À nouveau, l’HTA sévère est sous haute tension ! Le Conseil d’État vient en effet de valider sa sortie de la liste des ALD, prêtant ainsi le dos à de nombreuses critiques. Le Conseil d’État ne fait pourtant qu’entériner un choix fait il y a plus d’un an par le précédant gouvernement. Par un décret du 24 juin 2011, les autorités avaient alors supprimé la fameuse ALD 12 concernant l’HTA sévère au motif qu’il s’agissait de «?la seule ALD à constituer un facteur de risque et non une pathologie avérée? ». À l’époque la décision avait suscité une levée de boucliers, patients et médecins dénonçant un argument comptable bien plus que médical et estimant la mesure inégalitaire, injustifiée et dangereuse. Le CISS, la FNATH et l’Alliance du cœur avaient alors décidé de saisir le Conseil d’État.
Mais ce recours vient d’être rejeté : « Compte tenu des caractéristiques de l'HTA, du nombre de personnes concernées, de l'évolution et du coût des traitements de cette affection, le Premier ministre a pu légalement prendre la mesure de suppression », estime l’institution dans sa décision du 29 octobre. Les associations prennent acte mais ne désarment et les critiques restent vives (voir encadré). De son côté, la ministre de la santé, Marisol Touraine temporise et s’est dite prête mardi dernier à rééxaminer le dossier.
Au-delà de la polémique, certains spécialistes tentent d’ailleurs de faire des « contrepropositions constructives » qui permettent de trouver un juste milieu entre contraintes économiques et réalité médicale en ciblant de façon plus fine les patients hypertendus les plus à risque pour leur réserver le 100 %.
Pour mémoire, l’ALD 12 pouvait être accordée en cas de PA ≥180 ou
110 mmHg (HTA grade 3) mesurés à trois reprises en consultation, en cas de PA de 140/90 à 179/109 mmHg avec complication ou retentissement cardiovasculaire ou rénal et en cas d’HTA « résistante » nécessitant une trithérapie depuis au moins 3 mois. Ainsi définis, les bénéficiaires de l’ALD 12 avaient une surmortalité de 51 % par comparaison aux hypertendus traités sans ALD. Pour autant, ces critères sont-ils toujours adaptés et ne peuvent-ils pas être optimisés ?
Cibler l’HTA résistante
« Ces critères ont ciblé une population d’hypertendus à haut risque mais ne sont plus conformes à l’état actuel des connaissances », estime le Pr Pierre-François Plouin (HEGP) qui s’est livré, avec l’Académie de médecine à une « critique positive » de ces items. Lesquels ne correspondent pas toujours à des hypertendus à haut risque comme le reconnaît volontiers ce spécialiste. Par exemple, une HTA de grade 3 décrit certes la sévérité manométrique d’une HTA non traitée et constitue un prédicteur indépendant d’HTA résistante (RR d’évolution vers une HTA résistante de 4,4 par comparaison à l’HTA de grade 1). Mais, « toutes les HTA de grade 3 n’évoluent pas vers l’HTA résistante, souligne le Pr Plouin et, dans environ un cas sur deux, les patients seront équilibrés avec une bithérapie et rejoindront ainsi le gros du peloton sans sur risque particulier ». Il peut donc être logique de traiter l’HTA de grade 3 par une intensification rapide du traitement et de ne se poser la question de l’ALD que dans un second temps. Ce d’autant « que chez ces patients la plupart des complications aiguës surviennent dans les premières semaines ».
Concernant les HTA compliquées, elles sont certes à haut risque « mais la plupart relèvent déjà d’ALD spécifiques », pointe le Pr Plouin.
Reste donc les HTA résistantes. Pour le Pr Plouin, la définition retenue dans l’ALD peut là encore être optimisée car elle est « approximative ». Mieux vaudrait s’appuyer sur la définition internationale qui permettrait d’identifier avec précisions les « vraies » HTA résistantes. A savoir : un objectif non atteint malgré au moins 3 anti-hypertenseurs dont un diurétique, avec confirmation par MAPA ou auto-mesure tensionnelle (AMT) d’une PA diurne ›135/85 mmHg.
Au total, « la prise en charge à 100 % devrait donc plus précisément cibler les HTA résistantes au terme d’un parcours de soin rationnel, les HTA compliquées relevant par ailleurs d’autres ALD ». La proposition a été faite en haut lieu et, désormais, "la balle est dans le camp de la CNAM et du gouvernement», indique le Pr Plouin qui se montre plutôt sceptique.
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