Ironiquement, le meilleur de ce cru 2005 du Festival d'Aix-en-Provence, avant le « Cosi fan tutte » très décevant - non par le travail de Patrice Chéreau mais par son niveau musical quelconque - ainsi qu'un « Barbier de Séville » et une « Clémence de Titus » très décriés, aura été un spectacle coproduit avec le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles où il a été créé et les Wiener Festwochen.
Adapté de la pièce « Mademoiselle Julie » (1888) du Suédois August Strindberg par Marie-Louise Bishofberger et Luc Bondy, son metteur en scène, l'opéra « Julie », créé en mars dernier à Bruxelles, est un succès de plus à la série composée par le Belge Philippe Boesmans (né en 1936) après « Reigen » en 1993 d'après « La Ronde », de Schnitzler, et « Wintermärchen », d'après « le Conte d'hiver », de Shakespeare, en 1999, tous deux présentés au Châtelet. En résidence à La Monnaie-Opéra de Bruxelles depuis le directorat de Gérard Mortier, le compositeur excelle dans la forme brève (« Julie » dure une heure vingt) et le traitement de dialogues dramatiquement efficaces.
En cela, l'adaptation de Bondy et Bishofberger est une réussite même si elle sacrifie de longs dialogues, particulièrement entre Julie et Jean qui en apprennent beaucoup chez Strindberg sur le passé, la psychologie et les motivations de ces deux personnages. Mais, l'opéra renvoie à la pièce et le découpage permet à l'action de progresser vite et bien jusqu'à l'inexorable fin, plus explicite dans l'opéra que dans la pièce originale.
La partition de Boesmans, même si l'on y sent des influences bergiennes, est profondément originale et privilégie la clarté de l'action. Parfaitement dirigée avec grande précision par le chef japonais Kazushi Ono à la tête de l'Orchestre de chambre de la Monnaie (18 musiciens, tous solistes à un moment ou un autre de la partition), elle permettait aux trois personnages d'exprimer dans un allemand raisonnablement intelligible, la cruauté de ce huis clos morbide, drame sur l'ambiguïté des rapports sociaux dans les passions humaines.
Le mezzo-soprano Malena Ernman incarnait avec beaucoup d'autorité physique et vocale le personnage dominateur et pervers de Julie. De même, le baryton David Damiani donnait-il à Jean un relief extraordinaire. Incarné par la Suédoise Kerstin Aveno, le personnage de la servante Kristin semblait et sonnait plus vrai que nature.
Mais, le spectacle reposait sur le travail de Luc Bondy, d'une incroyable précision dans la direction des rapports humains et le décor réaliste et poétique à la fois de Richard Peduzzi. Le choix du Théâtre du Jeu de Paume (ex-opéra d'Aix formidablement rénové), de petites dimensions, garantissait un rapport scène- public optimal pour cet opéra de chambre. Alors que le peu convaincant « Cos[147] », présenté en alternance, a été filmé et diffusé sur Arte et continuera sa carrière à l'Opéra Garnier en septembre, il ne semble pas qu'une reprise de « Julie » soit à l'ordre du jour. Dommage, s'agissant d'une œuvre aussi exceptionnelle !
Festival d'Aix-en-Provence (04.42.17.34.34 et www.festival-aix.com.
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