Sous le joli nom d'aquaporines, on désigne une famille de canaux transmembranaire, empruntés par l'eau, mise en mouvement par la pression osmotique. Onze aquaporines ont été identifiées chez les mammifères. Quatre d'entre elles sont exprimées dans les voies respiratoires, dans différents types cellulaires, avec des spécificités de distribution que l'on ne s'explique d'ailleurs pas, d'une espèce à une autre. Il est possible que ces différences de distribution des aquaporines entre le rat, la souris, ou l'homme, par exemple, aient une signification profonde. En attendant de pouvoir approfondir cet aspect, le premier problème est de préciser le rôle physiologique des aquaporines, en particulier de l'aquaporine 5, récemment mise en cause dans le syndrome de Gougerot-Sjögren (« le Quotidien » du 6 mars 2001). D'après les dernières observations américaines, l'aquaporine 5 serait en relation avec la réactivité bronchique, quoique de manière vraisemblablement indirecte.
Les Américains ont étudié des souris déficientes pour le gène codant la protéine. Le déficit en aquaporine n'est pas associé à l'apparition d'un œdème pulmonaire généralisé et ne semble, par ailleurs, pas perturber les échanges gazeux. La compliance pulmonaire, mesurée sous anesthésie et ventilation mécanique, n'était pas davantage affectée chez les animaux -/- par rapport aux animaux produisant normalement l'aquaporine 5. En revanche, la réponse constrictive à l'acétylcholine IV s'est révélée supérieure chez les animaux -/-. Ce résultat a été confirmé chez des animaux éveillés inhalant de la métacholine.
Une relation très surprenante
Cette relation entre un échange hydrique de la cellule et une réactivité bronchique est qualifiée de « très surprenante », dans un éditorial associé (Landon S. King, Baltimore). La contractilité du muscle lisse trachéal ne semble pas altérée chez les animaux délétés. Il faut donc envisager que des anomalies de l'homéostasie hydrique sont à l'origine d'une réactivité différenciée, ces anomalies ne pouvant être que locales, puisque la pesée des poumons frais et secs ne montre pas d'œdème généralisé. Certaines observations suggèrent une corégulation du transport d'eau et de solutés, comme le sodium - et le chlore, puisqu'une autre équipe rapporte, dans le même numéro des « Proceedings », une relation entre la localisation de l'aquaporine 5 dans les cellules épithéliales et l'activité de la protéine CFTR. Même en intégrant les ions dans le dispositif, la relation avec la réactivité bronchique reste toutefois non triviale.
Des mécanismes certainement discrets
Il est donc encore plus surprenant de constater que le gène codant l'aquaporine, porté par le chromosome 15 chez la souris et le chromosome 12 chez l'homme, est situé dans les deux cas dans des régions déjà signalées dans les deux espèces comme des locus de susceptibilité majeurs à l'hyperréactivité bronchique dans un cas, et à l'asthme dans l'autre. Alors que sa fonction n'est nullement suggestive, le gène codant l'aquaporine 5 se retrouve ainsi en situation de gène-candidat. On va sans doute vérifier rapidement son implication. Mais si cette implication s'avérait, il faudrait encore en expliquer les mécanismes, certainement complexes et très indirects.
C. M. Krane et al. Proceedings of the National Academy of Sciences, 20 novembre 2001, vol. 98, n° 24.
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