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Hôpital numérique, mode d’emploi

Publié le 08/07/2011
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L’édition 2011 du salon HIT fut l’occasion, au cours de nombreuses conférences, d’approfondir les fondamentaux que sont le circuit du médicament, la solution globale intégrée, ou encore la mutualisation des Pacs. Tour d’horizon.

DMP, un départ en trombe

C’était très certainement la star de la dernière livraison du Health information technology (HIT) 2011. Le dossier médical personnel (DMP) avait droit à son propre stand de démonstration sur l’emplacement de l’Agence des systèmes d’information de santé partagés (Asip). À ce jour, depuis janvier dernier, près de 10 000 DMP ont été ouverts, principalement dans quatre régions tests, mais aussi, depuis avril, dans l’ensemble des cabinets de médecine de ville français, équipés d’un progiciel DMP-compatible. Car c’est la condition sine qua non pour ouvrir un DMP : le patient doit se rendre chez son médecin traitant, lequel doit être équipé d’un dossier patient informatisé compatible avec le DMP. Question sécurité, l’ouverture du DMP utilise un système OPT (One Time Password) : un mot de passe unique pour une utilisation est envoyé sur le mail de l’utilisateur. Le professionnel de santé doit s’identifier, quant à lui, grâce à sa carte de professionnel de santé (CPS). Le patient a la possibilité de masquer tout ou partie d’un document à un professionnel de santé ; seul le médecin traitant dispose d’un accès exhaustif à l’ensemble du DMP. Si le propriétaire peut alimenter lui-même le DMP, chaque document ne peut excéder une taille de 5 Mo : ce qui élimine de fait une grande partie de l’imagerie médicale. Autre possibilité : le patient peut être averti de l’arrivée d’un nouveau document dans son DMP via un alerteur. Il a accès également à l’ensemble du journal d’activités du DMP (log), et peut refuser la procédure d’urgence « bris de glace », qui permet à n’importe quel professionnel de santé d’accéder au contenu du DMP, en cas d’urgence vitale.

Vers une solution globale intégrée

Lame de fond ou mode passagère ? En tous les cas, il fut beaucoup question lors de ce dernier salon de solution globale intégrée, soit un logiciel unique qui couvrirait tous les besoins hospitaliers : dossier patient, urgences, circuit du médicament, administratifs, facturation… Lors d’une conférence, François Chambonneau, en charge du système d’information du centre hospitalier de Chateauroux, a décrit la lente mise en place d’un système d’information globale entièrement intégré. « En 2002, nous avons décidé d’un nouveau schéma directeur, car nous voulions que la production de soins soit au cœur du SIH. Nous avons choisi de nous appuyer sur le dossier patient informatisé DxCare de Medasys », explique-t-il. Lors d’une première étape, le CH Chateauroux a opté pour une approche semi-intégrée. « DxCare devait gérer le dossier patient unifié, mais aussi les urgences. Nous lui avons adjoint d’autres modules, comme Gam (admission du patient), CastorBloc, CastorChimio et Ris Sirilog. » Resultat : un gain de temps considérable, cependant oblitéré par des problèmes d’interfaçace entre les applications. La partie administrative étant prise en charge par le logiciel Cepage. Dans un second temps, en 2008, la DSIO a cherché à corriger les dysfonctionnements constatés, comme la redondance d’informations, les interfaces homme/machine (IHM) multiples, la gestion des fournisseurs multiples… La troisième étape fut abordée dès 2011, grâce à l’extension du schéma directeur et à l’ajout de nouveaux modules : PMSI SSR, Psy PACS, Dx Pharm, etc. « En 2012, nous aurons un DxCare entièrement intégré », de la production de soins, jusqu’à la facturation, grâce à l’ajout de DxCareT2A, ce qui présente de sérieux atouts : base de données unique, identito-vigilance simplifiée, IHM unique, cohérence de toutes les données d’activité et de production de soins… Question : un progiciel intégré, en cas de faille dans le système de sécurité, risque-t-il de freiner, voire stopper, totalement, l’activité d’un établissement ? « DxCare et les différents modules qui le composent vivent leur propre vie, et sont indépendants les uns des autres. Si l’un des modules est affecté, l’ensemble du progiciel ne l’est pas forcément », précise Jean-Jacques Meaux, vice-président Stratégies de Medasys. D’ores et déjà en production au centre hospitalier de Cannes, le concept de progiciel intégré prend de l’ampleur. « Nous travaillons actuellement sur un module chimiothérapie, qui a vocation à s’intégrer dans notre progiciel intégré », ajoute Jean-Jacques Meaux.

Comment déployer un circuit du médicament informatisé ?

C’est souvent sous la contrainte que se décide dans les établissements le déploiement d’un circuit du médicament informatisé. « En 2005, est apparu le contrat de bon usage du médicament, qui créait des pénalités en cas de non-respect du CBU. Qui plus est, la même année, nous sommes entrés dans le processus de certification qui a émis une réserve sur le circuit du médicament », explique Anne Linder, pharmacien au centre hospitalier de Saint-Nazaire. Entre 2006 et 2009, le chantier du circuit du médicament s’est donc mis en place, pour aboutir à l’informatisation de 80 % des lits. Quelles sont les règles à respecter pour réussir l’implémentation d’un circuit du médicament ? Quels que soient les exemples cités, des étapes essentielles sont à respecter dans l’instauration d’un circuit du médicament. Première d’entre elles : l’écriture du cahier des charges. « Entre 2005 et 2006, avec l’appui d’une aide à la maîtrise d’ouvrage, nous avons établi le cahier des charges, lancé l’appel d’offres, abordé les problèmes d’interfaçage », indique Anne Linder. Seconde étape : choisir un service pilote pour tester le déploiement du circuit du médicament. Au CH de Saint-Nazaire, le service de pneumologie a été choisi. Au CHU de Nîmes, c’est le service de médecine interne qui a servi de pilote. « Après avoir choisi nos progiciels, Pharma et Chimio, interfacés avec Cepage, nous l’avons déployé en 2004 sur un premier service pilote de médecine interne. Puis, nous avons débuté le déploiement général en 2007 en commençant par les urgences, à raison d’une unité de 30 lits tous les 15 jours. Pour accompagner ce changement auprès des équipes, un groupe opérationnel dans les deux cas a été instauré. À Saint-Nazaire, il était composé d’un cadre de santé, d’un pharmacien et d’un informaticien. À Nimes, des membres de la PUI et de la DSI ont servi de soutien logistique. » But du groupe : former les infirmières et les médecins. Le materiel ? « Nous nous sommes servis de portables, de bornes Wi-Fi et d’Ergotron pour la prescription médicale », rappelle Anne Linder. Quant aux normes à appliquer, Jean-Marie Kinowski du CHU de Nîmes conseille fortement, pour garantir l’interopérabilité, d’appliquer au circuit du médicament la norme PN13 et le référentiel CIO pour la gestion du livret. En ce qui concerne la prescription, la norme DCI sera préférée. Les inconvénients rencontrés ? Tous s’accordent à dire que le chantier est chronophage, et prend plusieurs années. De manière plus spécifique, Anne Linder soulève le problème des utilisateurs récalcitrants, mais aussi celui des bornes mal positionnées. « Nous avons également rencontré des problèmes d’interfaçage de Pharma avec Magh2 et Référence. »

Comment piloter efficacement son hôpital ?

C’est une obsession de manager : comment obtenir en un seul coup d’œil les données essentielles d’aide à la décision ? Olivier Jaudon, directeur général adjoint du groupe Mutualité du Languedoc, semble avoir trouvé la réponse. « L’ensemble de nos six établissements de santé étaient en phase de certification : nous n’avions pas de dossier patient, pas de suivi du médicament, pas plus que de logiciels de facturation. Qui plus est, avec le passage à la T2A, il nous fallait adapter nos outils. Nous avons fait le choix d’Hôpital manager », indique-t-il. Car ce progiciel de McKesson comporte un module décisionnel, Hôpital Manager Intelligence. « Grâce à ce module, nous pouvons extraire des informations clés à destination des directions, des responsables de service et des contributeurs. » Le module est utilisé en partenariat avec Sap Business Object, pour « une multi-source de données ». Résultat : les managers ont à leur disposition des tableaux de bord dynamiques sur les sujets les plus variés : provenance des patients, GHM les plus représentés, médicaments les plus consommés… Le module comporte également un outil d’aide au remplissage des statistiques annuelles des établissements (SAE).

La mutualisation des Pacs

Chaque année, la Société française de radiologie (SFR) se lamente du retard français en matière d’imagerie médicale. Pourtant des solutions émergent, comme la mutualisation des Pacs, à ne pas confondre avec le Pacs mutualisé, tant les établissements veulent rester propriétaires de leurs archives. Ainsi dans la région Aquitaine, autour du CHU de Bordeaux, s’est mis en place le projet Iris Aquitaine, soit la mutualisation de trois Pacs : celui du CHU de Bordeaux, de l’institut Bergonié, et d’un groupe de radiologues associés. « Nous nous sommes rendu compte que plus de 50 % des patients oublient de rapporter leurs examens. Pouvoir mutualiser les Pacs permettrait de résoudre cet écueil, indique Christina Bertini, ingénieur en imagerie au CHU de Bordeaux. Grâce à un financement Hôpital 2012, nous avons pu lancer un dialogue compétitif sur cette question. » Prérequis : l’enregistrement du consentement du patient, et l’authentification des professionnels autorisés à utiliser cette mutualisation de Pacs. « Les droits de consultation restent limités. Et nous devons respecter les standards en vigueur, à savoir HL7, Dicom, IHE. Techniquement nous devons faire en sorte que l’accès à la BDD se fasse en moins de dix secondes. » Gain attendu : une réduction du nombre d’examens redondants, une amélioration de la prise en charge du patient, et la suppression des archivages multiples. En Île-de-France, des prises d’initiative, dans le domaine, existent. Il en va ainsi du GCS D-Sisif région sans film. « Nous avons mis en place une solution de Pacs complet de type Saas (software as a service). Chaque établissement partenaire dispose d’un espace propre d’archivage numérique, mis à la disposition des autres établissements de santé et de la médecine de ville. » Trois partenaires sont en charge du projet : Orange, General Electric et RIS EDL. « Le projet est opérationnel depuis un an. L’accord-cadre a été signé le 22 avril dernier. Au total, nous avons enregistré 21 adhésions », informe Valère Dussaux, directeur des opérations GCS D-Sisif. Le projet Région sans film propose trois types de service : l’archivage, le Pacs+l’archivage, et enfin le Pacs+le Ris+l’archivage. Deux établissements ont été pilotes : le CH d’Eaubonne (95) et l’institut Gustave-Roussy (Villejuif,94).

Jean-Bernard Gervais

Source : Décision Santé: 276