De notre correspondant
U N chef de service qui démissionne, cela n'a rien d'exceptionnel. Un chef de service qui abandonne sa fonction en adressant copie de sa lettre de démission aux journaux locaux pour en expliquer les raisons, c'est plus rare.
C'est ce que vient de faire le Pr Jean-Marie Thoulon, « patron » du service de gynécologie-obstétrique de l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon depuis vingt ans, qui a informé de sa démission la direction générale des Hospices civils à la fin du mois de mai, et qui vient d'en prévenir les Lyonnais par la presse locale. Depuis lors, sa messagerie Internet « accumule les e-mails de félicitations de collègues de toute la région », explique-t-il au « Quotidien ».
Raison principale de ce geste spectaculaire : le manque de moyens et le peu de responsabilités concrètes d'un chef de service. « Ma décision n'a rien de politique et je n'ai pas l'âme d'un politicien », tient-il à préciser, « et je n'ai d'ailleurs strictement rien contre le gouvernement actuel : c'est juste un ras-le-bol, une façon de protester contre le manque de moyens et de considération ».
Un « mandarinat administratif »
« Nous n'avons pas la maîtrise des éléments permettant l'organisation des soins, écrit-il notamment dans sa lettre de trois pages à la Direction du CHU. Si on a longtemps parlé de mandarins, on peut maintenant parler de mandarinat administratif : on fait semblant de se concerter. Or en cas de conflit judiciaire, c'est au chef de service que l'on reproche de travailler dans des conditions non conformes aux normes de qualité. » Celui qui dirigeait la plus importante unité de pathologie fœtale de la deuxième région française évoque le poids de l'administration, la lenteur des procédures réglementaires pour l'attribution des matériels, et une activité « multipliée par deux depuis cinq ans à moyens constants ».
Pour obtenir l'équipement indispensable, explique-t-il, « par exemple des échographes 4 D, des appareils de monitorage électronique fœtal, ou encore une IRM fœtale, il faut deux à trois ans, et encore à condition que la demande soit acceptée : cet attentisme est préjudiciable aux soins, alors que nous avons une obligation légale de moyens ».
Cette démission, conclut-il, est une manière de protester contre la suppression d'un poste de secrétaire ( « c'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase »), et « de la hausse constante de l'activité d'un service où sont dirigées les grossesses à risque de toute la région. Son taux d'occupation est passé de 96,7 en 1999 à 107 % durant le premier semestre 2001, pour grimper à 125,74 % en juin ». Et l'évolution de l'activité du centre de diagnostic prénatal connaît la même courbe exponentielle ». Démissionnaire de son poste de chef de service, le Pr Thoulon retrouve « avec sérénité et soulagement », dit-il, un simple rang de praticien hospitalier.
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