Souvent constatée, l'hétérogénéité des pratiques des médecins de ville, notamment dans leurs prescriptions, a rarement fait l'objet d'études approfondies sur ses causes.
Pourquoi y a-t-il d'importantes différences dans les modes de prise en charge des patients pour le même diagnostic ? Ces écarts correspondent-ils à des variations légitimes de pratiques professionnelles ou sont-ils révélateurs d'une certaine inefficience du système de soins ? A une époque où la pratique a tendance à être de plus en plus normalisée, ces questions peuvent paraître pertinentes.
C'est pour y répondre que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a confié au Centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES) une étude sur la variabilité des pratiques médicales des généralistes. L'hyperlipidémie, pathologie fréquente et traitée principalement - à 89 % - en médecine générale, a été choisie comme exemple. D'autant que la prescription dans ce cadre représente environ 18 % du chiffre d'affaires du marché du médicament cardio-vasculaire.
Le premier constat établi par l'étude menée sur 43 763 patients sur les années 1998 et 1999 est que les prescriptions sont, dans l'ensemble, conformes aux recommandations. La majorité des médicaments prescrits se répartit également entre les deux grandes classes d'hypolipidémiants : les fibrates (48 %) et les statines (45 %).
Les statines sont davantage prescrites en cas d'hypercholestérolémie (50 % des ordonnances) et leurs poids augmente au fil du temps. « Sur cette période, environ deux tiers des changements de traitement se font au profit des statines, en particulier des dernières statines arrivées sur le marché, dites statines de 3e génération », constate le CREDES.
Les fibrates sont davantage prescrits en cas d'hyperlipidémie mixte (55 %) et d'hypertriglycérimédie (59 %). Dans ce dernier cas, 13 % des ordonnances comportent cependant des statines, alors que ces molécules ne sont pas indiquées, mais cela ne concerne que 3 % des patients de l'échantillon. Quant à l'association de deux hypolipidémiants (qui n'est pas indiquée), elle est peu fréquente, puisqu'elle ne concerne que 1,2 % de l'ensemble des ordonnances.
Variation peu importante entre les médecins
Mais le plus intéressant, c'est que l'hétérogénéité de la prise en charge de cette pathologie est plus importante au sein de la même clientèle qu'entre les médecins. L'étude du CREDES montre qu'elle est deux fois et demie supérieure. « En d'autres termes, si la répartition entre statines et fibrates est proche d'un médecin à l'autre, il n'en est pas de même d'un patient à l'autre pour le même médecin. L'hypothèse de médecins "tout statines" ou "tout fibrates" est donc rejetée. Ce résultat est valable pour les trois types d'hyperlipidémie, et ne s'explique donc pas par la nature du diagnostic », explique le CREDES.
Ce sont les caractéristiques médicales du patient qui expliquent principalement la variabilité de la prise en charge : les écarts de pratiques sont relativement faibles lorsqu'il s'agit de patients hypercholestérolémiques, mais nettement plus élevés pour les patients ayant une hyperlipidémie mixte, ce qui semble médicalement justifié. « L'adaptation par le praticien du traitement à la spécificité médicale du patient semble donc prendre le pas sur un style de pratique uniforme », poursuit l'étude.
En effet, les caractéristiques non médicales de ces écarts, qu'il s'agisse du sexe du patient ou de sa catégorie socioprofessionnelle, sont, selon le CREDES, peu significatives. L'étude constate simplement que les médecins installés en groupe et ceux de moins de 40 ans sont plus prescripteurs de statines et que ces dernières sont moins prescrites dans le bassin parisien que dans d'autres régions. En outre, les effets de la promotion faite par les laboratoires pharmaceutiques n'ont pu être réellement mis en évidence. « Si le nombre de visiteurs médicaux n'a aucune influence sur la probabilité de prescription de statines, il a un effet positif sur la probabilité de prescrire des statines de 3e génération. Ce qui ne préjuge pas d'un réel progrès thérapeutique pour les patients », conclut le CREDES.
(1) Questions d'économie de la santé. N° 42, octobre 2001. CREDES.
Tableau des molécules prescrites selon le type d'hyperlipidémies (Thales-Credes)
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