Un dosage urinaire va donner la solution

HTA résistante au traitement pharmacologique

Publié le 14/01/2008
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Hérédité familiale

Mme Marie-France C., 62 ans, a une hypertension artérielle traitée depuis l'âge de 52 ans. Il existe une hérédité familiale du côté de sa mère qui a également été hypertendue au même âge. La soeur aînée de la patiente est hypertendue depuis l'âge de 55 ans. Elle n'est pas obèse (65 kg pour 1,66 m). Elle a stoppé le tabac à l'âge de 32 ans. Pour contrôler cette hypertension artérielle, elle reçoit un IEC, une prise le soir.

Ce traitement, à dose maximale, est insuffisamment efficace, puisque, en automesure tensionnelle à domicile, les valeurs moyennes retrouvées sur une période de 3 jours (18 mesures) sont largement au-delà des 135/85 mmHg recherchés (152/ 96 mmHg). Un inhibiteur calcique est alors ajouté et le nouveau contrôle tensionnel effectué au domicile un mois après l'introduction du deuxième antihypertenseur montre une amélioration (148/93 mmHg). Celle-ci reste néanmoins insuffisante par rapport à la cible à atteindre.

Le bilan biologique donne les résultats suivants : créatinine sérique 82 µmol/l (9,2 mg/l), soit une clairance de Cockcroft calculée à 64 ml/m-n, natrémie : 141 meq/l, kaliémie : 4,3 meq/l, réserve alcaline : 25 meq/l, glycémie à jeun : 5,4 mmol/l, cholestérol total 2,30 g/l, HDL : 0,51 g/l, LDL 1,20 g/l, ionogramme urinaire : natriurèse 160 mmol/l, kaliurèse 60 mmol/l, recherche de protéinurie : négative sur les urines de 24 heures, diurèse des 24 heures : 1,5 l. Un diurétique thiazidique est ajouté aux deux autres antihypertenseurs au décours du bilan biologique.

Avec cette trithérapie, dont un diurétique, la mesure de la tension artérielle par automesure au domicile demeure anormale (143/91 mmHg). Nous sommes donc en face d'une patiente dont l'hypertension artérielle est réfractaire au traitement pharmacologique.

Commentaire 1

Les causes d'hypertension artérielle réfractaire.

La première cause à rechercher est bien évidemment une mauvaise adhésion au traitement prescrit. Il n'en est rien chez cette patiente qui réalise elle-même le contrôle tensionnel au domicile.

De plus, les différents ajouts de médicaments antihypertenseurs ont eu des effets favorables sur les chiffres tensionnels, démontrant ainsi que la patiente a bien pris les médicaments prescrits. La réponse à cette trithérapie est cependant insuffisante pour atteindre la cible recherchée.

Les autres causes d'hypertension artérielle réfractaire sont recherchées : cette patiente n'est pas obèse, ne consomme pas d'alcool, ne consomme pas de médicaments pouvant agir sur la tension artérielle (corticoïdes, AINS, etc.). Elle n'a pas de néphropathie aiguë ou chronique (protéinurie négative), ni d'insuffisance rénale.

Le fait que la tension artérielle soit mesurée au domicile par la patiente elle-même permet d'exclure la fausse hypertension réfractaire que représente l'hypertension « blouse blanche » retrouvée parfois au cabinet du médecin.

Les résultats du bilan biologique ne permettent pas d'évoquer un hyperaldostéronisme primaire ou secondaire, dans la mesure où la kaliémie est normale et que l'élimination urinaire du potassium n'est pas augmentée. Cependant, les ionogrammes sanguin et urinaire peuvent parfois méconnaître un hyperaldostéronisme primaire. Quant à l'hyperaldostéronisme secondaire, la cause la plus fréquente est la sténose athéromateuse des artères rénales.

L'hypertension rénovasculaire peut donner une hypertension réfractaire lorsque la sténose est très serrée, au stade préthrombotique.

Cette patiente a peu de facteurs de risque d'athérome vasculaire : elle ne fume plus depuis plus de trente ans, elle n'a ni dyslipidémie ni diabète. Le facteur familial peut parfois être l'unique facteur de risque de la maladie athéromateuse.

Si l'hypertension artérielle a bien un caractère familial (mère, soeur aînée), il n'y a pas d'antécédent d'accident coronarien ou d'AVC chez la mère ou la soeur aînée. On ne peut bien évidemment pas exclure la maladie athéromateuse des artères rénales, mais aucun fait clinique ou biologique ne permet de l'évoquer, tant dans les antécédents familiaux que dans l'analyse des facteurs de risque vasculaire propres à cette patiente. Seul un Doppler des artères rénales permettrait de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse étiologique.

Commentaire 2

Cette patiente a une forte consommation alimentaire ensel.

La natriurèse des 24 heures est élevée puisqu'elle correspond à 240 mmol de sodium éliminée par voie urinaire. Lorsqu'il existe une fonction rénale normale, et en l'absence de prise de diurétique, la quantité de sodium éliminée s dans les urines est un bon reflet de la quantité de sel consommée dans l'alimentation. Ainsi, 240 mmol de sodium dans les urines de 24 heures correspondent à un apport journalier en sel de 14 à 15 g. Cette consommation élevée de sel est une cause trop souvent méconnue de l'hypertension réfractaire chez des patients qui reçoivent une trithérapie antihypertensive.

Le traitement diurétique thiazidique a un effet sur les chiffres tensionnels, mais son effet natriurétique est insuffisant pour équilibrer les entrées alimentaires et les sorties urinaires de sel, du moins en quelques jours de traitement. L'enquête diététique révélera que cette femme a effectivement une forte consommation alimentaire en sel, notamment pizzas, pain et tartes salées.

Commentaire 3

Les recommandations de la Société européenne d'hypertension.

Elle rappelle d'abord que plusieurs essais contrôlés chez des patients hypertendus ont démontré que, en réduisant la consommation journalière de sel à 4,7 à 5,8 g/j (80 à 100 mmol de sodium), alors que la quantité initiale est de 180 mmol de sodium (10,5 g de sel), la tension artérielle systolique moyenne baissait de 4 à 6 mmHg. La responsabilité du sel dans l'hypertension artérielle réfractaire repose sur un niveau élevé de preuves. La recommandation de la société savante est de réduire la consommation journalière de sel à 5 g ou moins, correspondant à une natriurèse des 24 h de 85 mmol/j au maximum.

Nouvelles recommandations européennes de juin 2007 (ESH) en matière de prise en charge d'une hypertension artérielle.

> Dr PIERRE SIMON, néphrologue

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8289