Points communs
Les étiologies et le type de prise en charge proposé sont conditionnés par le terme de survenue de l'hémorragie en distinguant les hémorragies du premier trimestre et celles des 2e et 3e trimestres. Cependant, elles répondent à plusieurs points communs :
1) Etablir le pronostic de cette hémorragie
Au premier trimestre : la mère est notre « seule » préoccupation avec la recherche de signes de choc hémorragique qui, lorsqu'ils sont présents, imposent une prise en charge hospitalière urgente.
Aux deuxième et troisième trimestres : l'évaluation de la vitalité foetale vient s'ajouter à celle de la mère : présence ou non des mouvements actifs foetaux, auscultation cardiaque fœtale, rythme cardiaque fœtal (RCF).
2) La deuxième étape est celle du diagnostic positif
Localiser le saignement permet une première orientation étiologique, cela se fait par un geste simple : l'examen au spéculum.
- D'origine cervicale, il est le plus souvent d'origine bénigne en rapport avec un col remanié, hyperhémié avec ectropion exubérant et décidualisé. L'abstention est la règle, tout au plus quelques ovules antiseptiques. Le polype cervical est parfois rencontré.
Découvrir un cancer du col bourgeonnant et/ou ulcéré est exceptionnel et facilement évoqué lors de l'examen au spéculum.
C'est l'occasion de redire que la grossesse est pour certaines femmes, le seul moment permettant de réaliser un dépistage du cancer du col. Un frottis cervical devra alors leur être proposé (de préférence en début de grossesse).
Au troisième trimestre, il faudra savoir reconnaître l'expulsion d'un bouchon muqueux où il s'agit plus de glaires teintées sanguinolentes que de sang.
- D'origine endocavitaire, on rentre dans le groupe des métrorragies, les plus inquiétantes, avec des étiologies et une prise en charge propres au terme de survenue.
3) La troisième étape est celle du diagnostic étiologique devant des métrorragies. Elle passe par un examen clé : l'échographie.
Métrorragies du premier trimestre
Les causes sont multiples.
Deux d'entre elles sont redoutées : la grossesse extra-utérine (GEU)... par le médecin, et la fausse couche spontanée (FCS)... par la mère.
Eliminer une GEU reste la priorité. Il faut toujours y penser.
Le plus souvent la prise en charge sera ambulatoire.
L'échographie pelvienne est la plaque tournante de la conduite à tenir, véritable complément de l'examen clinique :
- L'utérus est vide ou présente une petite image : GEU (1,5 à 2 % des grossesses) et avortement précoce (environ 15 % des grossesses) sont les diagnostics possibles.
En l'absence de symptomatologie d'urgence il faut temporiser quelques jours et recommencer HCG et échographie (cf article du « Quotidien » du 27.02.2004).
- La grossesse est dans l'utérus :
* évolutive avec présence d'une activité cardiaque.
Elle a saigné du fait d'un décollement trophoblastique : cause la plus fréquente (20 à 25 % des grossesses saignent au premier trimestre) avec 50 % d'évolution favorable et 50 % d'évolution défavorable vers la fausse couche.
Il peut s'agir, plus rarement, de la lyse d'un œuf jumeau.
Seul le repos est parfois prescrit... pour ne pas avoir de regret.
Avec, parfois, de la progestérone dans un contexte d'assistance médicale à la procréation ou d'antécédents d'avortements (Utrogestan, ...).
* non évolutive.
Il s'agit d'un avortement spontané.
Abstention avant expulsion spontanée, traitement médical par utérotonique type Methergin ou Cytotec ou encore aspiration sont les trois possibilités s'offrant à la patiente.
* La grossesse est môlaire.
Accompagnée d'un syndrome toxique clinique (vomissements marqués, HTA, hyperthyroïdie), l'échographie signe le diagnostic avec la classique image en « tempête de neige » formée par la dégénérescence kystique des villosités placentaires.
Aspiration et surveillance d'HCG jusqu'à négativation sont de mise pour dépister le risque de maladie trophoblastique persistante avec transformation choriocarcinomateuse [rare (10 %)].
Souvent il s'agit de saignements idiopathiques. Il faut rassurer la patiente avec tout au plus quelques jours de repos... dont l'efficacité n'est pas démontrée.
Enfin l'avortement provoqué n'a pas encore complètement disparu. Il faut savoir y penser.
Métrorragies des 2e et 3e trimestres
Urgence obstétricale, elles nécessitent une prise en charge hospitalière.
Après avoir vérifié la vitalité maternofœtale, l' échographie oriente sur l'origine du saignement qui peut être d'origine :
- placentaire : placenta praevia et hématome rétroplacentaire principalement ;
- non placentaire : rupture utérine et hémorragie déciduale par décollement des membranes ;
- indéterminée : 10 à 20 %.
Le toucher vaginal n'est pas souhaitable tant que la topographie placentaire n'est pas connue.
• Placenta praevia
Il est rencontré dans environ 5 % des grossesses au 3e trimestre. Seulement 0,5 % seront symptomatiques et responsables des complications.
La survenue d'une hémorragie de sang rouge sans douleur chez une multipare ou une femme aux antécédents de chirurgie endo-utérine nous y fera penser.
Le ventre est souple avec quelques CU (contractions utérines) et la vitalité fœtale bonne en général. L'échographie précise la localisation placentaire exacte (placenta recouvrant ou non) et guide la conduite à tenir.
Accidents hémorragiques à répétition, rupture des membranes et menace d'accouchements prématurés sont l'évolution possible.
Le choix entre accouchement immédiat et traitement conservateur sera fonction du terme et de la tolérance maternofœtale de l'hémorragie.
La naissance aura lieu dans la grande majorité des cas par césarienne.
• L'hématome rétroplacentaire
Il correspond au décollement d'un placenta normalement inséré, rencontré dans 0,25 % des grossesses en France.
Hémorragie de sang noir peu abondante avec douleur utérine en coup de poignard dans un contexte toxémique ou post-traumatique nous y font penser. L'utérus est dur comme du bois ; souvent les bruits du cœur du fœtus ne sont plus perçus dans cette forme complète classique (un tiers des cas environ). Les troubles de la coagulation conditionnent le pronostic maternel. Evacuer l'utérus reste une priorité en parallèle avec les mesures de réanimation maternelle.
Les formes modérées ne sont pas rares avec métrorragies isolées, douleurs atypiques, troubles de la contraction utérine (hypertonie) ou anomalies du RCF. Les possibilités de sauvetage fœtal avec césarienne en urgence sont possibles dans ces formes.
• La rupture utérine
Les formes survenant sur utérus cicatriciel sont les plus fréquentes. En cours de travail, elles sont du ressort de l'équipe obstétricale, mais il faut savoir y penser devant des métrorragies de fin de grossesse avec sensations douloureuses du « bas ventre » ; ce n'est peut-être encore qu'une prérupture.
Conclusion
Les saignements chez la femme enceinte répondent à des étiologies variées.
Au premier trimestre, le médecin traitant est souvent en première ligne : il faudra savoir diagnostiquer une GEU ou une grossesse arrêtée et rassurer dans les autres cas.
Au deuxième et surtout au troisième trimestre : c'est une urgence obstétricale qui impose une hospitalisation en milieu spécialisé dans les plus brefs délais.
A tout âge, l'angoisse sera toujours présente chez ces futures mères : il faudra savoir y faire face.
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