L’excellente collection « Jazz Icônes » (Abeille Musique) pourrait être l’équivalent en DVD de « La Pléiade » pour le livre ou du label américain « Mosaic » pour les rééditions et intégrales en CD. Pour sa troisième (et dernière ?) livraison, « Jazz Icônes », dont les livrets (24 pages) sont toujours très bien documentés, illustrés et complets, propose une nouvelle fois des jazzmen captés « live » -essentiellement en Europe- durant les années 1950/1960, c’est-à-dire au temps de l’âge d’or du jazz.
Sept icônes donc, dont une seule est encore vivante : Sonny Rollins. Ce monument du saxophone-ténor, âgé aujourd’hui de 78 ans, a été filmé au Danemark en 1965 -en trio avec le contrebassiste Niels-Henning Orsted Pedersen (NHOP)- et en 1968 en quartette, avec des Américains expatriés au Danemark. Du très grand Rollins, filmé à la hauteur de sa stature.
Parmi les autres perles, le multi-instrumentiste Rahsaan Roland Kirk (1936-1977). Souffleur rare -il pratiquait en même temps, les saxophones, les flûtes et divers instruments comme le manzello- par la densité et la puissance de son jeu, il est ici filmé à trois reprises, en Belgique (1963), Hollande (1963) et Norvège (1967), avec notamment Daniel Humair (batterie). Pour l’histoire…
Autre grand moment, celui consacré au sextette de Julian « Cannonball » Adderley (1928-1975). L’immense altiste, accompagné notamment de son frère Nat (trompette), de Yusef Lateef (ténor, flûte, hautbois) et d’une rythmique conduite par un Joe Zawinul (piano) méconnaissable, a été capté en direct en Suisse et en Allemagne (1963) et ce DVD nous rappelle qu’il fut l’un des altistes les plus passionnants et respectés des années post-bop.
Dans la même veine, il est intéressant de redécouvrir un jeune, vibrant et fringant Lionel Hampton, au vibraphone en 1958 en Belgique, à la tête d’une grande formation entièrement dévouée au jeu dynamique et explosif du leader et au swing intense qui s’en dégage. Tout comme la chanteuse et pianiste, engagée dans la lutte pour les droits de l’homme (et de la femme !), Nina Simone, enregistrée en Hollande (1965) et en Grande-Bretagne (1968), à la tête de son quintette.
Restent deux géants du piano moderne. D’un côté, le majestueux et somptueux Bill Evans, inspirateur des nouvelles générations de pianistes depuis au moins quatre décennies, et de l’autre, l’impressionnant et magistral Oscar Peterson, qui nous a quittés, il y a un an, à la veille de Noël. Le premier a été filmé en Suède (1964 & 1970), France (1965) et Danemark (1970 & 1975), à la tête de trois trios différents -Chuck Israel (basse)/Larry Bunker (batterie), Eddie Gomez (basse)/Marty Morrell (batterie) et Eddie Gomez/Eliot Zigmund (batterie)- et d’un quartette, avec l’altiste Lee Konitz. Onze ans pour apprécier l’évolution et la contribution d’un gigantesque pianiste au jazz moderne. Quant à Peterson, et sa formation, elle comprend, outre ses fidèles accompagnateurs (Ray Brown, contrebasse, et Ed Thigpen, batterie), les trompettistes Roy Eldridge et Clark Terry, pour de grands instants enregistrés à la télévision en Suède (1963), Danemark (1964) et Finlande (1965). Un répertoire classique pour de beaux moments du jazz.
« Live In Japan 93/96 » (ECM/Universal), le double DVD du Trio du pianiste Keith Jarrett -avec Gary Peacock et Jack Dejohnette- qui a fêté ses vingt-cinq ans d’existence en 2008, regroupe deux concerts donnés au Japon et resté inédits jusqu’ici, hors du pays du Soleil levant. Le premier date de 1933, le second de 1996 et correspond au CD déjà paru, « Tokyo 96 » (ECM/Universal). Tous deux abordent des pans entiers et le répertoire de l’histoire du jazz à travers des standards -de « Basin Street Blues » à « Autumn Leaves » en passant par « Oleo » ou « My Funny Valentine »- et des compositions personnelles, qui font la référence de ce trio depuis les débuts de son existence. Si tout a été dit sur la personnalité du leader, considéré par beaucoup (trop ?) comme un em…, pourquoi ne pas s’en tenir à ses traits de génie et son extraordinaire jeu pianistique, maintes fois approché, jamais égalé ? D’ailleurs, qui aurait osé déranger auparavant un génie dans sa création ?
... et en coffrets de CD
Les coffrets de la série «Brilliant Jazz » (Abeille Musique), qui maîtrise les coûts en faisant très sobre (pas de livret), ont toutefois le mérite de proposer en dix CD, de grands moments de musique dédiés à des étoiles du jazz moderne. Après un coffret consacré à Django Reinhardt (« Quotidien du Médecin » du 8 décembre), d’autres viennent de s’ajouter pour les collectionneurs et amateurs.
Parmi ceux-ci « Kind of Blakey » du batteur Art Blakey (1919-1990), qui propose des enregistrements réalisés au Birdland de New York (1954 - avec Clifford Brown, trompette), la rencontre avec le latin jazz (1955-1957) ou Horace Silver (piano - 1953-1955), ainsi que diverses séances historiques du hard-bop.
Trois autres jazzmen légendaires figurent également sous l’appellation « Kind of… » : Charlie Parker (1920-1955), pour des enregistrements datant entre 1940 et 1950, dont certains au Birdland ou avec Miles Davis, alors que l’ »Oiseau » de l’alto était à son apogée créative ; Chet Baker (1929-1988), que l’on retrouve essentiellement à Los Angeles entre 1952 et 1956 -avec notamment Art Pepper (saxe-alto), Gerry Mulligan (saxe-baryton) et autres héros du jazz West Coast- ou en Italie en 1956 avec le ténor français, Jean-Louis Chautemps ; et enfin, Stan Getz (1927-1991), capté entre 1946 et 1957 dans divers lieux aux Etats-Unis (NYC, Hollywood, L.A.) avec des sidemen comme Oscar Peterson, J.J. Johnson (trombone), Gerry Mulligan, Max Roach, Roy Haynes et Hank Jones.
La chanson aussi
Le producteur Jacques Canetti (1909-1997) fut un incroyable découvreur de talents et à l’origine de la carrière de certaines des figures majeures et incontournables de la chanson française éternelle. De Georges Brassens à Serge Gainsbourg en passant par Boris Vian, Jacques Brel, Guy Béart, Serge Reggiani, Jeanne Moreau, Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Charles Trénet, Edith Piaf, dont il produit les premiers disques, et tant d’autres, tout ce qui faisait le meilleur des auteurs/compositeurs et interprètes, voire humoristes (Pierre Dac, Francis Blanche), musiciens (Michel Legrand) et jazzmen (il fut le premier à faire venir en France, Louis Armstrong et Duke Ellington), ont un jour croisé son chemin.
Le superbe coffret collector « Mes 50 ans e chansons » (coffret de 4 Cd et 1 DVD, 29 euros) regroupe ainsi dans un « best of » -et un DVD inédit d’un film tourné en 1960 avec Brel, Béart, Brassens et Jean-Pierre Chabrol- plus de 60 artistes légendaires qui ont fait la réputation et la destinée d’un homme au service de la musique. Indispensable.
›DIDIER PENNEQUIN
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