LE SUJET de la santé mentale des détenus fait l'objet d'études régulières ; la dernière en date, rendue publique à l'occasion du colloque « Santé en prison » (« le Quotidien » du 8 décembre), frappera les esprits : sur les 998 personnes rencontrées par les Prs Bruno Falissard et Frédéric Rouillon, dans 23 établissements (799 hommes et 99 femmes en métropole ainsi que 100 hommes des départements d'outre-mer), pas moins de huit hommes sur dix et plus de sept femmes sur dix présentent en effet au moins un trouble psychiatrique. Une proportion très supérieure aux chiffres jusqu'ici publiés : l'étude sur l'état de santé des entrants en prison en 2003 signalait par exemple qu'à l'examen clinique les médecins avaient jugé que près de un détenu sur dix était atteint d'un problème de santé mentale. Une autre étude, conduite en 2001 par le Groupe français d'épidémiologie psychiatrique (Gfep), avait quant à elle évalué à 55 % la proportion des personnes incarcérées atteintes d'au moins un trouble psychiatrique de gravité plus ou moins importante.
Les troubles anxieux plus fréquents.
Menée sous l'égide de la Direction générale de la Santé et de l'administration pénitentiaire, l'étude Falissard-Rouillon constate que les troubles anxieux sont les plus fréquents (56 % des hommes détenus en métropole et 43 % des hommes détenus dans les DOM en présentent au moins un, 54 % des femmes). Viennent ensuite les troubles de l'humeur (47 % des hommes hors DOM, 30 % dans les DOM, 51 % des femmes).
Les enquêteurs considèrent que de 35 à 42 % des détenus sont « manifestement malades ou gravement malades, ou parmi les patients les plus malades ». Un quart des détenus de métropole, homme ou femme, présenteraient un trouble psychotique, contre 10 % dans les DOM ; 38 % des détenus incarcérés depuis moins de six mois souffrent d'une dépendance aux substances illicites et 30 % d'une dépendance à l'alcool.
Le risque suicidaire est signalé chez 40 % des hommes détenus en métropole et dans les DOM et 62 % des femmes incarcérées. Ce risque suicidaire est décrit comme élevé chez presque la moitié des personnes chez lesquelles il est repéré.
L'enquête fournit encore une moisson d'informations sur les antécédents, hors univers carcéral, des personnes étudiées : ils sont qualifiés de « relativement lourds », puisqu'un homme détenu en maison d'arrêt sur deux a déjà été incarcéré par le passé, la proportion étant plus faible chez les femmes (un quart). Avant l'âge de 18 ans, un quart des hommes détenus et un cinquième des femmes ont été suivis par un juge pour enfant et un détenu sur cinq a fait l'objet d'une mesure de placement en foyer ou en famille d'accueil, quelle que soit la population étudiée.
Toutes ces personnes présentent de « lourds antécédents personnels et familiaux », qu'il s'agisse d'enfants séparés d'un de leurs parents pendant plus de six mois, de décès d'un membre de leur famille proche, de maltraitances de nature physique, psychologique ou sexuelle, ou d'autres événements traumatisants. A noter que moins de la moitié des personnes victimes d'un abus sexuel dans l'enfance déclarent en avoir parlé précédemment. Cette population se caractérise également par une forte proportion de membres de la famille proche condamnés à une peine d'emprisonnement (un quart des détenus de métropole et plus de 40 % dans les DOM).
Sur le plan purement psychiatrique, avant leur incarcération, plus du tiers de ces personnes avaient déjà consulté un psychologue, un psychiatre ou un médecin généraliste pour un motif d'ordre psychiatrique. A l'issue de cette consultation, un suivi par un professionnel avait été instauré dans les trois quarts des cas.
Cette enquête n'aura pas seulement présenté un intérêt documentaire : après les 998 entretiens, plus de un détenu sur cinq (22 %) a fait l'objet d'une procédure de signalement auprès de l'équipe soignante de l'établissement.
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