La responsabilité civile de l'Institut Pasteur et de France-Hypophyse dans la contamination d'une personne morte de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), après avoir été traitée avec l'hormone de croissance extractive en 1985, a été reconnue par le tribunal de grande instance de Montpellier, le 9 juillet. L'un était assigné en justice en tant que « producteur » et l'autre, collecteur de « produits défectueux ».
Les parents de Pascale Fachin, décédée en juin 2001 à l'âge de 30 ans, recevront 340 000 euros de dommages et intérêts. Il leur est accordé 54 000 euros au titre du préjudice moral, tandis que différents proches qui ont accompagné la jeune femme durant sa maladie toucheront également des indemnités (plusieurs milliers d'euros, au total). Ces sommes sont à verser immédiatement. Les condamnés, de leur côté, font appel. Une nouvelle audience est prévue, en février 2003, pour déterminer le partage des responsabilités entre l'institut et l'association.
Pour Pasteur, cette décision de justice est « non fondée ». « La contamination des hormones de croissance (en 1984-1985, NDLR) est de nature biologique, se défend-il. Elle provient donc nécessairement d'hypophyses infectées au moment de la collecte, et non des traitements physicochimiques appliqués à l'institut, et ce quel que soit le procédé ». « Le fabricant du médicament, poursuit-il, est absent des débats, car il relève de la juridiction administrative. »
Pasteur appliquait un processus de transformation qui permettait à la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris (PCHP) de fabriquer et de distribuer l'hormone de croissance. Quant à l'Association France-Hypophyse (AFH), aujourd'hui dissoute, elle tient à rappeler qu'elle « était sous le contrôle des pouvoirs publics : trois des plus hauts responsables du ministère de la Santé siégeaient au conseil d'administration et étaient responsables des décisions ». Et d'ajouter : « Les autorités de santé publique ont donné leur aval à la PCHP pour qu'elle fabrique, contrôle et distribue l'hormone de croissance sous la marque "France-Hypophyse - PCHP". »
A en croire Me Nicolas Jonquet, avocat de la famille Fachin, Pasteur a joué « les apprentis sorciers » en se lançant dans une fabrication dont il n'avait « ni les moyens ni la compétence », et l'AFH, « qui intervenait à tous les maillons de la chaîne », n'aurait pas assuré sa mission de contrôle, en dépit des mises en garde de l'inspection générale de la Santé sur une possible contamination dès 1983.
Onze personnes mises en examen
Quoi qu'il en soit, le jugement civil du 9 juillet pourrait faire bouger les choses du côté de la procédure pénale en cours dans ce même dossier de l'hormone de croissance contaminée. Les Fachin, en refusant « l'indemnisation transactionnelle », proposée par l'Etat depuis 1993 aux victimes et à leurs proches, entendaient réagir, notamment, à la lenteur de la justice pénale. Une instruction est entre les mains de la juge parisienne Marie-Odile Bertella-Geffroy, depuis plus de dix ans . Onze personnes sont mises en examen : Henri Cerceau et Marc Mollet, de la PCHP, pour « empoisonnement », Michel Baur (PCHP) pour « soustraction de preuves », les Prs Jean-Claude Job, président de France-Hypophyse, Fernand Dray (Pasteur), Jacques Dangoumau (ministère de la Santé) et cinq médecins de France-Hypophyse pour « homicide involontaire ».
A ce jour, 81 personnes soignées de nanisme hypophysaire, entre janvier 1984 et juin 1985, sont mortes, et 6 autres développent la MCJ.
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