Parce que la fréquence de l'affection a été considérablement réduite, parce que sa prévention a considérablement progressé, l'ictère du nouveau-né risque d'être de moins en moins bien pris en charge. L'information est parue dans le « Bulletin de l'Académie de médecine ». Le Pr Georges David, qui signe le rapport, fonde ses propos non pas tant sur des données épidémiologiques recueillies en France que sur les données américaines. De fait, les conditions ayant favorisé, outre-Atlantique, le retour de l'ictère nucléaire (encéphalopathie bilirubinique), complication dramatique de l'ictère néonatal, se trouvent réunies en France. Aussi l'Académie de médecine fait-elle trois recommandations pour éviter d'aboutir à une situation similaire de ce côté-ci de l'Atlantique.
Afin de mieux comprendre la position de l'institution, il est nécessaire de préciser les circonstances de réémergence de l'affection aux Etats-Unis (90 ictères nucléaires recensés sur huit ans).
Le Pr David rappelle qu'autrefois l'ictère néonatal dramatique était le plus souvent une complication de l'hémolyse massive néonatale entraînée par une immunisation foeto-maternelle rhésus. Une bilirubinémie critique de 200 mg/l (ou 340 µmol/l) déclenchant la mise en oeuvre d'un traitement préventif (autrefois exsanguino-transfusion, photothérapie actuellement). La prévention par immunoglobulines anti-Rhésus D a raréfié cette pathologie. Ce progrès a entraîné un relâchement de la vigilance des médecins aux Etats-Unis et le seuil des 200 mg/l a été remis en cause. Voilà pour le premier facteur.
Bilirubinométrie transcutanée
Mais, rappelle le rapporteur de l'Académie de médecine, l'ictère du nouveau-né demeure une manifestation banale. Et, deuxième facteur, son évaluation est devenue, toujours aux Etats-Unis, davantage visuelle que solidement chiffrée par une bilirubinométrie transcutanée ou sanguine.
Enfin, et surtout, les mamans américaines quittent le milieu hospitalier au 2e ou 3e jour, alors que l'ictère dit physiologique est encore évolutif. C'est dire que la surveillance est moins bien assurée.
La France court-elle un risque similaire ? « Cette question mérite d'autant plus d'être posée, déclare Georges David , que l'on assiste également dans notre pays à une diminution de la durée d'hospitalisation après accouchement. » Alors que les jeunes mamans restaient hospitalisées pendant six ou sept jours, les séjours sont passés, en 2001, à 4,6 jours dans le secteur publique et 5,1 jours dans le privé. En région parisienne, la durée se généralise actuellement à trois, voire deux jours.
Ce contexte étant précisé, les recommandations de l'Académie de médecine prennent tout leur sens.
En premier lieu, l'ictère nucléaire n'est pas limité aux cas d'immunisation fto-maternelle, il concerne tous les nouveau-nés. L'ictère néonatal nécessite une surveillance continue de l'évolution de la bilirubinémie tout au long de la première semaine de vie. Devant les sorties de maternité de plus en plus précoces, il convient d'assurer la continuité de la surveillance du nouveau-né au-delà de la sortie, surtout en cas de retour au domicile. L'évaluation de l'ictère nécessite le recours à la bilirubinométrie transcutanée (facile et non traumatisante). Maternités, centres périnatals et équipes de surveillance à domicile devraient disposer de cet appareil. En cas de forte élévation de la bilirubine, le recours au dosage sanguin doit rester possible. « Au-delà d'un seuil dépendant de l'âge, du poids de l'enfant et de l'évolution de la courbe de bilirubine, une photothérapie doit être mise en uvre... Il convient toutefois, à la lumière des données récentes, de revoir les seuils recommandés au plan national, qui, en raison de la raréfaction des cas de maladie hémolytique, ont tendu à une tolérance parfois excessive », précise le rapport.
Un recueil national
En deuxième lieu, l'Académie estime que le carnet de santé devrait comporter des informations sur l'évolution de la bilirubinémie et d'une éventuelle photothérapie. Par ailleurs, un recueil national des cas d'ictères nucléaires et de bilirubinémie intenses devrait être mis en place. Son exploitation épidémiologique permettait d'établir des niveaux de risque d'ictère nucléaire en fonction des taux sanguins de bilirubine ainsi que d'apprécier leurs conséquences.
Enfin, devant le raccourcissement des hospitalisations postnatales, qui risque d'influer sur le suivi des bébés, des informations sur la prévention et la surveillance des ictères intenses devraient être diffusées auprès des professionnels de santé concernés. Essentiellement les équipes impliquées dans l'hospitalisation à domicile des suites de couches.
« Bulletin de l'Académie nationale de médecine », n° 6, 187, 2003, séance du 1er juillet 2003.
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