DE NOTRE CORRESPONDANTE.
C'EST AU RALENTI que l'hôpital de la Croix-Rousse, le « pôle nord » du CHU lyonnais établi sur l'une des deux collines mythiques de la cité rhodanienne, semblait fonctionner vendredi 13 avril. Et pour cause : tous les blocs opératoires non dédiés à l'urgence étaient fermés, toutes les interventions chirurgicales inscrites au planning, annulées.
Certes, ce mouvement de grève intervenait à la fin des vacances scolaires pour la zone A, qui concerne l'académie de Lyon. Et qui dit vacances scolaires, dit aussi activités et personnels réduits.
Mais, en milieu de matinée, les patients ne se bousculaient pas au portillon de l'accueil. Sur une petite affichette scotchée à la porte d'entrée, ils pouvaient apprendre que, si leurs médecins étaient en grève, c'était par refus «de voir l'hôpital public fonctionner à la prime individuelle au rendement».
En milieu d'après-midi, la direction du CHU confirmait que 70 % des anesthésistes étaient en grève, mais seulement 10 % des urgentistes et peu de chirurgiens. A l'hôpital Edouard-Herriot et neurologique, toutes les interventions non urgentes étaient déprogrammées. Seul l'hôpital pédiatrique Debrousse avait décidé de les maintenir, en raison de cette période de vacances un peu particulière, mais tout en s'affirmant « solidaire ». Marc-Olivier Robert, jeune anesthésiste à l'hôpital de la Croix-Rousse, syndiqué au Snphar et gréviste, dénonce avec véhémence cette fameuse part variable salariale. «Soit on estime qu'avant il y avait déjà de la qualité et que ces 15% ne sont qu'une augmentation arbitrairement donnée à certains pour rien de plus, soit on estime qu'avant les soins étaient de mauvaise qualité et on décide alors de payer les moins mauvais. Dans ce cas, il faut immédiatement alerter les associations de consommateurs pour leur dire de ne plus aller dans les hôpitaux où les médecins continueront d'être mauvais.» Du côté des quelques chirurgiens associés au mouvement, la discrétion restait de mise. «Faire grève pour refuser une augmentation, c'est une première dans notre spécialité», ironise l'un d'eux.
Le Dr Nathalie Diot, anesthésiste à l'hôpital Edouard-Herriot et adhérente au Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (Snphar), qui a tenté de mobiliser les chirurgiens sur son établissement, fait observer que les critères sur lesquels ils seront jugés – tels que l'antibioprophylaxie ou la prévention de la maladie thrombo-embolitique – «nous préoccupent plus qu'eux».
«Il n'en paraît pas moins illogique qu'une seule personne soit rémunérée sur un travail d'équipe», souligne-t-elle.
Désaffection.
En tout état de cause, ce nouveau décret est perçu comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase. «Il fragilise encore plus le statut du PH, déjà largement dévalorisé», argumente le Dr Philippe Crova, anesthésiste à l'hôpital de Bourgoin-Jallieu (Isère) et délégué régional de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf). «Ce statut représentait encore une voie royale il y a quelques années», argumente-t-il. «Or, désormais, les jeunes préfèrent aller travailler dans le privé, en faisant moins d'heures, si possible, ou bien ils optent pour l'intérim.»
Dans son établissement, il existerait cinq postes d'anesthésistes vacants sur les huit postes théoriques. Le CHU de Lyon n'échappe pas à cette nouvelle sorte d'hémorragie : «Les jeunes finissent leur clinicat, font un peu le tour comme PH, et s'en vont», confirme le Dr Diot. En six mois, le centre hospitalier Lyon-Sud aurait ainsi enregistré cinq démissions d'anesthésistes. «Notre grève n'a pas pour objet de demander plus d'argent, même si on travaille 60 à 70heures par semaine», résume Marc-Olivier Robert, qui ajoute : «Personnellement, je suis ravi de me lever le matin pour aller travailler. » Ce qu'il revendique, «c'est plus de respect et de considération». Dévalorisation du statut, division des praticiens, ambiance délétère, tous ces éléments conduisent, selon lui, au désenchantement. «Quand vous êtes de garde et que les chambres sont dans un état catastrophique, qu'on vous sert une nourriture immonde, et que, lorsque vous interpellez un directeur par mail sur un sujet quelconque, ce dernier s'adresse à votre patron pour dire qu'il n'a pas de temps à perdre à répondre à un PH, il ne faut pas s'étonner que le corps médical se sente méprisé», conclut le Dr Robert.
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