23 thermidor : vote de la loi dite Fourcade du 10 août 2011, « modifiant la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ».
De profondes divergences tant conceptuelles qu’opérationnelles, ainsi que sa focalisation catégorielle, la distancient de son aînée. À tel point que son intitulé aurait pu sans faux-semblant, s’énoncer : « et relative aux conditions d’exercice des professions libérales de santé ».
La réaction girondine à la loi HPST a été discrètement organisée, cette fois hors concertation systémique. A pu faire illusion le pare-feu des travaux du « comité de suivi de la réforme de la gouvernance des établissements publics de santé », présidés par le même sénateur, pendant la même période, mais n’opérant aucun lien, ni traduction législative d’aucune sorte.
La loi HPST menaçait-elle de dictature jacobine ?
Qu’on en juge aux brèches législatives ouvertes par la loi Fourcade :
- La création de sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (Sisa), alternative libertaire des centres de santé, s’accompagne d’une autorisation de partage d’honoraires et d’une présomption d’absence de compérage, en contradiction avec les principes absolus des articles R. 4127-22 et 23 du CSP, avec la morale et la protection de l’usager.
- Un concept flou de « compatibilité » y fait florès et remplace celui de la « conformité » aux schémas de santé, au bénéfice des projets de santé du secteur privé, des Sisa, des maisons de santé, et de « plateaux d’imagerie médicale mutualisés expérimentaux » eux-mêmes dérogatoires et s’accompagnant de liberté d’honoraires. Cette notion de « compatibilité » apparaît subjective, non juridique, trop peu contraignante, propice à abus, sujette à pressions politiques et corporatives, donc peu administrable.
- Dans la ligne du caractère déjà non opposable et non prescriptif des « volets ambulatoires » des Sros, les contrats santé solidarité des médecins libéraux sont vidés de leur opposabilité sanctionnable. De plus, la continuité des soins en médecine ambulatoire n’est plus veillée par l’ordre des médecins. En outre, les adaptations, complémentarités de l’offre de soins, les coopérations, implantations prévues au Sros devront respecter une non-opposabilité aux professionnels de santé libéraux.
La liberté d’installation des professionnels de santé inscrite dans la loi
Et si tout cela n’était pas suffisant, la loi Fourcade fait entrer dans le domaine de la loi, la liberté d’installation des professionnels de santé, lui conférant une valence législative, inconnue jusqu’alors, dévastatrice en période de chrysalide des ARS. Le principe de liberté d’installation des médecins libéraux s’apparentait jusqu’alors à un privilège coutumier vécu et avancé comme un acquis ou une liberté intrinsèque. Qu’en sera-t-il de la situation des infirmières conventionnées et de la régulation d’implantation des pharmacies d’officine ? Le Sros estropié pourra-t-il, même en comptant de nouveau sur les hôpitaux, contribuer à la réponse aux « besoins de santé de la population et aux exigences d’efficacité et d’accessibilité géographique » ?
Décollement du chef des concepts HPST
Au regard du continuum législatif développé depuis 1991, ce 9-thermidor catégoriel et politique se situe en rupture des concepts de territorialisation, de permanence et d’égalité d’accès aux soins. Il révise la notion de coopération, ignore les objectifs classiques de qualité, d’efficience, de centralisation régionale, de primauté de la demande sur l’offre, de convergence du public et du privé, et de l’association, voire de l’intérêt des usagers. Faux pas ou tendance lourde ?
À un corpus législatif de salut public a succédé une loi réactionnelle ; ou réactionnaire.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature