De notre correspondante
à New York
« Le degré de conservation des mécanismes de l'horloge biologique entre les mouches drosophiles et les mammifères est saisissant », déclare au « Quotidien » le Dr Martha Gillette, de l'université d'Illinois, à Urbana-Champaign. « Cela indique une pression sélective pour conserver le mécanisme fondamental d'horloge pendant une grande part de l'évolution. »
Presque tous les organismes vivants, de la mouche drosophile à l'homme, dépendent d'une horloge interne pour réguler leurs rythmes circadiens comportementaux et physiologiques, tels que rythmes de sommeil et oscillations de la température au cours de vingt-quatre heures. Cette horloge est réajustée par la lumière de l'environnement.
Au cœur de l'horloge, il y a une boucle feed-back autorégulée de transcription et de translation de gènes qui génère la rythmicité circadienne. Les principaux composants de cette boucle, les gènes d'horloge, sont similaires chez la mouche et les mammifères, à l'exception du gène timeless dont le rôle chez les mammifères restait équivoque.
« Il y a eu beaucoup de débats sur le rôle de timeless, et timeless a généralement été exclu des recherches depuis 1998 », explique dans un communiqué le Dr Gillette, dont l'équipe fut la seule a rapporter en 1998 un rôle de timeless dans l'horloge des mammifères. « Ce papier contient des données importantes apportant la preuve définitive que timeless doit reprendre sa place dans la boucle. »
Il est impossible d'étudier le rôle de timeless par la délétion du gène, car cette délétion est létale pour l'embryon.
Barnes, Gillette et coll. ont travaillé sur des coupes cérébrales de rat, prélevées dans le noyau suprachiasmatique (NSC) de l'hypothalamus, le site de l'horloge centrale chez les mammifères.
Le traitement de ces coupes avec des ADN antisens dirigés contre le début de la séquence du gène timeless, inhibant ainsi la production de la protéine timeless, a perturbé les rythmes d'activité des neurones du NSC, et altéré les taux des autres éléments connus de l'horloge.
Une forme longue et une forme tronquée
En fait, il existe deux isoformes de la protéine timeless, une forme longue et une forme tronquée. Tandis que la protéine longue montre une oscillation sur 24 heures, la protéine tronquée est exprimée en grande quantité sans oscillation. Ainsi, seule la protéine timeless longue est cruciale pour la fonction circadienne centrale. Cela explique la précédente controverse sur la protéine timeless. « Les autres laboratoires ciblaient leurs réactifs sur la fin du gène et les changements de la protéine longue uniquement étaient difficiles à isoler en raison de la surabondance de l'isoforme courte », explique le Dr Jessica Barnes.
La protéine longue timeless du mammifère s'associe aux protéines Period dans les cellules oscillantes du NSC du rat. Leurs travaux suggèrent que cette isoforme longue est un homologue fonctionnel de la protéine timeless de la drosophile sur la boucle de rétroaction négative de l'horloge moléculaire des mammifères.
« Cela souligne la nature hautement conservée du mécanisme de l'horloge biologique », concluent les chercheurs.
« Le gène timeless de la drosophile fonctionne aussi comme un lien important entre la lumière de l'environnement et le système circadien. Notre prochaine étape est d'étudier comment les mammifères ont adapté le lien entre l'environnement et l'horloge, et de voir si le gène timeless des mammifères a aussi conservé cette fonction », confie au « Quotidien » le Dr Barnes. Il est important, ajoute-t-elle, de comprendre exactement comment fonctionne le système circadien, car il régule de nombreux comportements et fonctions physiologiques importantes. « Cette meilleure compréhension pourrait permettre de découvrir comment moduler ces comportements et processus comme le sommeil, la reproduction et la division cellulaire. »
« Science » du 17 octobre 2003, 439.
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