La présentation, en hot line, des résultats de l'étude PROGRESS (Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study) a été l'événement du récent congrès de l'ESH à Milan (« le Quotidien » du 18 juin 2001). Un symposium satellite, organisé par les Laboratoires Servier, a permis de préciser la portée clinique de ces résultats relativement spectaculaires : l'adjonction de périndopril (4 mg/j) associé ou non à l'indapamide (2,5 mg/j) aux traitements déjà prescrits réduit de 28 % (p < 0,0001) le risque d'AVC. Une efficacité qui se manifeste même chez les patients ayant initialement des chiffres tensionnels « normaux ».
L E Pr J. Chalmers, qui a coordonné avec son collègue de Sydney (Australie), le Pr S. Mac Mahon, l'étude PROGRESS, aime à rappeler que l'idée de cette recherche est née d'une réunion d'experts de l'OMS, au Japon, en 1993 : dans la mesure où dans le cadre de la prévention primaire de l'AVC on n'observait pas d'effet seuil, ce qui mettait à mal le concept classique de courbe en J, il était tentant de vérifier ce phénomène dans le cadre de la prévention secondaire, d'autant qu'un petit essai britannique (UK-TIA) suggérait l'absence d'effet seuil dans la prévention secondaire après AIT. « Ce qui ne veut pas dire que l'idée d'abaisser la pression artérielle après un AVC n'inquiétait pas les neurologues, souligne J. Chalmers. Quoi qu'il en soit, l'OMS et l'International Society of Hypertension ont accepté de parrainer notre recherche élaborée avec le concours des Laboratoires Servier ; ainsi est née l'étude PROGRESS, qui a débuté en 1995. »
Une démarche pragmatique
PROGRESS, réalisée par 172 centres, a porté sur 6 105 patients qui ont présenté dans les cinq ans précédant l'inclusion un AVC ou un AIT, ischémique ou hémorragique (étant entendu que le traitement n'était entrepris qu'après stabilisation de l'état du patient). Plus de la moitié présentait un infarctus cérébral (lacunaire chez 30 % des patients) et 11 % des patients randomisés avaient fait un AVC hémorragique (pour lesquels les options thérapeutiques sont très limitées).
La moitié des patients prenait un traitement antihypertenseur et, a contrario, 38 % des patients étaient normotendus, sans traitement. Outre les traitements antihypertenseurs, l'aspirine et autres antiagrégants plaquettaires étaient pris par 78 % des patients, 15 % étant sous hypocholestérolémiants, 9 % sous AVK. Tous ces traitements étaient poursuivis. On se plaçait donc dans les conditions d'une étude pragmatique, randomisée et contrôlée, le traitement par périndopril ± indapamide étant ajouté au traitement en cours.
Les raisons du choix des molécules
Le Pr J. Chalmers explique pourquoi l'association IEC-diurétique a été choisie : « Elle a montré qu'elle était remarquablement efficace, majorant l'action antihypertensive, en réduisant les risques d'effets secondaires par rapport à la simple augmentation des posologies d'une monothérapie. » Pour l'IEC, le choix du périndopril s'explique par le fait que cette molécule, active pendant vingt-quatre heures en monoprise, respecte le débit sanguin cérébral : la grande préoccupation chez un patient qui a fait un AVC.
En ce qui concerne le diurétique, le choix de l'indapamide s'explique par le fait que cette molécule avait démontré son efficacité, dans le cadre de l'étude PATS réalisée en Chine : réduction de 29 % de l'incidence des AVC, en prévention secondaire (6 000 patients au total).
« Compte tenu de la fragilité de ces patients, nous avons choisi un protocole prudent : après une période run-in d'un mois (périndopril à 2 mg, puis à 4 mg), on procédait à une randomisation, la moitié des patients recevait du périndopril 4 mg et, dans la mesure du possible, de l'indapamide 2,5 mg. Dans l'autre bras, les principes actifs étaient remplacés par des placebos. »
Des enseignements multiples
L'efficacité globale de cette démarche a naturellement retenu toute l'attention : une réduction du risque de 28 % (IC 95 % : 17-38 % ; p < 0,0001), mais J. Chalmers insiste sur l'analyse par sous-groupes, qui est particulièrement importante : la réduction du risque de récidive atteint 50 % (et même 75 % chez les patients qui ont bénéficié de l'association périndopril-indapamide) pour les antécédents d'infarctus hémorragique, une forme qui ne pouvait bénéficier des antiagrégants ; en outre, la réduction est significative pour tous les sous-types d'infarctus (mis à part les AVC non identifiés) et chez les patients ayant présenté des AIT et des amauroses fugaces (34 %).
Les enseignements de PROGRESS ne s'arrêtent pas là, car l'étude montre que l'effet protecteur s'exerce également chez les sujets normotendus, ce qui est important, car la majorité des AVC survient dans un tel contexte : un constat qui reste valable pour des chiffres inférieurs à 140/85 mm Hg. Par ailleurs, PROGRESS est la première étude à démontrer un effet protecteur au moins aussi important chez les Asiatiques, un enjeu majeur quand on connaît la fréquence des AVC en Asie.
Dans un autre domaine, PROGRESS met en évidence une réduction globale importante de l'ensemble des événements vasculaires majeurs (26 %, p < 0,0001) et, en particulier, des infarctus du myocarde non mortels (38 % ; IC 95 % : de 14 à 55 %) ; ce qui est bien supérieur aux pourcentages (de 14 à 17 %) de réduction rapportés dans les essais d'intervention utilisant des IEC, dans des contextes très variables ; en outre, l'étude PATS, avec l'indapamide 2,5 mg, ne met en évidence qu'une réduction du risque d'infarctus.
Enfin, PROGRESS montre une réduction significative des démences et des déclins cognitifs majeurs liés aux AVC (respectivement 34 et 45 %). L'effet n'est plus significatif pour de tels troubles non liés aux AVC, point qui mérite des analyses complémentaires.
Les bénéfices de l'association périndopril-indapamide
Le Pr J. Chalmers reconnaît que PROGRESS n'a pas la puissance suffisante pour mettre en évidence l'efficacité du périndopril, en monothérapie, qui se situe probablement entre 15 et 20 % : il faudrait entre 6 000 et 8 000 patients sous monothérapie pour atteindre un tel résultat.
De plus, les patients restant sous périndopril seul ne sont pas comparables : ils sont plus âgés (65 contre 63 ans), ont une pression artérielle initiale plus basse (- 5 mmHg pour la PAS et - 3 mmHg pour la PAD) et enregistrent une moindre baisse de ces chiffres que les patients sous association (- 5/3 mmHg contre - 11/5 mmHg sous association et - 9/4 mmHg pour l'ensemble de la cohorte). « En un mot, les patients qu'on a dû laisser sous monothérapie sont les plus fragiles, conclut J. Chalmers, ce qui interdit les comparaisons. A contrario, l'objectif est clairement d'associer IEC et diurétique quand l'état du malade le permet ; les résultats montrent que, sur tous les paramètres étudiés, l'effet synergique de l'association se vérifie. Une approche confortée par le profil de tolérance de notre stratégie : par rapport au placebo, on n'enregistre qu'un pour cent de plus d'arrêt de traitement pour hypotension que dans le groupe placebo (1,7 % pour toux), sans différence entre les patients hyper- et normotendus. »
Un bénéfice dont l'importance surprend
En conclusion, le Pr J. Chalmers déclare que cette stratégie permet, globalement, de prévenir un AVC pour 23 patients traités pendant cinq ans (1 pour 14, en cas d'association) et un événement vasculaire majeur pour 18 patients (1 pour 11, avec l'association). « Des chiffres bien supérieurs à ceux enregistrés dans le cadre d'essais d'intervention avec les statines, par exemple, et qui doivent conduire à une révision des guide-lines. Même si je reconnais que l'on devra combattre une croyance bien ancrée qui veut que, après un accident vasculaire cérébral, il ne faut rien faire qui puisse être de nature à abaisser le débit cérébral, nous avons démontré que ce risque n'existe pas avec l'association périndopril-indapamide quand le patient est stabilisé et que, au contraire, cette association est bénéfique quels que soient l'âge du patient et/ou l'ancienneté de l'accident vasculaire ; mais l'expérience montre qu'il faut toujours du temps pour vaincre les idées reçues. »
(1) Symposium satellite organisé par les Laboratoires Servier, 11e Congrès de l'ESH, Milan.¶
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature