185/100 mmHg
Ses parents sont en bonne santé, mais sa mère est traitée pour une hypertension artérielle modérée depuis l'âge de 52 ans. Sa grand-mère maternelle était également hypertendue avant 60 ans et est décédée à 87 ans.
Elle consulte son médecin traitant pour une rhino-pharyngite très vraisemblablement virale puisqu'elle touche simultanément ses deux enfants. Celui-ci découvre une hypertension artérielle lors de la consultation, à 185/100 mmHg. Ces chiffres seront contrôlés après 5 minutes de repos à 178/95. La pression artérielle (PA) est mesurée aux deux bras et les chiffres les plus élevés, retenus, sont au niveau du bras droit. Le rythme cardiaque est assez rapide, à 92 pulsations/min, mais la patiente a un train fébrile à 37,8 °C. Avant de consulter, elle a pris du paracétamol 500 mg 3 fois/jour pour des maux de tête et des pulvérisations nasales d'une association de prednisolone et d'oxymétazoline pour améliorer sa rhinite, médicaments dont elle disposait déjà dans sa pharmacie.
Cette patiente n'a aucun facteur de risque vasculaire autre que ses antécédents familiaux d'hypertension : elle ne fume pas, ne boit pas de boissons alcoolisées, a une activité physique régulière (une séance de gymnastique/semaine) et son poids est normal (54 kg pour une taille de 1,60 m). Un bilan biologique réalisé trois mois auparavant pour le problème d'un épuisement physique et psychique n'avait révélé aucune anomalie particulière, tant au niveau de la NFS et de la CRP qu'au niveau de l'ionogramme sanguin, du bilan lipidique et de l'équilibre glycémique. L'examen du sédiment urinaire était normal et la recherche de protéinurie, négative.
Commentaire 1
L'hypertension artérielle est-elle bien réelle?
Cette jeune femme présente à 32 ans, pour la première fois, une hypertension artérielle découverte au cabinet médical. Elle est classée comme une hypertension de grade II selon les recommandations (guidelines) européennes en vigueur depuis juin 2007, ce grade étant défini comme une valeur de pression artérielle systolique de 160 à 179 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique de 100 à 109 mmHg. Si elle est réelle, elle représente un facteur de risque modéré de survenue d'un accident cardio-vasculaire dans les dix années qui suivent la découverte, puisque la patiente n'a aucun autre facteur de risque que l'antécédent familial d'hypertension. Un tel niveau d'hypertension artérielle en cabinet chez une femme jeune soulève immédiatement deux questions : cette hypertension est-elle bien réelle ou relève-t-elle d'un effet « blouse blanche » ? Cette hypertension d'apparition « aiguë » (on peut penser raisonnablement que deux mois auparavant elle n'existait pas) a-t-elle une cause immédiatement identifiable et curable ?
Cette hypertension est-elle bien réelle ? Il ne peut être question de retenir le diagnostic d'hypertension artérielle permanente à partir de chiffres retrouvés à une seule consultation, ces chiffres fussent-ils élevés. Il faudra d'autres chiffres retrouvés à d'autres moments ou consultations pour confirmer ou infirmer le diagnostic d'hypertension artérielle permanente (recommandation). Cependant, compte tenu de la sévérité des chiffres, la réponse doit être rapidement apportée.
L'apparition d'une hypertension artérielle « essentielle » permanente dans un contexte d'hypertension artérielle familiale touche moins de 20 % des femmes âgées de 30 à 40 ans. Il est vrai qu'un contexte génétique ou familial intervient chez 40 % des hypertendus. La patiente n'a aucun facteur « environnemental », d'hygiène de vie, notamment, pouvant favoriser l'apparition d'une hypertension. Il faut souligner l'absence de surpoids et de tabagisme. Cette femme a cependant un métier à « stress » (enseignante) et prend de temps en temps des tranquillisants.
Devant une telle hypertension (HTA), il faut confirmer le diagnostic en s'assurant que les valeurs trouvées à la consultation sont bien réelles. Il faut éliminer l'effet blouse blanche qui touche 15 % de la population générale et plus de 30 % des hypertendus. Pour éliminer une fausse élévation de la pression artérielle, il faut faire appel à d'autres méthodes d'évaluation de la PA que celle utilisée au cabinet médical (recommandation).
Commentaire 2
L 'automesure tensionnelle ou la mesure ambulatoire de la PA (MAPA) permet d'éliminer un diagnostic d'hypertension par excès.
Dans l'actualisation de ses recommandations, la Haute Autorité de santé (HAS) conseille en 2005 de mesurer la PA en dehors du cabinet médical (automesure tensionnelle au domicile ou MAPA), lorsque l'on veut s'assurer de la permanence de l'HTA et de l'existence d'une « HTA blouse blanche » à la consultation en cabinet médical. Il ne faut pas commencer le traitement médicamenteux lorsque les chiffres de PA retrouvés pour la première fois en consultation au cabinet médical sont compris entre 140-179/90-109 mmHg et lorsque l'on constate l'absence d'une atteinte des organes cibles, de diabète, d'antécédent cardio- ou cérébro-vasculaire, ou d'insuffisance rénale lors du bilan initial. Notre patiente est dans ce cas de figure puisque le bilan biologique réalisé deux mois auparavant permettait d'éliminer un diabète, une maladie ou une insuffisance rénale et que l'examen clinique montrait à l'évidence que cette jeune patiente n'avait pas d'atteinte clinique des organes cibles.
Le choix de la MAPA sera fait chez cette femme qui est traitée pour un état d'anxiété chronique, l'automesure à domicile étant considérée dans ces conditions psychologiques comme pouvant augmenter l'anxiété (recommandation). La MAPA réalisée deux jours après la consultation auprès d'un cardiologue confirmera l'hypertension artérielle permanente, avec une valeur moyenne sur 24 heures de 142/85 mmHg, de 152/91 mmHg de jour et de 128/82 mmHg de nuit. Il n'existe pas d'altération du rythme nycthéméral de la PA. Les valeurs de la PA mesurée par la méthode de la MAPA sont plus basses que les valeurs normales de la consultation (< 140/90 mmHg). Les dernières recommandations européennes précisent que la valeur normale de la MAPA sur 24 heures est de 125 à 130 mmHg pour la PA systolique et de 80 mmHg pour la PA diastolique, de 130 à 135 mmHg et 85 mmHg pour les valeurs de jour et de 120 mmHg et 70 mmHg pour les valeurs de nuit.
Chez cette patiente, l'HTA permanente est donc indiscutable et ne correspond pas à un effet blouse blanche.
Commentaire 3
Se méfier de l'hypertension médicamenteuse.
La MAPA a été réalisée rapidement, compte tenu de la sévérité des chiffres tensionnels. Cette patiente continuait de faire des pulvérisations nasales pour sa rhinite avec une association de prednisolone et d'oxymétazoline (sympathomimétique alpha à effet vasoconstricteur). L'arrêt du médicament a été suivi d'une amélioration immédiate des chiffres tensionnels. Il persiste néanmoins une hypertension artérielle à la consultation en cabinet (150/95 mmHg), mais une nouvelle MAPA effectuée un mois après l'arrêt du médicament donne une PA moyenne sur 24 heures de 127/80 mmHg, 134/83 mmHg de jour et 119/68 mmHg de nuit.
Cette patiente a donc développé une hypertension d'origine médicamenteuse liée à l'automédication pour sa rhino-pharyngite virale. L'arrêt du médicament a été suivi d'une normalisation de la PA à la MAPA. En revanche, elle conserve un effet blouse blanche en consultation au cabinet. Les chiffres de cet effet blouse blanche avaient été majorés par l'effet hypertensif du traitement local de la rhinite.
Recommandations actuelles
Lors de la découverte d'une hypertension artérielle, se donner le temps nécessaire pour confirmer l'hypertension avant d'entreprendre un traitement antihypertenseur. Compte tenu de la fréquence de l'effet blouse blanche au cabinet médical, utiliser d'autres méthodes de mesure pour confirmer l'hypertension permanente. En l'absence de terrain anxieux, l'automesure tensionnelle au domicile est aujourd'hui la méthode la mieux adaptée au diagnostic d'hypertension. Les valeurs normales sont plus basses qu'au cabinet (de 130 à 135 mmHg pour la PA systolique et 85 mmHg pour la PA diastolique). Le protocole de mesure doit être strictement respecté (voir encadré).
La règle de trois
Les conditions optimales d'utilisation de l'automesure tensionnelle ont été proposées par le Comité français de lutte contre l'HTA : elles constituent la règle dite « des trois » : trois mesures consécutives en position assise le matin et le soir, pendant trois jours, en période d'activité habituelle. Il est recommandé d'utiliser préférentiellement un appareil de mesure huméral à choisir parmi la liste des appareils validés (disponible sur le site de l'AFSSAPS).
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