La cour d'appel de Montpellier a mis en délibéré au 23 septembre sa décision concernant la responsabilité de l'Institut Pasteur dans le décès, il y a deux ans, d'une femme par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) à la suite d'un traitement aux hormones de croissance.
Me Nicolas Jonquet, avocat de la famille Fachin, dont la fille Pascale est décédée de la MCJ, après qu'elle fut traitée en 1985 avec des hormones de croissance contaminées, ne voit pas comment les magistrats pourraient revenir sur le jugement de première instance. Il a le sentiment que la cour a compris que le « producteur est responsable (...) du dommage causé par le défaut de son produit », comme l'a stipulé le tribunal de grande instance (TGI) de la métropole Languedoc-Roussillon.
Le 9 juillet 2002, le TGI a reconnu civilement responsables l'Institut Pasteur et France-Hypophyse, l'association de médecins collectant les hormones et aujourd'hui démantelée. Assignés pour « responsabilité du fait de produits défectueux », les deux organismes ont été condamnés à payer 600 000 euros à la famille de la victime. Avec la loi du 4 mars 2002, c'est l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui prend le relais de l'Institut Pasteur pour une partie des dommages, car l'Institut est insolvable (« le Quotidien » du 31 mars). Or, souligne Me Nicolas Jonquet, l'ONIAM a pour raison d'être la prise en charge de l'aléa thérapeutique, caractérisé par l'absence de faute médicale ou de produit mis en cause, ce qui « n'est pas le cas dans l'hormone de croissance contaminée ». « En faisant entrer en scène l'ONIAM, les pouvoirs publics ont cherché à éviter un naufrage financier à Pasteur, si d'aventure d'autres familles venaient à saisir une juridiction civile », affirme-t-il . Plusieurs raisons avaient conduit l'Institut Pasteur à faire appel. Pasteur déplore que la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris, producteur et distributeur de l'hormone de croissance, qui relève de la juridiction administrative, ait été exclue du procès. En outre, l'Institut se défend d'être le responsable de la contamination de Pascale Fachin. L'infection, « de nature biologique, a son origine dans une hypophyse prélevée chez une personne porteuse du prion. Elle ne peut en aucun cas être née "spontanément" au stade des procédés physico-chimiques pratiqués à l'Institut pour l'extraction de l'hormone brute, et ce quels que soient les procédés et les méthodes de travail », précise-t-il.
L'instruction pénale
bientôt bouclée
Pour sa part, l'Association des victimes de l'hormone de croissance (AVHC) dénonce les « dérives qu'a entraînées (la) procédure civile ». Tout en respectant le choix de la famille Fachin, elle regrette que la finalité de son action ne soit « pas de rechercher la faute, mais uniquement des réparations de dommages "à l'américaine" , provoquant ainsi de graves distorsions entre les victimes ». Elle « est dirigée contre des entités abstraites, personnes morales (ONIAM, Institut Pasteur), et non contre des individus qui ont eu un comportement délinquant à l'origine de la contamination », affirme l'association. L'Association cite les « enrichissements personnels, trafics commerciaux sur des produits de santé, confusion des intérêts privés et de la mission de service public, recherche pervertie d'une notoriété factice, dissimulations, méconnaissance des règles élémentaires dans la fabrication de l'hormone », ou encore « le traitement des enfants ». Sans compter, souligne-t-elle, que le juge civil est « incompétent » du fait « de la mission de service public administratif remplie tant par l'association France-Hypophyse que par l'Institut ». Aussi, les familles de victimes regroupées au sein de l'AVHC, « qui se mobilisent pour la recherche de la vérité au travers du dossier pénal », instruit depuis 1991 par la juge parisienne Marie-Odile Bertella-Geffroy, « ne comprennent pas » ce qu'elles nomment un « faux-semblant » de démarche judiciaire « qui utilise le fruit de leur travail dans l'instruction pénale (une cinquantaine de plaintes) depuis de nombreuses années ». De leur point de vue, il importe de ne pas abandonner la voie pénale, même après le non-lieu de la Cour de cassation dans le scandale du sang contaminé (« le Quotidien » du 20 juin). Car, contrairement à ce qui s'est passé dans l'affaire du sang, la juge bénéficie d'une saisine globale. Et, surtout, parmi les onze personnes mises en examen, on en compte qui ont fabriqué, distribué et prescrit l'hormone de croissance, ce qui n'est pas le cas dans l'affaire du sang contaminé, où il y avait des « intermédiaires », explique leur avocat, Me Bernard Fau. A la fin de la semaine dernière, Marie-Odile Bertella-Geffroy a fait savoir à l'AVHC que son instruction serait close en décembre prochain.
A ce jour, sur un millier d'enfants traités pour nanisme hypophysaire, entre janvier 1984 et juin 1985, quatre-vingt-huit sont morts, et plus d'une demi-douzaine seraient atteints de MCJ.
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