LE QUOTIDIEN - Comment jugez-vous la diffusion de l'automesure tensionnelle, dans notre pays ?
Pr JOEL MENARD - Si l'on en croit les chiffres communiqués par les fabricants de tensiomètres électroniques, les ventes ont augmenté de façon importante au cours des dernières années, notamment sous la forme de cadeau de Noël ! Cela ne veut pas dire que ces appareils sont bien utilisés. Par ailleurs, nous attendons avec impatience la fin du processus de validation de l'AFSSAPS car, à l'heure actuelle, le matériel proposé est de qualité trop inégale comme nous l'expliquons sur le site.
Mais il ne fait pas de doute, pour moi, que l'automesure répond à une demande croissante de nos patients qui veulent jouer un rôle plus actif dans la prise en charge de leurs maladies et de leurs risques. De plus, les exigences de plus en plus grandes, en terme de valeurs seuils d'intervention et de valeurs cibles pour le traitement de l'HTA, vont dans le sens de contrôles plus réguliers et, sans doute, plus fiables dans la mesure où l'on connaît les limites de la prise de la pression artérielle, au cabinet médical.
Le médecin doit rester maître du jeu tout en évoluant
Comment, à votre sens, le corps médical perçoit-il cette évolution ?
Il existe plusieurs types de freins, tout d'abord chez les spécialistes de l'hypertension qui, tout en étant convaincus de l'intérêt de l'automesure, préfèrent s'investir dans des thèmes plus « high-tech », plus valorisants. En ce qui concerne les médecins praticiens, il n'est pas forcément facile de changer d'habitudes, héritées de la formation médicale, d'autant qu'au cours des années écoulées, la lutte contre l'hypertension et le risque cardio-vasculaire a connu des succès majeurs, avec un recul significatif de la morbi-mortalité. Les imperfections de certains matériels ont pu également les éloigner de l'automesure.
Je ne pense pas, en revanche, qu'il s'agisse majoritairement de la perte d'un pouvoir médical, ce qui n'est d'ailleurs pas le cas car - automesure ou non - l'interprétation des chiffres et les choix thérapeutiques ne peuvent relever que de la seule compétence médicale, même si nous souhaitons que les patients aient une meilleure conscience de leur situation tensionnelle.
Vous vous êtes associé à la création du site automesure.com. Qu'en attendez-vous ?
Dans la mesure où, comme je le pense, de nombreux patients veulent être davantage « propriétaires » de leur santé et dans la mesure où l'automesure tensionnelle ne peut qu'améliorer le contrôle et la prise en charge par un médecin qui est nullement dépossédé de son rôle, il faut aider ce patient à faire le meilleur usage possible de cette technique. Mon rôle d'universitaire étant de diffuser gratuitement la connaissance, j'ai choisi l'outil Internet et le site que gèrent, indépendamment de toute pression commerciale, Nicolas Postel-Vinay et Guillaume Bobrie pour fournir des informations simples pratiques mais relativement complètes aux patients et aux professionnels, tout en mettant sans cesse à jour les connaissances.
Même si aujourd'hui le nombre de patients ayant accès à Internet est relativement faible, je suis sûr que, dans quelques années, ce média touchera le plus grand nombre sans pour autant remplacer le papier. Néanmoins l'outil électronique paraît particulièrement adapté à cette problématique d'information personnalisée, actualisée et interactive.
En pratique à quoi cela correspond-il ?
A l'apprentissage des gestes à travers des fiches, des dessins et bientôt d'un petit film ; au choix de l'appareil ; à l'explication des recommandations (idéalement 18 prises sur trois jours, avec un minimum de 12 prises) ; à la réalisation de la moyenne automatisée des valeurs collectées ; des bulles d'aide peuvent aider le patient en cas de difficultés techniques ou de données collectées visiblement énoncées. Ces informations se déclinent plus ou moins complètement suivant que la rubrique soit celle du médecin ou du grand public.
On se situe dans une optique de prescription de l'automesure par le médecin même. Dès la rentrée prochaine, nous testerons une application destinée aux patients. Ils pourront calculer leurs moyennes « on line », et seront invités à communiquer leurs résultats à leur médecin. Ce site sera aussi un outil d'évaluation des potentialités de l'Internet médical au travers d'essais cliniques.
Comment comptez-vous faire connaître ce site ?
Nous avons préféré préparer un outil fiable utile et déontologiguement sans faille sans volonté de hâter les choses par la recherche de financement. Nous cherchons à faire connaître notre adresse automesure.com, à travers la presse professionnelle et nous développons des partenariats institutionnels par exemple avec des services hospitaliers et le Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française. A plus long terme, nous n'excluons pas une diffusion beaucoup plus large : assurance-maladie, comités d'entreprises, etc. Notre priorité est de proposer une information utile et sans publicité car, à terme, nous pensons que la qualité est le meilleur gage de succès.
(1) Chef du service de santé publique, université Broussais - Hôtel-Dieu, hôpital européen Georges-Pompidou, ancien directeur général de la Santé.
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