Si le directeur du centre hospitalier de Salon-de-Provence et vice-président de l’association des directeurs d'hôpital (ADH), Vincent Prévoteau, parle de volonté de travailler avec les médecins libéraux et de leur offrir un outil hospitalier adapté, Philippe Gaertner, président du CNPS, le Centre national des professions de santé qui regroupe les principaux syndicats de professionnels de santé libéraux, regrette un véritable hiatus entre les objectifs de la stratégie nationale de santé et le contenu du projet de loi de modernisation de notre système de santé : « Je rappelle que l’objectif est de permettre de maintenir le plus longtemps possible les personnes dans leur lieu habituel de vie et, après une hospitalisation, de leur permettre de retourner à domicile le plus rapidement possible et d’être prise en charge par les professionnels de santé de ville. » Or, ajoute le président du CNPS, « rien n’a été prévu dans la loi qui permet à des professionnels de santé libéraux d’améliorer cette prise en charge de manière coordonnée », ce qui constitue un des points d’achoppement entre les libéraux et la loi.
Une déception qui devient hostilité quand ces mêmes libéraux parcourent les mesures de restructuration de l’hôpital et la mise en place des GHT. « La question est de savoir si la restructuration territoriale des hôpitaux est faite pour améliorer l’efficience des hôpitaux, ou si elle est faite pour permettre aux hôpitaux d’investir le champ de la ville », s’inquiète Philippe Gaertner.
De nombreuses remontées de terrain inquiétantes pour les libéraux
Une inquiétude nourrie par la remontée, depuis le terrain, de nombreux exemples de « redéploiement » d’hôpitaux sur des activités jusqu’ici assurées par les professionnels de santé libéraux. « Les exemples sont nombreux, détaille le président du CNPS. Si vous prenez l’hospitalisation à domicile, qui est à l’initiative de l’hôpital à 80 %, il s’agit bien de l’extension de l’hôpital sur la ville. Si cela est tout à fait pertinent pour les patients les plus lourds, on sait bien qu’à partir du moment où ce type de structures sont créées, on y inclut des patients qui pourraient tout à fait être pris en charge directement par des professionnels de santé libéraux bien coordonnés. »
Autre exemple, plus frontal celui-ci, le Syndicat des biologistes (SDB), membre du CNPS, a adressé cette année deux lettres de protestation à la ministre de la Santé contre des hôpitaux qui ont promu auprès des patients de ville, via la presse locale ou leur site Internet, leurs laboratoires de biologie médicale. Ce que le SDB estime être illégal au regard des interdictions de pratique publicitaire posé par le code de santé publique. Une situation de « concurrence » qui risque de se multiplier avec les GHT. Si ni le représentant de l’ADH, ni le président du CNPS ne veulent utiliser le mot concurrence, un certain nombre de situations de terrain sont loin de la coordination et de la coopération annoncée. Prenant l’exemple de sa profession de pharmacien d’officine, le président du CNPS s’inquiète des effets des GHT sur son activité : « Le GHT va permettre la création de pharmacies à usage intérieur (PUI) pour approvisionner des patients à domicile dans le cadre d’une HAD, mais aussi des résidents d’Ehpad rattaché à des hôpitaux… » Autant de champs d’activité échappant ainsi aux libéraux.
Même les ARS s’y mettent parfois. Là encore, le CNPS est alerté sur des situations paradoxales dans un certain nombre de territoires où l’ARS essaie de stopper la permanence de soins des libéraux en nuit profonde pour des questions de restructuration et de coût, alors que l’on ne cesse de dire qu’il faut éviter d’engorger les urgences hospitalières.
Le risque d’un effet inverse à l’objectif recherché
« Je comprends très bien les directeurs d’hôpitaux qui font leur travail et gèrent au mieux leur établissement et leur personnel, analyse Philippe Gaertner, c’est une façon pour eux de gérer le virage ambulatoire et de faire face au raccourcissement des séjours. Mais nous alertons sur l’incohérence de la situation et nous dénonçons deux poids deux mesures. Cette extension de l’hôpital vers la ville risque de fragiliser encore plus l’offre libérale, ce qui aboutirait exactement à l’effet inverse de ce qui est recherché par la stratégie nationale de santé souhaite : nous allons hospitaliser des gens qui ne devrait pas l’être si l’offre de ville était forte et structurée. »
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