A qui appartiennent les deux bâtiments et les cent hectares de l'hôpital de Pierrefitte, en Seine-Saint-Denis ? Mystère.
Face à face : les hôpitaux de Saint-Denis (1), qui ont acquis l'établissement en 1986, l'ont fermé en 1999 et veulent s'en défaire aujourd'hui, et un particulier, Pierre Bouniol, propriétaire jusqu'en 1974 de l'hôpital de Pierrefitte, qui s'appelait alors la clinique Victor-Hugo.
Pour les premiers, tout est normal. Dans une situation financière difficile, les hôpitaux de Saint-Denis souhaitent juste revendre un domaine « qui figure en l'état dans (leur) patrimoine », expliquent-ils. « Nous examinons des propositions d'acquéreurs », confirme le directeur du groupe, Yves Grosjean.
Aux yeux de Pierre Bouniol, il n'est pas question que les choses se passent ainsi. Pour une bonne raison : il se considère comme « le propriétaire de l'hôpital de Pierrefitte ». Parce que, du produit de la vente de 1974 (500 000 F de l'époque), il n'a jamais vu la couleur que de 950 F. Parce que, sur la base d'un rapport de l'IGAS (inspection des Affaires sociales) de 1984, il doute surtout de la validité des reventes successives de son ancien établissement, y compris, par ricochet, de celle de certains actes notariés établis en 1986, au moment de l'entrée en lice des hôpitaux de Saint-Denis. « Il n'y a jamais eu d'inscription à la convention des hypothèques », explique Pierre Bouniol.
Tribulations
En un quart de siècle, l'ex-clinique Victor-Hugo aura eu son lot de tribulations. En 1974, alors qu'elle est en redressement judiciaire, elle est achetée par le Dr Paul Nemegyei, un médecin d'origine roumaine. L'homme, qui cède par la suite l'établissement à des associations qui ressemblent fort à des écrans, fera parler de lui quand il aura maille à partir avec la justice au milieu des années quatre-vingt. Sa recette ? Acheter des cliniques (cinq en tout en région parisienne), les transformer, via une modification de statut, en hôpitaux privés participant au service public hospitalier, puis vider leurs caisses par le biais de sociétés de service sous contrôle.
Il s'agit bel et bien d'une escroquerie à la Sécurité sociale. Elle vaudra à plusieurs personnes d'être condamnées en première instance, relaxées en appel et en cassation. C'est à la faveur de cette affaire que l'IGAS a mis son nez en 1984 dans le fonctionnement de la clinique Victor-Hugo et qu'elle a noté que le flou régnait alors sur la propriété de l'ex-clinique. Pierre Bouniol estime donc que l'achat de l'établissement par les hôpitaux de Saint-Denis est également caduc. CQFD, il est toujours propriétaire de murs qui valent aujourd'hui entre « vingt et cinquante millions de francs ». Avant l'été, il a demandé au directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Ile-de-France, Dominique Coudreau, de vérifier l'authenticité des actes de vente de 1986. Renseignements pris, M. Coudreau explique que les hôpitaux de Saint-Denis « ont le sentiment d'avoir tout fait de la façon la plus régulière possible » et avoue son impuissance : « J'ai fait tout ce que je pouvais compte tenu des responsabilités qui sont les miennes. » Du point de vue de l'ARH, l'affaire est donc close. A moins que Pierre Bouniol n'attaque en justice.
(1) Ce groupe hospitalier regroupe les deux établissements publics de la ville de Saint-Denis : l'hôpital Delafontaine et l'hôpital Casanova.
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