De notre envoyée spéciale à Londres
En dépit de l'hétérogénéité des systèmes nationaux dans lesquels ils s'intègrent, les hôpitaux de l'Union européenne se ressemblent. Les difficultés qu'ils ont à surmonter en matière de financement, de centralisation des soins, de judiciarisation de la santé, d'adaptation aux nouvelles technologies, d'afflux de malades de plus en plus âgés... font partie de leurs points communs.
Ce constat, quelque cent cinquante responsables d'hôpitaux européens - des gestionnaires pour la plupart - viennent de le faire à Londres, dans le cadre du premier congrès hospitalier européen (1), manifestation organisée par l'éditeur britannique Campden en liaison avec le Comité permanent des hôpitaux de l'Union européenne (HOPE). Partageant des préoccupations proches, les professionnels des hôpitaux britanniques, allemands, italiens, danois, espagnols, belges, néerlandais... n'en sont pas moins soumis à des politiques nationales à laquelle l'Union n'apporte qu'une faible cohérence européenne.
John Bowis, député européen et ancien ministre britannique de la Santé, a beau annoncer que le Parlement européen « va vite exercer le pouvoir » sur les questions de santé, Lindsay Mountford, qui travaille comme expert à la direction de la Santé publique de la Commission européenne, reconnaît que c'est avec une extrême lenteur que l'Europe avance ses pions dans ce domaine. « Jusqu'à présent, explique-t-elle, il n'y a pas eu de politique européenne très organisée mais plutôt une série de programmes de dépenses. » Si les questions de santé sont appelées à prendre de l'ampleur au sein de l'Union au cours des années à venir - la Commission, en réaction en particulier à la crise de la vache folle, est en train de plancher sur un nouveau programme de santé publique -, elles exigent aussi que le ménage soit fait parmi les nombreux textes qui, de manière transversale, influencent l'état de santé de chaque Européen comme les conditions de délivrance des soins. « Nous allons recenser tout ce qui existe. Car on trouve des facteurs déterminants partout. Les décisions prises pour l'environnement, pour la sécurité sur le lieu de travail, sur la libre circulation, les accords internationaux [...] ont des répercussions sur la santé », annonce Lindsay Mountford.
Comparaisons intéressantes
Les hôpitaux européens réunis à Londres n'ont pas attendu que Bruxelles se saisisse de leurs difficultés pour se livrer au petit jeu des comparaisons. De leur tour d'horizon résulte un tableau où singularismes, ressemblances et résonances coexistent. Quand l'Espagne et le Royaume-Uni décentralisent, la Finlande ou la Norvège choisissent la carte de la concentration. Chacun peut suivre sa voie, les politiques hospitalières nationales n'en ont pas moins des répercussions chez les Etats voisins. Les hôpitaux français manquent-ils d'infirmières ? Les hôpitaux helvétiques (la Suisse, sans être membre de l'Union européenne, fait cependant partie de l'espace européen) paient-ils beaucoup mieux que les autres ces professionnelles ? Elles quittent leur Espagne ou leur Grande-Bretagne d'origine pour rallier les pays recruteurs. Certains médecins font la même chose et des coins d'Europe comme l'Irlande du Nord ou des zones finlandaises reculées manquent cruellement d'infirmières comme de praticiens. A côté de ces interactions, des tendances lourdes s'observent partout.
La « taille et la performance »<\!p>
Ainsi, la judiciarisation de la santé fait trembler l'Union dans son ensemble et le CHU de Francfort, qui n'est plus couvert par les assurances pour les risques évitables, est loin d'être un cas isolé en Europe. Les exemples de l'Espagne, de la Finlande et du Royaume-Uni qui n'arrivent pas à résorber leurs files d'attente effraient les autres pays de l'Union...
La question de la distribution des malades - qui sous-tend celle de la répartition des professionnels de santé et de l'offre de soins - préoccupe particulièrement les hospitaliers européens, qu'ils manquent de médecins et d'infirmières ou/et qu'ils croulent sous les patients. Comment gérer les flux ? Faut-il actionner ensemble ou séparément les leviers « ressources », « malades » et « professionnels » ? A Londres, le Pr Jon Nicholl, chercheur à l'université de Sheffield, a fait un sort à la tentation de la centralisation de l'offre de soins. « On ne peut pas obtenir de preuve à l'appui de l'affirmation : les grandes institutions soignent mieux que les petites », affirme-t-il en s'appuyant sur plusieurs enquêtes menées en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis. Même les fusions d'établissements, particulièrement à la mode en France, sont rejetées par le chercheur : « Dans cette configuration, on n'en fait pas plus avec les mêmes fonds, on n'est pas plus efficace. » Le Pr Nicholl va plus loin et soutient, sur la base d'une étude centrée sur la réanimation pédiatrique, qu'il est « absurde de tracer une ligne de démarcation en montrant du doigt les établissements trop petits. » Il invite les hospitaliers à ne pas raisonner en termes de taille des établissements mais plutôt en termes de « performances » et prône le fonctionnement en réseaux. Pour que « les soins cliniques soient bien gérés », il faut, affirme-t-il, « que les institutions petites et grandes mettent en commun leurs ressources et leurs expertises ». Jon Nicholl voudrait aussi que la politique hospitalière n'écarte pas le point de vue des malades sur ces questions. « Au Royaume-Uni, nous les avons interrogés récemment. Si la plupart sont prêts à voyager pour se faire soigner (y compris à l'étranger si les soins y sont meilleurs), ils sont tout de même 30 % à 40 % à ne vouloir bouger dans aucune circonstance, même s'ils savent que les soins dispensés dans leur hôpital local sont de moins bonne qualité qu'ailleurs. »
(1) « The European Hospital Healthcare Congress 2001 » s'est tenu à Londres les 18 et 19 septembre.
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