Trésor, pour générer des revenus. Seuls 170 millions d’euros financeront directement les IHU sélectionnés, complétés par la suite par les intérêts générés par le solde des 850 millions. Au total, les six IHU représentent un investissement de 349 millions d’euros, la moitié devant être générée par des intérêts (exergue). En revanche, le gouvernement ne dit pas à quelle fin sera utilisé in fine le capital de départ générant ces intérêts, soit 680 millions d’euros…
Tout sur la santé publique ?
Autre logique, auxquels répondent ces IHU : ils s’inscrivent pour la plupart d’entre eux dans les politiques de santé publique qui ont la « cote ». Ainsi, l’un des projets devrait en partie porter sur l’obésité, priorité de santé publique de l’Élysée, quand un autre IHU tentera de percer les secrets de la maladie d’Alzheimer, autre marotte du Château. Il est à noter, enfin, que trois IHU sur six sont situés à Paris, dont deux sont portés en partie par La Pitié Salpêtrière. Les autres IHU sont à Marseille, Strasbourg et Bordeaux. Les trois premiers IHU sont Imagine (institut des maladies génétiques) d’Alain Fisher, Mix-Surg (institut de chirurgie micro-invasive guidée par l’image) de Jacques Marescaux, Polmit (maladies infectieuses) de Didier Raoult.
Imagine est porté par l’université René-Descartes, l’Inserm, le Chu Necker (AP-HP). Il reçoit un financement global de 64 260 000 euros. « L’objectif principal de ce projet est d’accélérer significativement l’acquisition des connaissances sur les maladies rares en réunissant 800 scientifiques, médecins, soignants. » Quatre axes seront privilégiés : le développement de cohortes exceptionnelles, l’augmentation des études génomiques, le développement de nouveaux outils diagnostiques, et le développement de thérapies innovantes.
MIX-Surg est un IHU de l’université de Strasbourg, de l’Inserm et du CHU de Strasbourg, qui a reçu 67 300 000 euros. Son but : développer la chirurgie micro-invasive guidée par l’image, « s’appuyant sur des compétences interdisciplinaires ». Il s’agit d’installer 17 blocs opératoires mixtes dédiés au soin, à la recherche, et à la formation. « Nous comptons créer 2 000 emplois. Nous bénéficions de l’appui des industriels, mais aussi des collectivités locales. »
À Marseille, c’est l’IHU Polmit qui a été primé. Il reçoit 72 300 000 euros. Il est porté par l’Université de la Méditerranée, l’Inserm, le Chu de la Timone (AP-HM). « Polmit permettra la prise en charge de patients infectés et éventuellement extrêmement contagieux avec 90 chambres répondant à des normes spécifiques (NSB3), une unité de réanimation, des laboratoires. L’institut s'articulera autour de huit plateformes technologiques. » « Depuis dix ans, nous connaissons dix fois plus de microbes qui s’attaquent à l’homme. Nous ne savons plus lutter contre les contagions face aux multirésistances, nous sommes démunis sur le plan thérapeutique », commente Didier Raoult, porteur du projet. Trois autres IHU arrivent dans un second lot. Il s’agit de Liryc, doté de 45 000 000 euros, porté par l’université de Bordeaux, l’Inserm et le CHU de Bordeaux. « L’Institut de rythmologie et de modélisation cardiaque (LIRYC) permettra de développer un programme multidisciplinaire de recherche, de formation, de soins et de transfert unique au monde, associant un large éventail de compétences afin de comprendre, identifier et traiter les troubles du rythme cardiaque qui sont une des premières cause de décès. » « La mortalité cardiaque est due à deux causes : l’insuffisance cardiaque ou la mort subite. En modifiant l’activité électrique du cœur, on peut jouer sur ces deux causes. Concernant la mort subite, nous avons mis en évidence que des cellules en étaient responsables, des peptides en particulier. Nous pouvons agir sur la mort subite en agissant sur ces cellules », explique Michel Haïssaguerre, qui a conçu ce projet.
La Pitié Salpêtrière est primé une deuxième fois, avec l’IHU Ican, et l’IHU-A-ICM. Ican, qui reçoit 45 000 000 euros, est un institut de cardiologie-métabolisme-nutrition, conduit par Karine Clément. « Ican a pour but de créer un institut international pour la recherche et les soins médicaux dans les maladies cardio-métaboliques (diabète, insuffisances cardiaques, obésité…), fondé sur les forces et expertises scientifiques et médicales des unités de recherche et des équipes médicales de l’université Pierre-et-Marie-Curie et de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. » « A-ICM rassemble une masse critique de compétences de recherche, de formation et de soin dans le domaine des maladies du système nerveux, pour comprendre leur mécanisme et développer des outils de diagnostic, de prévention et de traitement : maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, sclérose en plaques, crises d’épilepsie… »
Six projets repêchés
En marge de ces six IHU, six autres projets ont été repêchés, qui recevront au total la somme de 35 millions d’euros. Il s’agit de l’IHU Cancer, piloté par Alexander Eggermont, de l’institut Gustave-Roussy (Paris), de l’institut Saint-Louis de François-Sigaux (hôpital Saint-Louis, Paris), le projet Cesame de François Mauguiere à Lyon portant sur le cerveau et la santé mentale, Opera de Michel Ovize (Lyon), sur la protection et le remplacement des organes, TSI-IHU de Jean-Paul Soulillou (Nantes) sur les sciences de la transplantation et d’immunothérapie, et HandiMedEx de Frédéric Lofaso (Hôpital Raymond-Poincaré, Garches) sur le handicap.
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